Sans station-service, Sospel optepour le système D
Orphelins de fuel et de carburant depuis le récent incendie de cette installation vitale, les Sospellois et les établissements de service public se débrouillent comme ils peuvent. Reportage
Duviolent incendie de la station-service, il ne resteque les façades noircies par les fumées. Les portes donnant sur les deux commerces attenants, ravagés par le brasier, ont été barricadées. Après le choc, c’est désormais l’heure de la débrouille. Les victimes des flammes sont, pour l’instant, empêtrées dans les démarches auprès des assurances. Longues et fastidieuses. « C’est un bordel pas possible » , reconnaît sans ambages l’un d’entre eux. Pour les usagers de la route, orphelins de l’unique station essence du secteur, c’est un autrecombat. Certes, bien moins tragique. Mais qui les contraint au système D. À un choix cornélien: rallier Menton ou Breil-sur-Roya pour s’approvisionner en carburant ou en fuel. Au moins une heure aller-retour.
« Une perte énorme de temps »
« C’est une perte énorme de temps. On vaàMenton juste pour ça, là où on mettait dix minutes auparavant. Et du coup, c’est aussi un préjudice économique puisqu’on utilise de l’essence pour y aller » , souffle GérardMouazé, un oléiculteur sospellois, actuellement enpleine récolte. Pour rejoindre sa vaste oliveraie, le chemin est étriqué. « Impossible qu’un camion accède ici pour livrer une cuve de 1000 litres. J’ai encore un peu de stock pour le tracteur mais dans deux semaines, il faudra aller chercher du fuel au pont de l’Union à Menton. » Stocker en grande quantité, c’est le parti pris de la municipalité qui a dû, en urgence, revoir sa logistique pour «abreuver» ses seize véhicules de service, dont la balayeuse et la tractopelle. « Pour le moment, nous ne sommes pas encore définitivement organisés, confie lemaire, Marie-ChristineThouret. Un bon de commande pour
deux cuves de gasoil et de gasoil non routier de 2 m3 est en cours. Cela nous coûte 3800 euros. Les cartes pour la station d’Intermarché sont en train d’être éditées. » L’Intermarché de Menton, finalement gagnant bien malgré lui de cette pénurie d’essence dans l’arrière-pays. « Difficile de mesurer les répercussions économiques, pour l’instant, mais on a vu quelques clients supplémentaires venir chez nous, notamment l’hôpital de Sospel », confirme son directeur,
Philippe Regoli.
La Poste réfléchit à l’électrique
L’établissement de santé s’est, en effet, procuré huit cartes d’approvisionnement pour autant de véhicules. Dont celui du portage de repas à domicile, essentiel pour une quinzaine d’habitations. Parfois dans des endroits reculés. « Il y a des écarts de kilomètres conséquents à Sospel et ce n’est pas toujours facile d’accès, confirme le di-
recteur de l’hôpital, Thierry Loirac, qui, dès le lendemain de l’incendie, a pris des mesures urgentespour faire faceàune éventuelle pénurie d’essence. « Au bout de quelques jours, on était à sec. La contrainte se limite à nos véhicules qui ne tournent qu’à Sospel. C’est sûr qu’en perdant une heure pour faire le plein, on perd un peu en productivité » , assure-t-il. Mêmeson de cloche pour La Poste dont les cinq véhicules, desservant Sospel et Moulinet, avalent chaque matin248 kilomètresd’asphalte pour distribuer le courrier aux habitants. « Ce sont des contraintes d’organisation mais cela n’impacte pas la distribution du courrier. On étudie l’idée d’un parc de voitures électriques » , confie la direction de La Poste. Il faudrait installer des bornes à cet effet mais l’électrique en milieu rural est tout à fait plausible. »
La station- service pense se délocaliser
Du côté des pompiers de la commune, aucun impact ressenti puisqu’une conventionavec leDépartement et Force 06 leur permettait déjà de s’approvisionner en essence, directement dans les locaux de ces derniers. Pour les autres – habitants de Sospel et Moulinet, entrepreneurs et artisans, livreurs de pizza… – le mot « débrouille « revient sur toutes les lèvres. « On n’a pas le choix de toute façon. Il faut s’armer de patience» , résume Véronique, une riveraine. De la patience, il en faudra pendant de longs mois avant de voir s’ériger une nouvelle station-service à Sospel. « Aujourd’hui, on pense à se déplacer, explique Jérôme Bolla, le patron de la stationservice détruite par les flammes. Même si l’ingénieur béton a confirmé que l’on pouvait conserver la structure incendiée, je pense que ce sera interdit, rien que par la proximité avec les habitations. » Mardi prochain, il doit participer à une réunion avec la municipalitéet les représentants du groupe pétrolier Avia afin d’explorer différentes pistes. Tout en prenant en compte les dernières normes en vigueur pour les nouvelles constructions de station-service. « Cela ne se fera pas avant un an je pense » , estime-t-il.