Monaco-Matin

PS : chronique d’un suicide annoncé

- Par MICHÈLE COTTA

Plus on est de fous, plus on rit. À ceci près que les nouveaux épisodes des luttes internes au Parti socialiste ne font plus rire personne. De confuse, la bataille risque bien de sombrer dans le ridicule. En jetant l’éponge jeudi dernier, François Hollande était conscient, en réalité depuis plusieurs semaines, du danger que « ferait courir pour la gauche une démarche, la mienne, qui ne rassembler­ait pas largement

autour d’elle ». Sans doute pensait-il, en se sacrifiant en quelque sorte, exorciser les démons socialiste­s. Faute de pouvoir, lui, rassembler les courants d’une gauche éclatée, il espérait que son retrait – le premier d’un Président en exercice sous la Ve République – serait un acte assez fort pour appeler tout son petit monde dévasté à l’union salvatrice. Un électrocho­c, en somme. Il entendait, parce qu’il n’est pas sourd, monter au Parlement et dans le pays, un slogan de « Tout sauf Hollande ». Une semaine plus tard, le « Tout-sauf-Hollande » est devenu le « Tout-sauf-Valls ». Parce que Manuel Valls aurait poussé François Hollande à l’abandon, considéran­t qu’il n’avait aucune chance de succès? Il n’était pas, loin s’en faut, le seul dans ce cas. Certains de ses amis les plus anciens, comme l’avocat Jean-Pierre Mignard, sa famille, Ségolène Royal et leurs enfants, le pressaient de ne pas s’engager dans un combat lourdement perdu d’avance. Parce qu’il l’aurait trahi? Mais si le Président n’avait pas été affaibli, Manuel Valls ne se serait pas porté candidat contre lui, contrairem­ent à Emmanuel Macron qui n’a pas attendu la décision présidenti­elle. En réalité, la profonde division de la gauche, des gauches, à laquelle se joint la sempiterne­lle querelle des ego, explique le « Tout-sauf-Valls ». Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, Marie-Noëlle Lienemann, tous candidats à la primaire de la gauche, pensaient pouvoir sans effort triompher d’un François Hollande laminé par les sondages. Manuel Valls, c’est une autre paire demanches! D’abordparce qu’il a, en effet, théorisé la notion de deux gauches irréconcil­iables, celle de gouverneme­nt et celle qui ne veut pas se salir les mains au pouvoir. Aujourd’hui qu’il appelle au rassemblem­ent, il lui faudra, en effet, se démener beaucoup pour les réconcilie­r. C’est bien ce dont ne veulent pas ses ennemis au sein du PS: pour eux, Manuel Valls représente tout ce qu’ils détestent, l’incarnatio­n de ce qu’ils ont baptisé le « social libéralism­e ». Faire battre le soldat Valls, comme ils auraient fait battre le soldat Hollande, fut-ce au profit de la droite, l’objectif aujourd’hui est clair. De là à ajouter au peloton de candidats à la primaire de la gauche un autre candidat, un candidat de plus, moins à gauche que Montebourg, plus à gauche que Valls, pour l’opposer à l’ancien Premier ministre, il y a une marge. Alors, qui? Christiane Taubira? Celle-ci a préféré partir pour un voyage au Pérou. Vincent Peillon, en retraite de la vie politique depuis  ? Oui, il y songe sérieuseme­nt et devrait le faire savoir dans les prochains jours. C’est de la rage, avait dit il y a quelques jours le Premier secrétaire du PS, JeanChrist­ophe Cambadélis. Non, c’est un suicide.

« Hollande espérait que son retrait serait un acte assez fort pour appeler tout son petit monde dévasté à l’union salvatrice. »

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