« Je ne quitterai pas la France »
C’est sans conviction particulière que Patrick Collombat, le bac en poche, choisissait, il yaquelques vingt-cinq années, de s’inscrire en faculté des sciences. « En France, on demande aux jeunes de faire des choix de carrière très tôt, lorsqu’ils sont à peine âgés de 16 ans. Un âge où l’on est plus préoccupé par les filles que par son avenir professionnel! » , s’amuse-t-il. Celui qui confie qu’il ne tra
vaillait « pas trop » au lycée, va se laisser, à sa grande surprise, entraîner dans une folle histoire d’amour avec la biologie. Et, « là, je me suis mis à
travailler ». Il est un étudiant brillant et rapidement déterminé. Plutôtque suivre la voie classique qui aurait dû le conduire à faire sa thèse dans le même laboratoire toulousain où il a effectué son DEA, il choisit de s’expatrier en Allemagne. Mais pas n’importe où. Son choix se porte sur un centre de recherche de renommée internationale, l’Ins-
titut Max-Planck. « J’avais prévu d’y faire ma thèse, puis de rentrer en France pour mon
post-doc [stage postdoctoral, passage obligé pour espérer êtrerecruté par un organisme public de recherche, comme le CNRS ou l’Inserm, ndlr]. » Un « plan de carrière » qui va être bouleversé, puisque « j’ai en réalité passé dix années en Allemagne ! ». Dixannées qu’il va consacrer à la recherche sur le diabète. « J’ai toujours voulu fairede labiologieappliquée ; il me fallait une théma- tique avec des enjeux médicaux. C’est important de travailler pour les gens… » Pendant cette période, Patrick va faire les frais de la compétition internationale impitoyable qui sévit dans le
domaine de la recherche. « On avait trouvé un gène impliquédans le développement du cerveau, mais des Japonais nous avaient coiffés d’une courte tête, nous obligeant à abandonner une partie de nos recherches... » Un « échec » cuisant dont il ne sait pas alors qu’il va le conduire sur une voie royale. « Ils avaient juste “raté” le pancréas [organe qui produit l’insuline, ndlr],
alors, on s’en est emparés.»
Récipendiaire de nombreux prix, auteur d’un nombreconsidérable de publications dans les meilleures revues, le chercheur français de 42 ans, bientôt papa pour la deuxième fois, est un homme convoité. Mais en dépit des propositions alléchantes émanant notamment des États-Unis (il multiplierait par quatre son salaire actuel), il l’affirme sans réserve : « Je ne quitterai pas la France. ». Pour des raisons familiales, mais aussi parce qu’il estimeque le statut de chercheur fonctionnaire y offre la possibilité de tenter des projets risqués. « Aux États-Unis, c’est extrêmement compétitif. On risque son job, si on se plante. Alors, on prend moins de risques. » Au risque de passeràcôté de découvertes majeures. Comme celle de Patrick Collombat.