« C’est une bataille politique »
Maître de conférences, spécialiste d’histoire contemporaine, d’histoire et civilisation de l’Italie contemporaine à l’université de Toulon, Simone Visciola analyse le contexte et les enjeux de ce référendum.
Ce référendumporte sur la réformede laConstitution. Quel en est le contenu? La réformeneconcerne pas lesprincipes fondateursde la Constitution (lapremièrepartie), mais portesur lesmécanismes de fonctionnement du système démocratique ( partie): la confiance au gouvernement, la natureduSénat ( sénateurs au lieude plus àvie), les rapports entre les deux chambres, l’ouverturede procédures plus rapides et efficacespour approuver les lois et la distribution des compétences entre l’État et les régions.
Que lui reproche-t-on? J’ai l’impression que les critiques ne portent pas sur le contenu mais sur les origines. Une bonne partie du front du « non » dit qu’ellea été imposée au parlement par le gouvernement.
Est-ce la réalité? Ce texte a été approuvé en avril après un long processus de discussion de plus de deux ans, durant lequel modifications sont intervenues pour modifier des aspects essentiels de la réforme, notamment l’élection du président de la République et les pouvoirs des régions. La réformeaété adoptée entre et % par les deux chambres.
Que s’est-il passé depuis? La confrontation politiqueapris le dessus. Jusqu’enavril , il y avait une « entente » entre le parti démocratedeMatteoRenzi, les autres forces de la majorité, et même Forza Italia, le parti de Berlusconi. Or, aujourd’hui, Forza Italia a changé d’avis sur la méthode d’élection du président de la Républiqueet surtout sur la naturede laprime de majorité contenue dans la loi électorale Italicum (la listequi dépasse les % des voix obtient % desmembres duParlement, soit sièges). Ces deux choses ont très peu ou rien à voir avec le contenu du référendum. La naturede ces changements de position me semble strictement politique.
Quels sont les deux camps? Le conflit est très rude. D’uncôté, MatteoRenzi argumente en disant que si le « non » gagne, le danger est d’aboutir à un gouvernement technique, auquel il ne veut pas participer. De l’autre côté, il y a un front hétéroclite: Berlusconi, qui parle maintenant de réforme antidémocratique, le mouvement anti- establishment Étoiles de Beppe Grillo, lagauche radicale et la Ligue du Nord. Ensemble, ils disent aux Italiens: votez « non » et éliminez Renzi.
Qu’est-ce qui se joue là? Ce que je vois de l’extérieur, depuis la France, est qu’il y a peud’aspects nobles dans cette confrontation. Certains changements de la réforme, par exemple, épouvantent ceux qui veulent continuer à faire un usage désinvolte de l’argent public. Car si le « oui » l’emporte, les gouvernements locaux en situation de difficulté économique pourront être destitués dans certains cas particuliers, et l’autonomie des régions sera réduite. La réforme veut ramener des compétences des régions (énergies, transports, infrastructures d’intérêt national, sécurité au travail, recherche scientifique…) à l’État. Ce qui me fait réfléchir, c’est que certains membres du parti démocrateet de Forza Italia ont fait marche arrièreparce que la premièrequestion pour eux maintenant est de revenir sur le devant de la scène.
Quelles seraient les conséquences en cas de victoiredu « non » ? Ce ne serapas la catastrophe annoncée par le front du « oui », je n’y crois pas. En revanche, Renzi a annoncéqu’il démissionnerait ; il pourrait s’ouvrir une période de confusion, une phase qui ressemblerait à lapremière République avec un gouvernement de grande coalition qui ne pourra pas durer. Beppe Grillo restera endehors, les autres feront un front contre lui, et peut-êtreque le résultat serad’offrir aumouvement Étoiles la possibilitédes’imposer aux élections successives.
Comment pensez-vous que les Italiens vont réagir? La difficulté pour les Italiens est d’évaluer, dans ce climat, le contenu de la réforme. J’espère vraiment que la société civile réagira bien, avec autonomie de lecture et sens des responsabilités. Quel que soit le vote, on a besoin d’une mise à jour de la Constitution. Les Constitutions ne sont pas des totems, les pères constituants avaient d’ailleurs prévu un article pour la mettre à jour. Le système actuel de bicamérisme égalitaire engendre un grand ralentissement législatif.Depuis , date de l’avènement de la République, l’Italie a connu gouvernements. L’Italie est un grand pays, elle a besoin de stabilité.