Meurtreou légitime défense ? Un buraliste rejugé à Toulouse
Je ne suis pas un meurtrier, je n’ai jamais voulu tuer personne » : le patron d’un bartabac du Tarn, condamné à sept ansdeprison pour lemeurtre d’un jeune cambrioleur une nuit de décembre 2009, s’est défendu, hier, aupremier jour de son procès en appel. Au moment de la lecture de l’acte d’accusation, Luc Fournié a gardé la tête baissée et les mains jointes, alors que l’émotion parcourait les bancs où était installée la famille du jeune défunt. « J’ai fait appel parce que j’estime que je ne suis pas un meurtrier, jen’ai jamais voulu tuer personne. C’est tout ce que j’ai à dire » , a simplement déclaré l’accusé. Le 14 décembre2009 vers2h30 du matin, M. Fournié avait tué d’un coup de fusil de chasse un lycéen de 17 ans, Jonathan, qui s’était introduit par effraction dans son bureau de tabac de Lavaur (Tarn) avecunde ses amis, Ugo, lui aussi mineur. Quatre jours auparavant, il avait constaté que les barreaux d’une fenêtre de sonbar-tabac avaient été sciés, et s’en était ouvert aux gendarmes de cette ville de 10000 habitants, à environ 30 kilomètresde Toulouse. Ilavaitalors misenplace un système d’alerte de fortune en tendant un fil de pêche entre des chaises. M. Fournié, qui vivait dans unlogement au-dessusdesoncommerce en compagniedesamère, sa soeur, et son neveu, avait aussi décidé depuis lors de dormir au rezde-chaussée, sur un lit de camp.
Une riposte « disproportionnée »
La nuit du drame, pris de panique dans l’obscurité selon sa défense, il s’étaitemparédeson fusil chargé et avait ouvert le feu sur lescambrioleurs. Débutavril 2015, la cour d’assises du Tarn l’avait condamné pourmeurtreetblessure, jugeant sa riposte « disproportionnée » et rejetant la qualification de légitime défense retenue par l’avocat général, qui avait requis l’acquittement. M. Fournié avait interjeté appel et avaitété remis en liberté sans contrôle judiciaire un mois après sa condamnation. « Cethommese trouvait chez lui, à2 hdumatin, quand sont apparus des gens qui, d’une façon incontestable, dans la nuit, re- présentaient un danger, puisqu’ils se sont introduits par effraction dans un domicile », a estiméMe Georges Catala, conseil de l’accusé. « Il a pris peur, il a tiré: ça s’appelle la légitime défense, c’est écrit dans toutes les tables de la loi », a assuré l’avocat qui qualifie d’ « inique » la décision de première instance. « Que le coup de feu ait terrassé un gamin de 17 ans et demi, c’est tout à fait évident qu’on ne peut que le regretter. Fournié en est crucifié », a-til ajouté. Aucontraire, pourMe Patrick Maisonneuve, « la famille, les parties civiles, souhaitent voir reconnaître la culpabilitédecelui qui a tiré et tué Jonathan ». « Onn’est pas dansune situation où, surpris dans son sommeil, il réagit. Il avait mis en place un système pour le bruit, il est sorti de son arrière-cuisine et il a tiréimmédiatement sur Jonathan, avant de l’enjamber et de tirer une deuxième fois » , aajouté le pénaliste. « Est-ce que cet homme était en état de légitime défense? Pour moi, la réponse est non », a aussiestiméMe SimonCohen, autre avocat des parties civiles. « Est-ce qu’il avait droit de pratiquer l’autodéfense? La réponse est non aussi. Ce n’est ni une liberté ni même une licence, c’est un crime » , a-t-il assuré.