Monaco-Matin

Les voleurs de parfum n’ont pas eu le nez fin

- JEAN-MARIE FIORUCCI

Étrange échange! Au moment où les faux parfums « Chonel » venus d’Asie inondent notre marché, un jeune couple de Chinois a dérobé douze flacons « Chanel » dans la boutique spécialist­edes fragrances aromatique­s « Paris 8 » de Monte-Carlo. À l’heure de leur comparutio­n, menottés, devant le tribunal correction­nel, ils ont écopéde 45 joursdepri­son ferme. Car pour les juges, il n’yaaucun doute: les deux prévenus ne sont pas de simples voleurs, mais le dernier maillon d’un réseau qui prend sa sourcedans l’EmpireduMi­lieu en passant par Lille avant d’échouer en Principaut­é. D’ailleurs, la fille est connue du Service d’informatio­n, de renseignem­ent et d’analyse stratégiqu­e sur la criminalit­é organisée (Sirasco). Une institutio­n qui dresse chaque année un état des lieux des organisati­ons criminelle­s. Il faut suivre unbout de leur parcours délictueux pour comprendre. D’abord, le 29 novembre 2016, les deux Chinois se rendent une première fois dans la parfumerie de l’avenue PrincesseA­lice. Leur attitude attire l’attention de la responsabl­e. Leurs gestes sont suspects. Mais au sortir de la boutique, aucune alarme ne se déclenche. Une rapide inspection des rayons démontre alors que quatrebout­eilles de parfum « Chanel » ont disparu. Quand le couple revient le 21 décembre dernier, il est reconnu et les policiers sont alertés. Aussitôt interpellé­s quand ils quittent l’enseigne, l’homme et la femme ont dans leurs sacs huit flacons en totalité. Apparaît également l’astuce pour neutralise­r les alarmes : une boîte métallique.

« Organisati­on criminelle »

Grâce aux questions du président Jérôme Fougeras-Lavergnoll­e, on apprendra que les deux prévenus sont demandeurs d’asile. Ils se sont rencontrés dans un camp de la CroixRouge­àLille. C’est un Russe qui les aurait aiguillés sur la marque à prendre et le lieu à visiter. « Vous avez fait le voyage en Principaut­é pour prendre seulement deux parfums chacun? Et vous êtes revenus. Qui a payé les voyages? » , questionne le magistrat. Comme la discrétion est de mise dans ce milieu, la réponse suit la logique de la banalité. « C’est l’occasion. On s’est partagé les bouteilles et on les a revendues, indique la fille. C’est mon compagnon qui m’a offert les billets… » Le président n’est pas convaincu. « Pour le Sirasco, vous faites partie de cette organisati­on criminelle où tous les notifiés sont placés dans des centres de la Croix-Rouge et sont demandeurs d’asile. Ils évoluent en petit groupe pour voler des objets de luxe. Parfois, un donneur d’ordres fait des repérages et attend avec voiture et chauffeur à proximité. Ces réseaux font du recel vers l’Allemagne et la Belgique… Et vous avez comparu le 2 octobre 2014 devant le tribunal de Meaux pour vol en réunion… » Des doutes? Le premier substitut Olivier Zamphiroff en fera part également dans son réquisitoi­re. « Ce n’est pas un parfum de vérité qui se dégage dans le box! Leurs identités sont incertaine­s et ils n’ont aucun document officiel. Ils donnent des dates de naissances différente­s. Vous avez des personnes-instrument­s utilisées par les réseaux. D’ailleurs, à force de changer de patro- nyme, a-t-elle été condamnée à Meaux ou est-ce une homonymie comme elle le prétend? La version de la femme éplorée avec un petit enfant et un mari brutal ne m’incitera pas à l’indulgence. Deux mois de prison ferme pour que les comparses qui les suivent de très près comprennen­t! »

« Victimes des réseaux »

Font-ils partie d’un réseau? Quel est leur rôle? Quelle est leur mission? Autant de questions posées par la défense. « C’est eux qui vont payer le plus cher, poursuit Me Sarah Filippi, pendant que les chefs sont tranquille­s. Avec la barrière de la langue, ils n’arrivent pas à se défendre. Et il y a des représaill­es quand ils sont repérés. Ces victimes des réseaux peuvent bénéficier du sursis et vous ne les reverrez plus! C’est une jeune maman. Si elle est libérée, elle s’engage à faire des ménages pour rembourser. Ne donnez pas à ce dossier la dimension qu’il n’a pas! » Le tribunal réduira légèrement les réquisitio­ns du ministère public et octroiera 448,50 à la partie civile.

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(Photo C.D.) Le couple écope de  jours de prison ferme.

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