Monaco-Matin

Un douanier accusé d’avoir volé   € d’or

Près de 150 000 euros d’or et de bijoux, en attente de poinçonnag­e, ont disparu en 2015 d’une chambre forte de la douane au port de Nice. Un douanier accusé clame son innocence

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

La bâtisse de style néoclassiq­ue turinois en impose face au port de Nice. Elle abrite la douane mais aussi un petit trésor. Les joailliers doivent y laisser leurs créations. Les bijoux y sont expertisés pour vérifier le pourcentag­e d’or pur, les poinçons sont ensuite apposés. Dans la nuit du 17 au 18 novembre 2013, une partie des objets précieux en dépôtadisp­aru. Un fric-frac audacieux qui laisse aussitôt supposer une complicité interne. L’alarme est alors en panne. Et seules sept personnes savent que la clef de la chambre forte est cachée dans une boîte à compresses, dans l’armoire à pharmacie. Environ 8 à 9 kg d’or pour une valeur de 150 000 euros ont disparu. Le préjudice aurait pu être plus conséquent : un contretemp­s de dernière minute a empêché la livraison de 500 000 euros d’or.

Son ADN sur l’extincteur

Les cambrioleu­rs, qui ont découpé au chalumeau le barreau d’une fenêtre, ont négligé un carton avec 15 kg d’or. Sur les six suspects, un seul, Alain P., le dernier arrivé dans le ser- vice, ignorait la présence de ce précieux colis. Les limiers de la BRB de Nice s’orientent vers le nouveau venu arrivé de Marseille depuis deux mois. Un célibatair­e plutôt fêtard en proie à de sérieuses difficulté­s financière­s d’autant que son salaire plafonne à 1700 euros mensuels. Leurs soupçons sont confirmés par les relevés d’empreintes génétiques. Les malfaiteur­s ont vidé un extincteur pour effacer leurs traces. L ’ADN d’Alain P. a été découvert sur la goupille. « Normal, cet extincteur est dans mon bureau et j’archive en dessous des documents », rétorque le douanier. En congé maladie au moment du cambriolag­e, son empreinte génétique apparaît néanmoins avec celle d’une collègue, sur l’armoire à pharmacie. Autres indices à charge: sur les écoutes téléphoniq­ues, l’un de ses amis l’appelle, éméché, depuis un bar et le remercie: « Maintenant, on est riche! ». « Une mauvaise blague qui ne faisait rire que lui » , oppose Alain P. Autant de charges qui conduiront la justice à mettre le douanier en examen et à le placer en déten- tion provisoire. Alain P., 48 ans, longs cheveux, mâchoire carrée et regardbleu acier, a été remis en liberté en avril 2015. Suspendu sans traitement par son administra­tion, il travaille aujourd’hui dans une concession automobile. Mardi soir, il comparaiss­ait devant le tribunal correction­nel de Nice. Avec une voix ferme, il le répète: « Je suis innocent. Je ne suis mêlé ni de près ni de loin à cette affaire. » Dans la salle, une quinzaine de proches sont venus le soutenir. L’instructio­n du président David Hill provoque parfois des réactions dans le public vite réprimandé par les policiers. Le magistrat insiste sur les contradict­ions du prévenu et s’en agace: « Lors d’une audition libre, une semaine après les faits, vous dites ignorer qu’il y avait dans cette pièce un carton avec 15 kg d’or. Dans votre deuxième audition vous dites que vous en étiez informé par votre supérieur. » « J’avais peur qu’on m’accuse. Ma garde à vue s’est mal passée » rétorque Alain P. Même contradict­ion du prévenu sur son surendette­ment qu’il minimise à l’audience.

Quatre ans requis

Julie Rouillard, le procureur, n’a pas le moindre doute sur la culpabilit­é du douanier et requiert quatre ans de prison dont dix- huit mois avec sursis, trois ans de mise à l’épreuve avec l’obligation d’indemniser les victimes, en l’occurrence l’Etat, un antiquaire niçois et un bijoutier. Un témoin venu affirmer qu’il avait passé cette nuitlà avec Alain P. n’ébranle pas la conviction de l’accusation. Pas plus que le téléphone du suspect localiséà Montélimar, la nuit du vol. Loin s’en faut. Mais les avocats de la défense font feu de tout bois et plaident avec vigueur la relaxe. Pour Me Franck Chouman, impossible, au regard de la téléphonie, que son client ait pu effectuer les8 heures de route pour un aller-retour Montélimar Nice. « L’accusation nous dit que ces connexions internet étaient des connexions automatiqu­es. Mais que Mme le procureur nous en apporte la preuve. » La défense déplore qu’aucune expertise génétique complète n’ait été réalisée alors que la Chambre de l’Instructio­n y était favorable. « Au lieu de cela, on a bafoué les droits de la défense, et nos demandes d’actes ont été balayées par la juge d’instructio­n », vitupère Me Darras. Pour la défense, le péché orginel de cette affaire est l’audition du chef de service qui a orienté l’enquête sur Alain P., un agent qui ne lui donnait pas satisfacti­on « Alain P. est un type bien, féru de philosophi­e, de littératur­e, avec des valeurs, à l’opposé de cette affaire. Il mérite qu’honneur lui soit rendu », exhorte Me Darras. Jugement le 16 décembre.

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(Photo C. Perrin) Le douanier suspecté du vol a déjà été incarcéré pendant un an. Ses avocats ont plaidé sa relaxe.

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