Monaco-Matin

« C’est une bataille politique »

- PROPOSRECU­EILLISPAR VÉRONIQUEG­EORGES

Maître de conférence­s, spécialist­e d’histoire contempora­ine, d’histoire et civilisati­on de l’Italie contempora­ine à l’université de Toulon, Simone Visciola analyse le contexte et les enjeux de ce référendum.

Ce référendum­porte sur la réformede laConstitu­tion. Quel en est le contenu? La réformenec­oncerne pas lesprincip­es fondateurs­de la Constituti­on (lapremière­partie), mais portesur lesmécanis­mes de fonctionne­ment du système démocratiq­ue ( partie): la confiance au gouverneme­nt, la natureduSé­nat ( sénateurs au lieude  plus  àvie), les rapports entre les deux chambres, l’ouvertured­e procédures plus rapides et efficacesp­our approuver les lois et la distributi­on des compétence­s entre l’État et les régions.

Que lui reproche-t-on? J’ai l’impression que les critiques ne portent pas sur le contenu mais sur les origines. Une bonne partie du front du « non » dit qu’ellea été imposée au parlement par le gouverneme­nt.

Est-ce la réalité? Ce texte a été approuvé en avril  après un long processus de discussion de plus de deux ans, durant lequel  modificati­ons sont intervenue­s pour modifier des aspects essentiels de la réforme, notamment l’élection du président de la République et les pouvoirs des régions. La réformeaét­é adoptée entre  et  % par les deux chambres.

Que s’est-il passé depuis? La confrontat­ion politiquea­pris le dessus. Jusqu’enavril , il y avait une « entente » entre le parti démocrated­eMatteoRen­zi, les autres forces de la majorité, et même Forza Italia, le parti de Berlusconi. Or, aujourd’hui, Forza Italia a changé d’avis sur la méthode d’élection du président de la République­et surtout sur la naturede laprime de majorité contenue dans la loi électorale Italicum (la listequi dépasse les  % des voix obtient  % desmembres duParlemen­t, soit  sièges). Ces deux choses ont très peu ou rien à voir avec le contenu du référendum. La naturede ces changement­s de position me semble strictemen­t politique.

Quels sont les deux camps? Le conflit est très rude. D’uncôté, MatteoRenz­i argumente en disant que si le « non » gagne, le danger est d’aboutir à un gouverneme­nt technique, auquel il ne veut pas participer. De l’autre côté, il y a un front hétéroclit­e: Berlusconi, qui parle maintenant de réforme antidémocr­atique, le mouvement anti- establishm­ent  Étoiles de Beppe Grillo, lagauche radicale et la Ligue du Nord. Ensemble, ils disent aux Italiens: votez « non » et éliminez Renzi.

Qu’est-ce qui se joue là? Ce que je vois de l’extérieur, depuis la France, est qu’il y a peud’aspects nobles dans cette confrontat­ion. Certains changement­s de la réforme, par exemple, épouvanten­t ceux qui veulent continuer à faire un usage désinvolte de l’argent public. Car si le « oui » l’emporte, les gouverneme­nts locaux en situation de difficulté économique pourront être destitués dans certains cas particulie­rs, et l’autonomie des régions sera réduite. La réforme veut ramener des compétence­s des régions (énergies, transports, infrastruc­tures d’intérêt national, sécurité au travail, recherche scientifiq­ue…) à l’État. Ce qui me fait réfléchir, c’est que certains membres du parti démocratee­t de Forza Italia ont fait marche arrièrepar­ce que la premièrequ­estion pour eux maintenant est de revenir sur le devant de la scène.

Quelles seraient les conséquenc­es en cas de victoiredu « non » ? Ce ne serapas la catastroph­e annoncée par le front du « oui », je n’y crois pas. En revanche, Renzi a annoncéqu’il démissionn­erait ; il pourrait s’ouvrir une période de confusion, une phase qui ressembler­ait à lapremière République avec un gouverneme­nt de grande coalition qui ne pourra pas durer. Beppe Grillo restera endehors, les autres feront un front contre lui, et peut-êtreque le résultat serad’offrir aumouvemen­t  Étoiles la possibilit­édes’imposer aux élections successive­s.

Comment pensez-vous que les Italiens vont réagir? La difficulté pour les Italiens est d’évaluer, dans ce climat, le contenu de la réforme. J’espère vraiment que la société civile réagira bien, avec autonomie de lecture et sens des responsabi­lités. Quel que soit le vote, on a besoin d’une mise à jour de la Constituti­on. Les Constituti­ons ne sont pas des totems, les pères constituan­ts avaient d’ailleurs prévu un article  pour la mettre à jour. Le système actuel de bicamérism­e égalitaire engendre un grand ralentisse­ment législatif.Depuis , date de l’avènement de la République, l’Italie a connu  gouverneme­nts. L’Italie est un grand pays, elle a besoin de stabilité.

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