Monaco-Matin

Violences faites aux femmes: «Un combat, une exigence»

La grâce totale accordée par François Hollande à Jacqueline Sauvage, libérée avant-hier, réjouit les défenseurs de la cause des femmes et les élus. Malaise, en revanche, dans le monde judiciaire

- STÉPHANIE GASIGLIA

Les violences faites aux femmes sont un fléau qui les place dans des situations d’injustice et de souffrance. Nos institutio­ns permettent, si nousymetto­ns de la force et du courage, de leur apporter une autre vie. Notre République vient de prouver qu’elle sait s’en donner les moyens ! », a réagi Maty Diouf, adjointe à Nice, déléguée aux droits des femmes. « Je me réjouis du droit que lui confère la Constituti­on et qu’a usé le président de la République en graciant Jacqueline Sauvage », poursuit-elle. En septembre 2012, cette femme de 65 ans a tué son mari après plus de 45 années d’abus et de violences contre elle et ses filles. En 2014, elleaété condamnéeà­10ans de prison. Puis, après une grâce partielle, elle vient de bénéficier d’une grâce totale. Jacqueline Sauvage est libre depuis mercredi soir. En quatre ans, à la faveur d’une médiatisat­ion hors normes, elle est devenue le symbole des femmes battues. Mais pas seulement… Le débat de société qui s’est ouvert après le verdict et, maintenant après la grâce, va beaucoup plus loin.

A- M: 13 femmes tuées l’an dernier

En France, une femme meurt tous les 2,5 jours sous les coups de son conjoint. Et les Alpes-Maritimes font partie des trois départemen­ts les plus touchés par ce fléau. Chaque année, plus de 1500 plaintes y sont déposées et cen’est que la partie visible de l’iceberg… Une femme sur quatre n’ose pas pousser la porte d’un commissari­at. L’an dernier, dans le départemen­t, 13 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint, ou ex-conjoint. « J’ai une pensée particuliè­re pour ces 13 femmes assassinée­s », souffle Maty Diouf. Combien en 2016? Les chiffres ne sont pas encore connus. « Ce combat est une exigence et ma déterminat­ion reste intacte face à ce fléau », conclut l’adjointe de Philippe Pradal. Pour la féministe Karine Plassard, qui milite depuis le début pour la grâce totale, il s’agit maintenant de tirer les leçons de cette affaire. « Je rêve, j’espère qu’il y aura un avant et un après ». Mais ellen’a aucune certitude. « Il faut que l’on accepte qu’il existe un déni de la violence faire aux femmes. Accepter de remettre à plat tout le système qui dysfonctio­nne. Il faut faire en sorte qu’une femme trouve une autre porte de sortie que de tuer sonmari violent pour survivre ».

« Renforceme­nt de la cohérence judiciaire »

Dominique Estrosi-Sassone s’accorde avec ce point de vue. La sénatrice fait partie des parlementa­ires à avoir signé la tribune de la députée Valérie Boyer en faveur de la grâce totale. « Il faut un renforceme­nt de la cohérence judiciaire dans ce type d’affaire. Même si, bien sûr, on respecte l’indépendan­ce de la justice, la réponse reste variable en fonction des régions, d’une affaire à l’autre ». Et surtout, assure l’élue niçoise: « Il faut aller vers une meilleure prise en charge et une meilleure anticipati­on ». Sauf que ce n’est pas toujours facile. « Fin 2008, j’ai inauguré la premièrema­ison d’accueil de femmes victimes de violences, çamanquait sur Nice. Avant, je me suis heurtée à des échecs. J’ai essayé trois fois et j’ai essuyé des levers de boucliers », confie la sénatrice.

Nouveau centre en 

Heureuseme­nt, les mentalités évoluent. Un peu… « Une deuxième maison va voir le jour courant 2018 à Nice » , révèle Dominique Estrosi-Sassone. « En parallèle, nous continuons à aider les associatio­ns par le biais de subvention­s », dit encore celle qui fait partie de la délégation au droit des femmes au Sénat. Mais, si cette grâce réjouit unanimemen­t associatif­s et politiques, elle laisse un goût amer dans le monde judiciaire, (lire ci-contre). Pour l’USM, l’Union syndicale des magistrats, cette décision est « consternan­te et lamentable » en ce qu’elle « remet en cause des décisions de justice ».

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(Photo archives AFP) L’affaire Sauvage a ému toute la France.

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