Monaco-Matin

Affaires mains propres: malaise à l’audience

L’absence du « pacte de corruption », grand absent des réquisitio­ns du ministère public, a jeté un trouble. Une faille dans laquelle se sont engouffrés hier l’ensemble des avocats

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

olyphoniqu­es. » D’un adjectif assassin, avec son inénarrabl­e sens de la formule, Me Eric Dupond-Moretti a ainsi qualifié et flingué les réquisitio­ns des procureurs Ludovic Leclerc et Sophie Mercier au tribunal correction­nel de Marseille. Il défend Claudio et Paolo Marzocco dans le dossier de l’affaire « mains propres ». Deuxprocur­eursde laRépubliq­ue ce n’était déjà pas banal pour les réquisitio­ns. Deux voix, quatre mains. Cette « polyphonie » n’a guère servi la clarté de l’accusation à l’audience, comme nous l’écrivions hier. Créant au contraire le malaise. La raison? Elle tient à l’étonnant grand absent des réquisitio­ns: le pacte de corruption. Le renvoi d’une partie des onze prévenus devant le tribunal correction­nel tournait pourtant autour de ce qui constitue l’alpha et l’oméga de ce dossier judiciaire. Un pacte sur papier, retrouvé chez Lino Alberti. Intitulé « Accorddu 13mars 2009 », il établit une liste de dix points sur lesquels il eut fallu faire pression pour faciliter la constructi­on de la touràMonac­o, bâtie par les Marzocco. Accablant à première vue.

Le pacte démoli par la défense

Selon l’accusation, ce docu- ment serait la preuve de la collusion entre les frères Marzocco et Lino Alberti, bellâtre apporteur d’affaires, pour corrompreG­érard Spinelli, maire de Beausoleil. Ce document si important a-t-il fait l’objet de vérificati­ons sur sa crédibilit­é ? « Non », expliqueMe­Jean-Luc Szepetwosk­i, avocat du maire. Il s’est attaché hier à démolir le pacte. Pas un point dedans, a-t-il essayé de démontrer, dans lequel son client Gérard Spinelli aurait pu intervenir en tant que premier magistrat s’il avait réellement été corrompu. « Ce document approximat­if est la marque de quelqu’un qui ne connaît pas le dossier. Et le silence de l’accusation est assourdiss­ant. Plutôt que de se ridiculise­r en l’abordant point par point, le procureur préfère ne pas en parler!» Le malaise donc, relayé par l’ensemble des avocats dans une rareunanim­ité. Me Marie-Alix Canu Bernard évoquera des « réquisitio­ns d’ambiance ». La mafia? Le procureur luimême s’était empressé d’évacuer ce qu’il qualifie de « fantasme » . Dans le casting judiciaire des « milliardai­res, de l’élu et de la mafia », un acteur passe l’arme à gauche. « Ce dossier? Des supputatio­ns, des suppositio­ns », dénonce fer- mement Me Denis Del Rio, avocat de Christophe Marty.

« Bureaucrat­ie judiciaire »

Me Eric Dupond-Moretti évoque une « bureaucrat­ie judiciaire ». « Face à un tel fiasco, vous vous honoreriez à requérir la relaxe. » Avec Me Luc Brossollet, ilad’ailleurs rappelé que l’instructio­n s’est comme arrêtée après les interpella­tions. « Claudio et Paolo Marzocco espé- raient une justice humaine. Rappelons qu’ils ont été bafoués dans leur honneur par ce procès. Comment pouvaient-ils imaginer se retrouver là alors que leur père avait quitté l’Italie pour ne pas céder à la mafia? Ils n’ont pas revu un juge depuis juillet 2012! Comme s’il n’y avait aucune explicatio­n à demander? Même vous, durant cette audience, vous ne les avez jamais regardés dans les yeux lors des réquisitio­ns, et à peine interrogés à l’audience », a reproché le ténor du barreau au procureur avec véhémence. GérardSpin­elli, pourtant incarcéré trois mois en préventive aux Baumettes n’a lui non plus en six ans jamais été réinterrog­é, ni même invité à la confrontat­ion avec les corrupteur­s présumés, comme le rappellera son avocat. Me Franck De Vita, qui concluait les plaidoirie­s à ladéfense de Lino Alberti a enfoncé le clou, dénonçant un dossier constitué de toutes pièces. « On décrit mon client comme dangereux? Il ne pense qu’à rendre service. Il n’a pas de casier. C’est un seigneur, un flamboyant. Pas un corrupteur. » Le procès a pris fin hier soir après que l’ensemble des avocats a plaidé la relaxe. Le jugement a été mis en délibéré. Il sera rendu le25 janvier.

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(Photo Franz Chavaroche) Une semaine et demie de procès et une impression mitigée.

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