Avec Xavier Beulin, les éleveurs ont crié au loup
Hier, le président de la FNSEA était à Caussols, au chevet des éleveurs. Il a promis de se faire le porte-parole de leurs revendications auprès des pouvoirs publics et des candidats à la présidentielle
Xavier Beulin n’avait pas mis son costume noir ni ses fines chaussures. C’est en jean, pull et veste en velours que le président de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) s’est rendu hier à Caussols, dans le haut pays grassois, pour rencontrer les éleveurs de la région. Sur ces hauts plateaux zébrés qui ressemblent aux Cévennes, des moutons ont été dévorés et des loups ont été abattus. C’est pour cela qu’ils sont réunis dans la salle de la mairie. Pour parler de la bête. Et raconter l’histoire d’une impossible cohabitation.
« J’ai fait un burn- out »
« J’ai vu le loup, il était 21 heures. » Les patous l’ont d’abord mis en fuite. Puis il est revenu. Valérie Aubert, 45 ans, a les yeux mouillés quand elle arrive à la fin de son histoire. « C’était le 11 août 2016, juste devant ma bergerie. J’avais six béliers, il ne m’en reste plus que deux. » Elle dit que depuis, elle est en arrêt maladie. « J’ai fait un burn-out. Ça fait longtemps que je ne dormais plus. Je n’avais plus de vie sociale, plus de vie de famille.» Elle dit encore que c’est plus facile pour une femme d’aller voir le médecin, mais que les hommes dans la montagne restent seuls. Autour de la table, on enamarre de compter les cadavres. Il y a la vice-présidente de la Région à la ruralité et au pastoralisme, Eliane Bareille, et plusieurs représentants locaux du syndicat des exploitants agricoles. Les éleveurs, eux, sont une quarantaine. Des Alpes-Maritimes, du Var, des Alpes- de- Haute- Provence et des Hautes-Alpes, certains sont venus de loin, en colère. « On se fait toujours attaquer alors qu’on est les premiers environnementalistes » , assène l’un d’eux. « Je ne peux plus sortir sans ma carabine » , dit un autre. Xavier Beulin a tout écouté, la tête légèrement baissée. Lui le céréalier, l’agro-businessman des plaines de Beauce, veut dire qu’il les a compris. Il est venu pour ça, pour qu’ils se sentent reconnus « là-haut » , pour porter leur parole, dire que ça suffit de laisser le loup piocher dans les troupeaux de brebis comme si c’était des sucreries. Là un gigot. Ici, un foie. Alors, Xavier Beulin conseille : « Il faut raconter une histoire. Replacer l’homme au coeur du territoire. Dire que le prédateur en menace l’équilibre. » Dans la perspective de l’élection présidentielle, il promet qu’il va sensibiliser les candidats. Exposer comment « le pastoralisme préserve la biodiversité » . Répéter que la disparition de l’élevage voudrait dire lamort de certains massifs.
Le plafond des tirs presque atteint
Le sujet déchaîne tellement les passions que tout y est devenu euphémisme. Dans la langue des éleveurs, quand un mouton est retrouvé dépecé on ne dit pas « mort » on dit « prédaté » . Dans la langue des communiqués de la préfecture, quand un loup est tiré on ne dit pas « tué » , on dit « prélevé » . Et des prélèvements, il y en a eu beaucoup cette année, le plafond fixé à 32 a été atteint un mois plus tôt qu’en 2015. Restent « quatre tirs de défense » , uniquement en cas de menace directe sur un troupeau. « C’est la preuve de la pression » pour Xavier Beulin qui martèle : « Il faut une dérogation ». Il réclame aussi un assouplissement des contrôles dans les procédures d’indemnisation. « Il faut aussi monter des dossiers pour mettre en place les mesures de protection, c’est très lourd» , appuie Laurent, 35 ans, installé dans la vallée de la Tinée. Des protections inutiles – « le loup s’adapte à tout » , disent-ils – et qui coûtent cher à l’État (22 millions d’euros au 1er septembre 2016), dénoncent les éleveurs. Eux préféreraient revenir sur la convention de Berne, qui classe la bête parmi les espèces protégées. « Il faut obtenir le déclassement d’un cran » , précise Eliane Bareille. Et seulement d’un cran, car la sortie complète du loup des espèces protégées signerait aussi l’arrêt des indemnisations. Évidemment, les pro-loups ont bondi quand ils ont eu connaissance de ce qu’ils appellent « une opération de communication anti-loups » . Si l’élevage régresse, ils l’attribuent aux « problèmes de fond de la filière ovine, baisse de la consommation de viande et l’importation massive, épizooties incessantes et vieillissement des éleveurs » . Pour eux, la bête n’est qu’un bouc émissaire.