Syndrome du bébé secoué Des pleurs fatals... Prévention
Un bébé qui pleure, un adulte impuissant à le calmer qui le secoue violemment… Et un bébé qui ne pleurera plus jamais, ou gardera des séquelles à vie...
Mon bébé est tombé de la table à langer. » « Il s’est cogné la tête contre la table basse. » « Il vomit, il convulse, il a fait un malaise… » Des propos affolés de parents, conduisant leur bébé de quelques mois aux urgences pédiatriques. Dans l’immense majorité des cas, l’inquiétude– et surtout les faits– sont bien réels. Parfois malheureusement, ils dissimulent une maltraitance. On l’appelle le syndromedu bébé secoué. Cent vingtàdeux cent quarante enfants en seraient, chaque année, victimes. Près d’untiers décèdent, 15 % garderont des séquelles. Qui sont ces jeunes victimes? D’après les études, il s’agit « de nourrissons de moins d’un an dans leur majorité, plutôt de sexe masculin, souvent nés prématurément et issus de grossesse gémellaire » , précise le Dr Michèle Berlioz-Baudoin, chef du service de pédiatrie du CHPG, àMonaco.
Un syndrome sous- diagnostiqué
Si les symptômes associésàcesyndromesontparfois très « bruyants » ( lire plus loin), il arrive, aussi, qu’ils soient plusdiscrets, doncdifficiles à repérer. « Il y a certainement de nombreux cas non diagnostiqués. Lorsqu’il y a peu de symptômes, les parents ne consultent pas. Pourtant, le risque de séquelles existe, même dans ce cas. » Des séquelles neurologiques quasi systématiques et toujours graves: « handicapmoteur ou troubles visuels dont la cécité, épilepsie, déficit intellectuel, troubles sévères du comportement : instabilité psycho-motrice, agressivité...» Le Dr Berlioz-Baudoin organisait, cette semaineàMonaco, une soirée de formationàdestination des professionnels (150 étaient présents) pour les sensibiliseràcesyndrome, décritpour la première foisdans les années cinquante. « Un faisceau d’arguments peuvent éveiller les soupçons: un récit peu cohérent de la part des parents, l’existence d’un traumatisme crânien avec des lésions cérébrales radiologiques ca- ractéristiques (hématome sousdural), d’hémorragies rétiniennes (visibles surun fond de l’oeil). » Les conséquences de gestes brutaux sur l’enfant, balancé d’avant en arrière, alors qu’il tient encore mal sa tête et qu’elle est très lourde. Si la chuteest souvent évoquée par celui (celle) quiacommisces actes, certains éléments peuvent le contredire. « Une chute est peu compatible avec des lésions diffuses dans le cerveau. » Mais qu’est ce qui pousse un adulte à commettre des actes aussi abjects sur un nourrisson de quelques mois? « Le facteur déclenchant, ce sont souvent les pleurs du bébé qui vont exaspérer l’adulte, au point qu’il va prendre le bébé et le secouer violemment. » Prévenir ce syndrome passe ainsi par une information sur l’origine de cespleurset surtout laconduite à tenir pour éviter un dramatique dérapage. « C’est normal, physiologique de pleureràcet âge, insiste le Dr Berlioz-Baudoin. Un nourrisson peut pleurer2 heures par jour, voire d’affilée, il n’y a pas motif à inquiétude s’il ne manifeste aucun symptôme (fièvre…). Ces pleurs sont sa seule façon de s’exprimer… » Coucher le bébé sur le dos, quitter la pièce,
appeler un proche, son médecin, un voisin… Mais surtout éviter l’exaspération. « Certains parents ne se rendent même pas compte de la gravité de leur acte. Ils ont cédé à l’exaspération et secoué le bébé. Mais, il faut savoir qu’un seul secouement violent suffit à produire des conséquences tragiques. » Pour l’enfant, mais aussi pour le parent, condamné à assister à vie cet enfant.