EURO FÉMININ EN SUÈDE Gauchère, c’est du caviar
Les souris d’ordinateur, les ciseaux, le monde en général, dit- on, est fait pour les droitiers, mais il existe une société dans laquelle l’aristocratie est gauchère : le handball. « C’est clairement une bonne idée d’utiliser sa main gauche dans le handball. Nous sommes une denrée précieuse », dit l’une des ces privilégiées, la médaillée d’argent olympiqueCamille Ayglon, qui dispute actuellement l’Euro en Suède avec l’équipe de France. L’explication est toute simple : il y a 10 à 15% de gauchers dans la population ; dans une équipe de handball, pour une question d’angle de tir, il en faut au moins 28%, soit deux joueurs sur sept : l’ailier droit et l’arrière droit. Pour le premier, c’est une obligation. Impossible de tromper le gardien depuis le coin droit avec le bras droit, l’angle étant complètement fermé. Pour le second, c’est fortement recommandé. « Les entraîneurs qui font le choix d’un arrière droit droitier se comptent sur les doigts de la main », dit Ayglon, ellemême arrière, et c’est laplupart du temps un expédient, faute de gaucher compétent.
Les gauchers sont plus payés !
« Le gaucher a un avantage énorme » , souligne le sélectionneur Olivier Krumbholz (un droitier). « Il sera plus payé et trouvera plus facile- ment un club. Ce n’est pas faire offense aux gauchers que de dire qu’ils ont plus de chance de jouer au haut niveau qu’un droitier ». Dans une sélection nationale, il faut quatre ailiers (2 titulaires, 2 remplaçants), deux gauchers (pour jouer à droite) et deux droitiers (pour jouer à gauche). Or si l’on prend les dix meilleurs ailiers toutes laté- ralités confondues, il y aura statistiquement un ou deux gauchers en moyenne et huit ou neuf droitiers. Le chemin du sommet est donc plus encombré d’un côté que de l’autre. Les fédérations s’organisent en conséquence pour détecter ces prédisposés, comme le basket recherche les grands et le rugby les costauds. « On impose aux sélections de jeunes d’avoir forcément des gauchers. On est très vigilant dans les Pôles. On essaie d’en recruter suffisamment pour alimenter toute la filière. Tout le dispositif est à l’affût », dit le sélectionneur. Camille Ayglon le reconnaît, sa qualité de gauchère a pu jouer un rôle dans sa carrière. « Quand j’ai commencé le hand, tardivement, les gens ont peut-être plus prêté attentionàmon potentiel parce que j’étais gauchère. Si j’avais été droitière, on serait peut- être moins venu me chercher », indique la joueuse de Bucarest.