LaDMLA décryptée par un chercheur niçois À la une
Thomas Lamonerie a mis au jour un gène déterminant dans le déclenchement de cette affection qui touche plus d’un million de Français
Facéties de la recherche, c’est en s’intéressant aux premiers âges de la vie que Thomas Lamonerie a été mis sur la piste de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), cette affection de l’oeil qui affecte les personnes au crépuscule de leur existence. Chronique d’une découverte qui, à terme, pourrait bien bouleverser la prise en charge de la DMLA. « À l’origine, je m’intéressais à des gènes activés très tôt dans le développement embryonnaire, avec l’intuition qu’ils pouvaient continuer à jouer un rôle toute la vie durant » . Un gène en particulier, exprimé au niveau du système nerveux central et nommé OTX2, mobilisait alors l’intérêt du chercheur. En utilisant des outils génétiques très sophistiqués, il mettait alors en évidence, sur un modèle de souris, qu’OXT2 était essentiel à la vision. « Lorsque ce gène est “éteint” à 10 J de développement, l’embryon présente des yeux malformés. » Cette découverte va susciter l’intérêt d’un médecin lyonnais, spécialiste de la microphtalmie. « Il m’a contacté en me demandant : “Savez vous comment ça se passe chez l’adulte ?” » Une question qui n’a rien d’anodin. « Il savait qu’OXT2 était fortement exprimé dans la rétine. » Voilà donc ce spécialiste du neurodéveloppement « quitter » l’embryon pour rejoindre la souris adulte. Et pour répondre à laquestion qui lui a étéposée par le médecin lyonnais, il va, avec son équipe, parveniràmettre au point une technique permettant d’éteindre le gène OXT2, chez des souris adultes. « Quatre mois plus tard, elles étaient aveugles ! Il y avait eu dégénérescence lente, mais complète des photorécepteurs, les cellules qui captent la lumière. » Quatre mois, soit une longue période, à l’échelle d’un rongeur « évocatrice d’une maladie à démarrage tardif » . Comme la DMLA. Et, rapidement, le chercheur, grâceàdes financements de l’association Retina France, accumulait les indices confirmant cette hypothèse. « En regardant ce qui s’était passé pendant les quatre mois, on a noté que dès le premier mois suivant l’extinction du gène, il y avait moins de photorécepteurs dans l’oeil. Mais en réalité, c’est dans la couche de cellules en dessous que tout avait commencé, au niveau de ce que l’on nomme l’épithélium pigmentaire, garant de la bonne santé de la rétine, puisque chargé de nourrir les photorécepteurs, mais aussi d’éliminer leurs déchets. » Bingo ! Il est, en effet, connu que dans la DMLA on retrouve ces amas qui s’accumulent à l’extérieur de cet épithélium qui, avec l’âge, fonctionne de moins enmoins bien. « Ces dépôts vont entraver l’apport des nutriments aux photorécepteurs, jusqu’à leur épuisement, avec les conséquences que l’on connaît sur la vision. » Avec son modèle animal et la cible génétique identifiée, Thomas Lamonerie figure, aujourd’hui, parmi les chercheurs dont les travaux sont les plus prometteurs au monde dans le domaine de la DMLA. S’il est trop tôt pour parler de traitements, le scientifique niçois confie que des étapes ultérieuresàcette recherche ont déjà été franchies qui devraient permettre de tester à terme des médicaments. Mais les enjeux colossaux en termes médico-économiques – un quart des plu s de 75 ans concernés par cette affection – nous empêcheront d’en savoir davantage.