Monaco-Matin

LaDMLA décryptée par un chercheur niçois À la une

Thomas Lamonerie a mis au jour un gène déterminan­t dans le déclenchem­ent de cette affection qui touche plus d’un million de Français

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Facéties de la recherche, c’est en s’intéressan­t aux premiers âges de la vie que Thomas Lamonerie a été mis sur la piste de la dégénéresc­ence maculaire liée à l’âge (DMLA), cette affection de l’oeil qui affecte les personnes au crépuscule de leur existence. Chronique d’une découverte qui, à terme, pourrait bien bouleverse­r la prise en charge de la DMLA. « À l’origine, je m’intéressai­s à des gènes activés très tôt dans le développem­ent embryonnai­re, avec l’intuition qu’ils pouvaient continuer à jouer un rôle toute la vie durant » . Un gène en particulie­r, exprimé au niveau du système nerveux central et nommé OTX2, mobilisait alors l’intérêt du chercheur. En utilisant des outils génétiques très sophistiqu­és, il mettait alors en évidence, sur un modèle de souris, qu’OXT2 était essentiel à la vision. « Lorsque ce gène est “éteint” à 10 J de développem­ent, l’embryon présente des yeux malformés. » Cette découverte va susciter l’intérêt d’un médecin lyonnais, spécialist­e de la microphtal­mie. « Il m’a contacté en me demandant : “Savez vous comment ça se passe chez l’adulte ?” » Une question qui n’a rien d’anodin. « Il savait qu’OXT2 était fortement exprimé dans la rétine. » Voilà donc ce spécialist­e du neurodével­oppement « quitter » l’embryon pour rejoindre la souris adulte. Et pour répondre à laquestion qui lui a étéposée par le médecin lyonnais, il va, avec son équipe, parveniràm­ettre au point une technique permettant d’éteindre le gène OXT2, chez des souris adultes. « Quatre mois plus tard, elles étaient aveugles ! Il y avait eu dégénéresc­ence lente, mais complète des photorécep­teurs, les cellules qui captent la lumière. » Quatre mois, soit une longue période, à l’échelle d’un rongeur « évocatrice d’une maladie à démarrage tardif » . Comme la DMLA. Et, rapidement, le chercheur, grâceàdes financemen­ts de l’associatio­n Retina France, accumulait les indices confirmant cette hypothèse. « En regardant ce qui s’était passé pendant les quatre mois, on a noté que dès le premier mois suivant l’extinction du gène, il y avait moins de photorécep­teurs dans l’oeil. Mais en réalité, c’est dans la couche de cellules en dessous que tout avait commencé, au niveau de ce que l’on nomme l’épithélium pigmentair­e, garant de la bonne santé de la rétine, puisque chargé de nourrir les photorécep­teurs, mais aussi d’éliminer leurs déchets. » Bingo ! Il est, en effet, connu que dans la DMLA on retrouve ces amas qui s’accumulent à l’extérieur de cet épithélium qui, avec l’âge, fonctionne de moins enmoins bien. « Ces dépôts vont entraver l’apport des nutriments aux photorécep­teurs, jusqu’à leur épuisement, avec les conséquenc­es que l’on connaît sur la vision. » Avec son modèle animal et la cible génétique identifiée, Thomas Lamonerie figure, aujourd’hui, parmi les chercheurs dont les travaux sont les plus prometteur­s au monde dans le domaine de la DMLA. S’il est trop tôt pour parler de traitement­s, le scientifiq­ue niçois confie que des étapes ultérieure­sàcette recherche ont déjà été franchies qui devraient permettre de tester à terme des médicament­s. Mais les enjeux colossaux en termes médico-économique­s – un quart des plu s de 75 ans concernés par cette affection – nous empêcheron­t d’en savoir davantage.

 ?? (Photo Frantz Bouton) ?? Thomas Lamonerie, chef d’équipe à l’Institut de biologie de Valrose est un spécialist­e du neurodével­oppement.
(Photo Frantz Bouton) Thomas Lamonerie, chef d’équipe à l’Institut de biologie de Valrose est un spécialist­e du neurodével­oppement.

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