Patrick Raingeard, allumeur d’étoile Rencontre
La magie de Noël est de mettre des étoiles dans nos regards d’enfants. Le chef Patrick Raingeard lui en allume toute l’année dans nos âmes gourmandes
Son histoire pourrait ressembler à un conte de Noël. Elle est surtout celle d’un homme qui a su jouer d’un bel ascenseur social: la cuisine. Patrick Raingeard, le chef étoilé du Cap Estel à Èze, vient de s’offrir une huile à son image, une huile d’exception qui a legoût dupartage. Il l’a créée avec Karim Djekhar de l’Huilerie Saint-Michel à Menton, la référence des chefs. Profitez-en pour aller à sa rencontre. L’homme est une montagne d’humilité. Il préfère quand ce sont les autres qui parlent de lui mais le faire commenter son métier vaut d’insister.
Toute une pensée
« Cuisinier est un métier de passion, dit-il comme d’une évidence. On lui donne tellement. Il occupe toutes vos journées, soirées, week-end. Il prend le pas sur tout le reste mais il vous rend tellement. C’est un métier d’ouverture, d’échanges, de convivialité. Il vous fait aller partout dans le monde. Vous fait rencontrer les plus grands. C’est un métier qui peut vous propulser, d’où que vous veniez. En cuisine, ce qui compte, c’est votre envie de vous dépasser. » Le Breton tombé amoureux de la Méditerranée il y a dix-huit ans, n’oublie pas d’où il vient. Lui l’enfant du pays nantais, au caractère bien trempé. Lui qui a grandi dans une banlieue, fait son armée chez les chasseurs alpins. Qui a fait ses classes auprès de grands chefs, dans de grandes maisons, L’Élysée Lenôtre, l’Arpège avec Alain Passard, Le Doyen avec Jacques Maximin, quatre ans chez un chef japonais, puis La MèrePoulardau Mont St-Michel et Ladurée aux côtés de Patrice Hardy et Pierre Hermé, le Zebra Square de Monaco, le Port Palace. D’une maison à une autre, unCV à rallonge. Jusqu’à ce que les propriétaires de Cap Estel viennent le chercher en décembre 2011 et lui proposent d’avoir sa propre table. « C’était il y a cinq ans. Je suis passé de l’ombre à la lumière », sourit-il.
Un sportif de haut niveau
L’endroit est paradisiaque, Patrick Raingeard lui donne tout. En 2013, il décroche une étoile auMichelin, plus le Gault & Millau d’or Provence Alpes Côte d’Azur. « La cuisine est un métier intelligent, insiste-il, avec des recettes sensationnelles qui traversent les siècles, réalisées par des gens magnifiques. Ce sont de beaux produits, à respecter, à transcender. Je pousse vrai- ment les jeunes à y aller. » Ce que son étoile a changé? « Un chef étoilé, c’est un cuisinier avant tout. Et la cuisine aime les gens pugnaces. On y dépense énormément d’énergie, on y brûle sa santé. Encore plus quand on est étoilé parce qu’on n’a jamais le droit à l’erreur. On ne vous pardonne rien. Mais quand vous arrivez là où vous vouliez aller, quand vous sortez l’assiette qui vous correspond vraiment, ça efface tous les efforts. Le sourire d’un client qui a aimé ce que vous lui avez préparé, c’est votre énergie. » Ce qui le motive chaque matin? « Aller au bout du bout, me transcender tout le temps. On n’est jamais arrivé en cuisine. Les murs, on les escalade pour aller plus loin. C’est quelque chose qui a rapport avec soi-même. Avec sa capacité à repousser ses limites. » Patrick Raingeard parle d’un chef comme d’un sportif de haut niveau. « C’est comme un tennisman qui passe des heures à frapper la balle jusqu’à passer un coup extraordinaire. À la base, il y a peut-être un soupçon de talent, mais il y a surtout un goût de la performance. » Se lasser? Patrick Raingeard ne voit pas comment. « Un chef ne connaît jamais tout. Parce que tout au long de sa vie, il fait des rencontres. Il voyage, réalise des plats avec d’autres chefs, découvre de nouveaux producteurs, inventifs et amoureux de leurs produits. Se dire qu’on n’est jamais arrivé permet de maintenir la barre au plus haut. » Gourmand, épicurien, Patrick Raingeardadéjàune secondehuile en tête pour sublimer sa cuisine. Avec une note de verveine comme pour la première mais avec un nouvel accordpour un peu plus de peps. Pour le printemps sûrement. C’est quand le printemps?