Monaco-Matin

La Fondation Van Gogh attaquée de toutes parts

Contredit par le musée Van Gogh d’Amsterdama­près avoir attribué 65 dessins à l’artiste, le président de l’Hôtel des ventes de Monte-Carlo, et auteur de la découverte, n’écarte pas l’idée de porter plainte

- THOMAS MICHEL tmichel@nicematin.fr

Le 15 novembre dernier à Paris, les éditions du Seuil, l’experte mondialeme­nt reconnue de Van Gogh, Bogomila Welsh-Ovcharov, et le président de l’Hôtel des ventes de Monte Carlo et auteur de la découverte, Franck Baille, annonçaien­t en grande pompe à lapresse internatio­nale l’attributio­n de 65 dessins inédits à Van Gogh (lire nos éditions du 16 novembre). Un séisme dans le monde de l’art suivi d’une réplique pressentie – sauf dans son timing– de la Fondation Van Gogh d’Amsterdam, référente en la matière. En pleine conférence de presse, l’institutio­n diffusait un communiqué criant au « faux », au scandale. S’ensuivait une bataille d’experts rarissime que l’éditeur du Brouillard d’Arles – nom du fac-similé du carnet de dessins –, Bernard Comment, tentait d’apaiser en invitant les experts hollandais àundébat public. Une main restée tendue…

« Réparer le préjudice »

Fort dusuccès commercial du facsimilé, Franck Baille avait, à son retour de New York, annoncé avoir reçu le soutien d’éminents experts. Hier, l’auteur de la découverte nousaconfi­rmé que ces derniers se multipliai­ent et ne tarderaien­t pas à sortir du bois. En attendant, le président de l’Hôtel des ventes de Monte-Carlo et ses collaborat­eurs ont décidé d’opter pour une stratégie offensive pour ne pas laisser le doute s’immiscer autour de leur conviction d’avoir fait « la plus grande découverte de l’histoire de l’art depuis le Codex de Leonard de Vinci » . Franck Baille s’est ainsi fendu d’un communiqué sibyllin attisé par quelques sorties acerbes d’experts du musée d’Amsterdam, Teio Meedendorp en tête. « Il a déclaré dans une émission télévisée [ Stupéfiant, France 2, diffusée le 22 novembre, Ndlr] qu’il s’agissait d’imitations contempora­ines artificiel­lement vieillies et plus précisémen­t encore “d’imitations complèteme­nt récentes!”. » Des accusation­s assez graves, selon Franck Baille, pour envisager une action en justice, à défaut d’accepter un débat toujours ouvert de son côté. « Les auteurs de ces déclaratio­ns engagent, du fait de leur qualité, l’avis des autorités culturelle­s hollandais­es. Et tout citoyen européen est en droit d’exiger qu’avant l’expression d’un avis officiel, soit respectée une exemplarit­é scientifi- quemais également un devoir de réserve propre à l’éthique de la fonction. A ce stade, la propriétai­re des oeuvres depuis soixante ans, qui les tenait de sa famille, se réserve d’engager toutes initiative­s appropriée­s afin de réparer le préjudice causé par ces affirmatio­ns la qualifiant au fond de possible faussaire. » Comprenez que le ministère de la Culture hollandais, et donc l’État en tant que tuteur du musée Van Gogh, sera interpellé en cas de statu quo.

« Affirmatio­ns variables »

Ces mêmes experts mis en cause ont toujours prétendu avoir porté leur jugement sur la base de photos haute définition. « Les responsabl­es du Van Gogh Museum n’ont jamais tenu en main ces 65 des- sins, ni même examiné le petit carnet journalier du Café de la gare d’Arles qui les accompagne [considéré comme la preuve irréfutabl­e de l’authentici­té, car portant référence d’un dépôt du carnet dedessins de Van Gogh, par son médecin de l’époque, aux tenanciers du Café de la gare, Ndlr]. Contrairem­ent à leurs affirmatio­ns variables, aucune photo en haute définition n’a été adressée… Et sur un ensemble partiel de photos de diverse qualité, une “expertise” est-elle fiable…? » Vexée d’être désavouée en place publique par une institutio­n avec laquelle elle collabore pourtant étroitemen­t depuis des décennies, l’experte Bogomila Welsh-Ovcharov a, elle aussi, répliqué, hier, par un communiqué détaillé de 19 pages. Débutant par un mea culpa justifié quant à l’absence d’une page du fameux petit carnet de bord dans le fac-similé – « une omission accidentel­le » , l’experte démonte point par point les théories de ses pairs sur la technique, l’encre, lematériel, la topographi­e… et assène un uppercut sur la prétendue imposture du petit carnet, grâce au témoignage de Bernadette Murphy, experte de l’environnem­ent de Van Gogh – elle aussi souvent sollicitée pour son expertise par le Van Gogh Museum.

« C’est un original »

« Il eût fallu pour cela un maître faussaire, qui aurait épluché les listes de recensemen­t successive­s et les registres électoraux des gens qui vivaient à Arles en 1888. Le recensemen­t de 1891 a été par erreur reversé aux archives de Marseille. Après trois ans de véritable harcèlemen­t auprès des archives départemen­tales, leur directeur m’a autorisée, à titre strictemen­t exceptionn­el, à les consulter. Ces documents n’avaient jamais été ouverts avant 2011: étant extrêmemen­t fragiles, personne n’y avait eu accès. Certaines personnes mentionnée­s dans le petit carnet de notes ne se sont installées à Arles qu’après 1886, date du dernier recensemen­t. Certaines personnes sont parties entretemps. J’ai le sentiment qu’il aurait été IMPOSSIBLE à un faussaire d’accéder à la connaissan­ce de ces noms, et des mentions de profession qui les accompagne­nt, avec autant d’exactitude. Conclusion: le carnet est un original et chaque entrée a été écrite à la date indiquée. »

 ??  ??
 ?? (Photo Patrice Lapoirie) ?? Parmi les  dessins retrouvés par Franck Baille : unautoport­rait de VanGogh.
(Photo Patrice Lapoirie) Parmi les  dessins retrouvés par Franck Baille : unautoport­rait de VanGogh.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco