BernardKouchner choqué par «les CRS à la frontière»
Le cofondateur de Médecins sans frontières intervenait hier dans le cadre de « La journée Nobel de Nice ». L’ancien ministre soutient les habitants de la région qui accueillent des migrants
Le French Doctor. Bernard Kouchner, a cofondé Médecins sans frontières (MSF). L’organisation non-gouvernementale qui a reçu le prix Nobel de la paix en 1999, pour ses positions humanitaires fortes, notamment lors de la crise des boat people, ces Vietnamiens qui fuyaient la guerre à la fin des années soixantedix. Alors qu’il intervenait, hier, au Centre universitaire méditerranéen dans le cadre de « La journée Nobel de Nice », l’ancien ministre ( a répondu à nos questions, mais pas sur l’actualité politique.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la paix dans le monde? Il n’y a pas de paix, il n’y a que la guerre! J’ai un regard très critique sur ce que nous laissons faire à Alep, sur lesmorts qui s’accumulent dans les ruines d’Alep, bombardée par Poutine et Bachar al-Assad, avec notre complicité, en réalité. Parce que nous attendons que cela se passe. On attend qu’Alep tombe et peut- être qu’il y aura une paix. Il y a déjà morts civils.
Comment interprétez-vous ce qui se passe dans la vallée de la Roya aujourd’hui? Il est triste et sinistre de voir l’installation de CRS à la frontière italienne pour bloquer des réfugiés qui sont arrivés ici au péril de leur vie. Les habitants de la région sont l’honneur de la France et la justice a été bien mal inspirée [de condamner deux citoyens]. Il faudrait changer la loi. La France a pris très peu de réfugiés, par peur du Front national et du qu’en- dira-t- on. Heureusement, MmeMerkel en a pris beaucoup et vous allez voir: elle sera réélue et l’Allemagne absorbera ces réfugiés.
La solution, c’est l’accueil? Non. La solution, c’est de faire la paix, d’aller chez eux. Mais cela, nous ne le faisons pas non plus. Aumoins, pour le pays des Droits de l’homme, il fallait accueillir des réfugiés, comme cela avait été fait pour Vietnamiens en . Cela s’était très bien passé.
Comment un ancien prixNobel peut-il influencer les décisions prises en France ou à l’étranger? Ma position ne suffit pas. Mais tout lemonde sait que j’ai condamné le manque de secours porté auxmigrants, pas encore devenus réfugiés parce qu’on ne les accueillait pas. Vous savez que nous avons une flotte à Toulon, qui ne fait rien. On aurait pu avoir en permanence des bâtiments pour secourir les gens qui se noyaient.
Qu’est-ce qui bloque? On est trop influencés par cette crainte des réfugiés, entretenue par les politiques. D’abord, on s’imagine que lesmusulmans posent tous des bombes alors qu’au contraire, ils les fuient. Ensuite, il y a le fantasme de l’invasion: on ne pourrait pas lutter contre le chômage si on les accueillait… Psychologiquement, c’est l’extrême droite qui gagne, alors que tout cela est faux! Médecins sans frontièresméritait son prix Nobel. D’autres le méritent et l’ont eu, comme Handicap international parce qu’ils s’étaient mêlés de politique. Il ne faut pas penser que seules la charité et la solidarité suffisent. Il faut essayer d’empêcher les guerres. C’est ce qu’a compris Handicap international en parlant de la façon dont on pourrait déminer les frontières… Il faut toujours se demander si on n’arrive pas trop tard. L’amont de l’amont, c’est la prévention du conflit.
Un prixNobel change-t-il une trajectoire? Ça l’améliore, peut- être, mais cela ne la change pas. Médecins sans frontières a demandé le prix Nobel. Cela se demande. Pourquoi l’auraient-ils refusé?