Monaco-Matin

Bérézina

- Par DENIS JEAMBAR

Quel tour de force! Elu Président grâce à la solidité de la Ve République, François Hollande finit son mandat dans une atmosphère qui rappelle les derniers jours de la IVe. C’est de Gaulle qu’il aurait dû remercier jeudi soir pour avoir conçu des institutio­ns qui le mettent à l’abri d’ungros coup de torchon au cours des cinq mois qui le séparent de la fin de sonquinque­nnat. Ce ne sera, cependant, qu’une présidence sur la défensive, consacrée à la seule gestion des affaires courantes. Comment le chef de l’État pourrait-il prendre, désormais, une initiative sérieuse sur la scène internatio­nale ou européenne dès lors que ses interlocut­eurs savent qu’il ne sera bientôt plus là? Comment pourrait-il proposer aux Français desmesures significat­ives alors qu’il ne pourra pas en assumer l’exécution? Emprisonné­e dans une présidence croupion, François Hollande est condamné à supporter pendant  jours le douloureux spectacle d’une déliquesce­nce qu’il a lui-même créée. D’abord, en acceptant une primaire de gauche dont il voulait tirer profit mais qui s’est retournée contre lui. Ensuite, en fixant un agenda qui négligeait les intérêts dupays en risquant d’ouvrir une trop longue période de vacance du pouvoir. Enfin, en renonçant à se présenter directemen­t devant les Français. Beaucoup ont salué le courage de cette décision. En vérité, en dehors de l’humiliatio­n personnell­e qu’il subit en se retirant, affaire à vrai dire intime qui ne concerne pas la vie publique, sa déclaratio­n du  décembre s’apparente à une capitulati­on avec un mot d’ordre: courage, fuyons! François Hollande n’assumera pas devant les Français dont il redoute la sentence les nombreuses conséquenc­es de ses actes. Passons sur la situation du pays. La France est plus que jamais lemalade de l’Europe avec son taux de chômage, ses déficits, sa dette, de plus enplus de pauvres, unnombre croissant de déclassés, une industrie flageolant­e, etc. Le plaidoyer pro domo très technocrat­ique du Président jeudi soir ne convaincra pas grandmonde. Restera, ce qui n’est pas rien au demeurant, le Mariage pour tous. Sa famille politique, elle, est un champ de ruines. Ce désastre lui incombe. Il a échoué à la dominer, à lui imposer son autorité, ses choix. La gauche est en miettes et son chef déserte la bataille aussi bien face aux siens que face aux Français. Il refuse aussi d’affronter cette vérité: s’il ne peut ressouder la gauche fracturée, qui pourrait y parvenir? Avrai dire, personne. Et pas le clivant Manuel Valls. La décision inédite de François Hollande est, enfin, un séisme institutio­nnel. Ce retrait précipité affaiblit sa fonction. Elle laisse la France sans véritable chef au moment où le monde va connaître de grosses secousses avec l’arrivée de Donald Trump aupouvoir. Le pays ne pourra pas vraiment jouer ses cartes pendant cinq mois. Cela s’appelle une Bérézina!

« François Hollande est condamné à supporter le douloureux spectacle d’une déliquesce­nce qu’il a lui-même créée. »

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