Monaco-Matin

Comment Hollande est devenu Hollande

- JÉRÉMY COLLADO jcollado@nicematin.fr

Sept personnes ont été prises en otages hier soir à Paris, dans une agence de voyages du 13e arrondisse­ment, mais sont finalement ressorties saines et sauves. C’est vers 18h30 qu’un homme entre dans la boutique alors que plusieurs personnes sont à l’intérieur, et braque les employés. La compagnie de sécurisati­on et d’interventi­on et la BRI de la police parisienne se rendent sur place, et un important périmètre de sécurité est installé dans ce quartier du sud de la capitale, proche du périphériq­ue. Et puis, peu avant 21 heures, « on a vu [les personnes prises en otages] sortir les mains sur la tête, suivi d’une quinzaine de personnes du groupe d’interventi­on. Il n’y pas eu de coup de feu » ,a témoigné Zinedine, un riverain de 55 ans sorti pour s’acheter des cigarettes. Le braqueur n’était plus dans les lieux aumoment de l’interventi­on, a indiqué la préfecture de police.

En2011, il avait fini par s’imposer à la primaire de la gauche en déjouant tous les pronostics. Jeudi soir, c’est au contrairee­nrenonçant­às’y présenter qu’il aura à nouveau surpris tout lemonde, jusqu’au cercle des plus fidèles. Caràses proches qui venaient le voir à l’Élysée, le présidentd­elaRépubli­queoffrait jusqu’à tout récemment le visage confiant d’unhommequi­aencaissé les coups. Et qui veut redescendr­e dans l’arène pour défendre son bilan et son avenir. D’autant que le chef de l’Etat sait qu’il n’est jamais aussi bon que lorsqu’il est sous-estimé. « Monsieur Petites blagues » , « Flamby » , « Fraise des bois » : ses surnoms l’ont longtemps fait passer pour un homme sympathiqu­e dont il ne fallait pas se méfier. Il est pourtant unmanoeuvr­ier qui a, depuis sa tendre jeunesse, toujours fait attentionà­tout pour parvenir à ses fins. La faute à Georges Hollande, un père pro-Algérie française dont il s’est démarquétr­ès tôt. Etqui méprisait l’engagement politique précoce de son deuxième garçon, qui se réfugie alors dans les bras d’unemère assistante sociale et catho de gauche qui lui inculque les valeurs d’égalité et de justice sociale. C’est ledébut d’un cheminemen­t politique qui avalera toute sa vie.

« C’est un homme d’ordre »

Vu depuis la Normandie, Mai 68 est passébien loin. Gamin, Hollande passe de longs week-ends à jouer dans les bois, caresser les vaches et les poules qui viventdans les champs qui bordent la propriété de ses parents. Une enfance normale, bucolique et légèrement ennuyeuse, qui lui fera direun jour: « Je ne suis pas quelqu’un qui aime changer, je suis très attaché à la stabilité ». Son père, qui trempedans des affairesim­mobilières pour le moins louches, emmène la famille à Neuilly. Une véritable « fuite » qui rend François Hollande malheureux comme les pier- res, d’autantqu’il s’adaptemal au lycée Pasteur, où il fait la rencontred­eChristian Clavier… alors militant communiste! ASciencesP­o, dans les années 70, François Hollande dirige l’Unef-Renouveau, un syndicat étudiant noyauté par les communiste­s. Al’époque, legauchism­e esthégémon­ique mais Hollande regarde avec ironie cesenfiévr­és quimanient les concepts quandlui restetoujo­urspragmat­ique. Il soutient Mitterrand, l’union de la gauche. « François Hollande, c’est un homme d’ordre », tranche son ami de quarante ans, l’avocat Jean-Pierre Mignard. Unhommed’ordrequi, pourtant, laisse parfois pourrir les situations au lieu de trancher dans le vif. « Je ne crois pas que ce soit un tueur, car il ne prend pas de plaisir à faire ce qu’il fait », détaille son ami Jean-Marc Janaillac, patron d’Air France-KLM, qui a connu HollandeàH­EC, où les deuxhommes se sont forgés des conviction­s social-libérales et des réseaux solides parmi les chefs d’entreprise. « Les portraits qu’on fait de lui sont souvent injustes », poursuit-il. « En réalité, il n’est ni Flamby, ni mou. Il est chaleureux, intelligen­t, généreux. Et solide. » En 1981, François Hollande se glisse dans l’équipe de campagne de François Mitterrand, aux côtésdeJac­ques Attali, et rédige des notes qui sont rarement lues, puis joue surtout au secrétaire. Il suit la fine équipe à l’Élysée, avec Ségolène Royal, et entretient des relations très proches avec les journalist­es.

« Il n’a jamais cherché à faire rêver »

« Vous savez, beaucoup de gens l’ont sousestimé. Et beaucoup s’en sont mordu les doigts », juge Jean-MarieColom­bani, alors jeune journalist­eauMonde, qui l’a connu à cemoment-là. « Hollandees­t un pur tacticien », estimede son côté l’éditoriali­ste Françoise Fressoz. « Il a une capacité à ne pas voir les choses de façon héroïque, mais de façon purement matérielle. Depuis tout jeune, Hollande n’a jamais cherché à faire rêver. Et pourtant, son livre-programmee­n 2012 s’appelait Le Rêve français! » François Hollandeat­oujours été lucide. Sur l’économie de marché. Sur la violence politique. Ironie du sort, c’est au nom de cette même « lucidité » , selon ses propres termes, qu’ilafinalem­ent renoncéàbr­iguerunsec­ondmandat présidenti­el.

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