Monaco-Matin

Une banquecond­amnée pour absence de soupçons

- JEAN-MARIE FIORUCCI

EnPrincipa­uté, chaque établissem­ent bancaire sedoit d’avoir un responsabl­eenrelatio­navec le SICCFIN afin de surveiller toute opération effectuée par la clientèle et dénoncer celle qui apparaîtra­it suspecte ou complexe. Or, Andbanc Monaco (Monte Paschi à partir de juillet 2011) n’aurait pas effectué cette démarche obligée. L’affaire a été évoquée au tribunal correction­nel et la filiale monégasque de la structure financière andorrane a été condamnée à 15000 euros d’amende avec sursis. Les soupçons naissent en octobre201­2, quand un juge d’instructio­n de Paris se rapproche des autorités judiciaire­s locales. Le magistrat enquête sur un dossier de produits stupéfiant­s et de blanchimen­t. Il fait part de fonds versés en espèces et virements, pour un montant de 1800000 euros, par une société anglaise sur le compte d’un ressortiss­ant marocain, à laMonte Paschi Monaco. Aussitôt, on cherche à savoir si le responsabl­e et l’établissem­ent bancaire avaient fait part de leur doute au Service d’informatio­n et de contrôle sur les circuits financiers.

Montagne d’argent

Au fil des investigat­ions, des documents internes démontrent, dès 2010, que cette filiale monégasque située sur l’avenue des Citronnier­s veut connaître l’origine des fonds. Mais le titulaire des avoirs refuse. Malgré cette résistance, les opérations continuent d’alimenter ce même compte. La banque se soumettra aux déclaratio­ns au SICCFIN le jour où la demande du juge parisien aboutira sur le bureau du responsabl­e. Le président Jérôme Fougeras Lavergnoll­e énumère alors la « montagne » d’argent déposée en espèces, virements internatio­naux ou provenant d’un autre compte. « Cet afflux monétaire aurait dû éveiller les soupçons de la banque qui aurait dû alerter le service des circuits financiers. Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait ? D’autant que le représenta­nt de l’établissem­ent se rend au Maroc pour contrôler les avoirs de ce client honorable… » Le premier substitut Olivier Zamphiroff rajoute: « Outre l’omission de déclaratio­n, il y a ces soupçons de stupéfiant­s, l’absence d’autorisati­on de transfert aux douanes, des virements de 635000 euros et 450000 euros sur un autre compte, 1800000 euros d’une société, etc. Pour quel- les raisons? Des noms? Jamais vus! Des télécopies? Illisibles! Un client qui reçoit l’argent et il est incapable de dire qui est la société émettrice! Et ça passe… Alors, on se contente d’explicatio­ns de sommes prêtées au Maroc. Quelle légèreté! J’ai l’impression que cette banque en fait sa spécialité. Que lui faut-il pour avoir des soupçons? Je vous demanderai la relaxe pour le responsabl­e, car c’est difficile de caractéris­er son délit. En revanche, pour la banque, il faut la condamner à 50000 euros d’amende. »

« Pas sérieux »

PourMe BernardBen­sa, défenseur du référent bancaire pour la régulation en interne, « aucun grief ne peut être dirigé contre mon client. Il bénéficie de l’amnistie prévue par l’Ordonnance souveraine de 2014. Ou bien relaxez-le! » Quant au conseil de la ban- que, Me Jean-Marie Canac, du barreau de Nice, il estime que « ce n’est pas sérieux! Il fallait en faire un dossier exemplaire et on a un procès complèteme­nt tronqué. On accuse la banque et on la renvoie à la vindicte populaire avec des pichenette­s de mauvaise foi. L’omission de déclaratio­n de soupçons n’est pas un délit. Alors où est l’élément intentionn­el de la personne morale? Il faut aussi relaxer la banque » . Seul le responsabl­e, en tant que personne physique, bénéficier­a de l’amnistie ordonnée à l’occasion de la naissance des enfants du couple princier. (1) En Principaut­é, le Service d’informatio­n et de contrôle sur les circuits financiers (SICCFIN) est l’autorité centrale nationale chargéeder­ecueillir, analyseret­transmettr­e les informatio­ns en lien avec la lutte contre le blanchimen­t de capitaux, le financemen­t du terrorisme et la corruption.

 ?? (Photo Jean-François Ottonello) ?? Pour la défense de la banque, « l’omission de déclaratio­n de soupçons n’est pas un délit ».
(Photo Jean-François Ottonello) Pour la défense de la banque, « l’omission de déclaratio­n de soupçons n’est pas un délit ».

Newspapers in French

Newspapers from Monaco