Le revenu de base : gadget ou révolution?

À la cafétéria.

T’as vu la dernière idée à la mode : le revenu de base. C’est quoi encore, ça? Un revenu universel, qui serait versé à tout le monde, sans conditions. Pour que chacun ait les moyens de se nourrir, se loger, etc. Vivre décemment, quoi. Et ça sort d’où, ça? Oh, c’est une vieille idée qui tourne dans des petits cercles de réflexion, la marotte de quelques économistes ou philosophes. Et voila que ça ressort dans la primaire socialiste. Ils sont plusieurs à le proposer, dont Valls et Hamon.

Tu m’étonnes, c’est bien une idée de socialiste, ça, payer les gens à rien faire…

Ce que tu peux être réac! D’abord, c’est pas si simple. Dans les partisans de ce système, il y a de tout : des marxistes, des anarchistes aussi bien que des ultralibéraux, qui voient là un moyen d’en finir avec l’Étatprovidence. On donne à chacun sa petite enveloppe, et après, les gens en font ce qu’ils veulent. Chacun se débrouille. Et ça coûte? Un bras. Mais encore? Tout dépend des modalités retenues. Il y a des dizaines de modèles possibles. Autant que de cerveaux qui ont étudié la question. La fourchette va de rien à énormément. Si c’est seulement fusionner les minima sociaux existants – engros, ce que propose Valls –, ça coûte pas grand-chose. Si c’est donner le nécessaire vital à tout lemonde, du SDF jusqu’à Liliane Bettencourt, comme Hamon l’envisage à terme, le calcul est vite fait : pour  euros par tête de pipe, ça fait  milliards par an. Moins ce que l’État reprend par l’impôt, disons dans les … Une paille. Comme tu dis. Et on les prend où? Pas clair. En gros, on augmente les impôts. Et on redéploie l’argent de la protection sociale. Une des inconnues est d’ailleurs de savoir si le revenu de base se cumule avec les allocs existantes ou s’il les remplace. La question fait débat. C’est pourquoi beaucoup de militants du social sont contre : ils crai- gnent qu’on fiche en l’air la protection sociale et que ce soient les plus fragiles qui paient les pots cassés.

Mais au fond, puisqu’on a déjà le RSA, la prime d’activité, l’ASS, l’ASF, l’AAH, la CMU et j’en passe, ça sert à quoi, ce bazar?

Justement : d’abord à simplifier. Plus de conditions d’attribution. Plus de fraude. Plus de fonctionnaires chargés de vérifier qui y a droit ou pas. Et plus non plus de gens qui passent à travers parce qu’ils n’osent pas réclamer leur dû. Mais pour les militants du revenu universel, il y a deux autres motifs, bien plus importants : Avec la révolution technologique, la robotisation, la numérisation, l’emploi va se raréfier. Il n’y en aura plus pour tout le monde. Il faut donc inventer un système de revenu garanti qui ne serait plus indexé sur le boulot. C’est la fin de l’aliénation par le travail. Libéré de l’obligation de gagner son pain, chacun pourra s’épanouir dans l’activité de son choix : se consacrer à ses gosses, lire, faire dumacramé…

Foutaises! Utopie de babas cool ! La retraite à  ans! Unparadis pour tire-au-flanc! C’est dans le travail qu’on s’épanouit!

Comme les téléprospecteurs, par exemple, ou le gars qui ramasse les plateaux, là-bas?...

J’avoue… Mais ils ne feront pas ça toute leur vie. Et au moins, ils sont utiles à la société, ils participent au monde. Moi, ce que je vois dans ton revenu universel, c’est : Un encouragement à glander. Une prime à l’oisiveté qui finalement va enfermer les gens dans la pauvreté. Une explosion du travail au noir, parce qu’évidemment, on ne se contentera pas du minimum garanti.

Une aubaine pour les patrons, qui en profiteront pour sous-payer leurs salariés.

T’énerve pas. Tu vois bien que c’est pas pour demain. Pour le moment, c’est pas une proposition politique aboutie. Plutôt une piste de réflexion, un sujet de colloque. Et un moyen de faire dubuzz. On y va? On y va. N’oublie pas ton plateau.