Violences faites aux femmes: «Un combat, une exigence»
La grâce totale accordée par François Hollande à Jacqueline Sauvage, libérée avant-hier, réjouit les défenseurs de la cause des femmes et les élus. Malaise, en revanche, dans le monde judiciaire
Les violences faites aux femmes sont un fléau qui les place dans des situations d’injustice et de souffrance. Nos institutions permettent, si nousymettons de la force et du courage, de leur apporter une autre vie. Notre République vient de prouver qu’elle sait s’en donner les moyens ! », a réagi Maty Diouf, adjointe à Nice, déléguée aux droits des femmes. « Je me réjouis du droit que lui confère la Constitution et qu’a usé le président de la République en graciant Jacqueline Sauvage », poursuit-elle. En septembre 2012, cette femme de 65 ans a tué son mari après plus de 45 années d’abus et de violences contre elle et ses filles. En 2014, elleaété condamnéeà10ans de prison. Puis, après une grâce partielle, elle vient de bénéficier d’une grâce totale. Jacqueline Sauvage est libre depuis mercredi soir. En quatre ans, à la faveur d’une médiatisation hors normes, elle est devenue le symbole des femmes battues. Mais pas seulement… Le débat de société qui s’est ouvert après le verdict et, maintenant après la grâce, va beaucoup plus loin.
A- M: 13 femmes tuées l’an dernier
En France, une femme meurt tous les 2,5 jours sous les coups de son conjoint. Et les Alpes-Maritimes font partie des trois départements les plus touchés par ce fléau. Chaque année, plus de 1500 plaintes y sont déposées et cen’est que la partie visible de l’iceberg… Une femme sur quatre n’ose pas pousser la porte d’un commissariat. L’an dernier, dans le département, 13 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint, ou ex-conjoint. « J’ai une pensée particulière pour ces 13 femmes assassinées », souffle Maty Diouf. Combien en 2016? Les chiffres ne sont pas encore connus. « Ce combat est une exigence et ma détermination reste intacte face à ce fléau », conclut l’adjointe de Philippe Pradal. Pour la féministe Karine Plassard, qui milite depuis le début pour la grâce totale, il s’agit maintenant de tirer les leçons de cette affaire. « Je rêve, j’espère qu’il y aura un avant et un après ». Mais ellen’a aucune certitude. « Il faut que l’on accepte qu’il existe un déni de la violence faire aux femmes. Accepter de remettre à plat tout le système qui dysfonctionne. Il faut faire en sorte qu’une femme trouve une autre porte de sortie que de tuer sonmari violent pour survivre ».
« Renforcement de la cohérence judiciaire »
Dominique Estrosi-Sassone s’accorde avec ce point de vue. La sénatrice fait partie des parlementaires à avoir signé la tribune de la députée Valérie Boyer en faveur de la grâce totale. « Il faut un renforcement de la cohérence judiciaire dans ce type d’affaire. Même si, bien sûr, on respecte l’indépendance de la justice, la réponse reste variable en fonction des régions, d’une affaire à l’autre ». Et surtout, assure l’élue niçoise: « Il faut aller vers une meilleure prise en charge et une meilleure anticipation ». Sauf que ce n’est pas toujours facile. « Fin 2008, j’ai inauguré la premièremaison d’accueil de femmes victimes de violences, çamanquait sur Nice. Avant, je me suis heurtée à des échecs. J’ai essayé trois fois et j’ai essuyé des levers de boucliers », confie la sénatrice.
Nouveau centre en
Heureusement, les mentalités évoluent. Un peu… « Une deuxième maison va voir le jour courant 2018 à Nice » , révèle Dominique Estrosi-Sassone. « En parallèle, nous continuons à aider les associations par le biais de subventions », dit encore celle qui fait partie de la délégation au droit des femmes au Sénat. Mais, si cette grâce réjouit unanimement associatifs et politiques, elle laisse un goût amer dans le monde judiciaire, (lire ci-contre). Pour l’USM, l’Union syndicale des magistrats, cette décision est « consternante et lamentable » en ce qu’elle « remet en cause des décisions de justice ».