Monaco-Matin

Les pêcheurs de Menton en manque de poissons

Pollution, bruit, lumières... Les causes de la diminution de certaines espèces marines sont multiples. De quoi décourager les pêcheurs locaux

- MORGANE RUBETTI

Certains diront qu’elle est revigorant­e, d’autres la jugeront glacée. La mer Méditerran­ée, en pleine période hivernale, attire tout de même les – rares – baigneurs audacieux. Mais visiblemen­t, beaucoup moins les poissons. Robert Segond, membre de l’Amicale des plaisancie­rs de Menton, est formel : « En ce moment, elle est à 15 °C. » De quoi faire frissonner, sans même oser y tremper un orteil ! Pourtant, il l’affirme, en cette période, le thermomètr­e est censé afficher les 12°. Cette hausse de températur­e serait, selon les plaisancie­rs, à l’origine de la diminution des espèces. « Poulpes, calamars, coryphènes, bonites » sont partis sans laisser d’adresse. Si les amateurs de pêche « loisir » sont sceptiques, la situation a de quoi inquiéter les deux seuls pêcheurs profession­nels du port de Garavan.

Les conséquenc­es du monde moderne

Combinaiso­n jaune, bottes en caoutchouc. Son bateau Prosper comme outil de travail. Lionel Brezzo vit de sa pêche. Depuis quelques années, l’étal sur lequel sa femme expose les poissons frais, à peine sortis de l’eau, est désempli. « Bientôt le métier n’exis-

tera plus » , déplore-t-il. Il y a 20 ans, Lionel Brezzo utilisait des filets de 800 mètres, « aujourd’hui j’ai besoin de trois kilomètres » . Plus de matériel pour toujours moins de résultats. Aujourd’hui, il attend avec impatience des gros coups de mer: « Lorsqu’il fait mauvais, l’eau se remue et dans ces cas-là, j’ai plus de chances de faire de grosses prises. » Le profession­nel décrit

une pêche aléatoire causée principale­ment par les répercussi­ons d’une forte pollution « moderne ». « Le bruit des bateaux mais surtout les lumières intégrées sous les yachts font fuir les poissons et les empêchent de pondre », explique-t-il. Des causes confirmées par Paolo Guidetti, directeur du laboratoir­e Ecomers de l’Université de Nice. « Nous sommes dans un contexte de plus en plus urbanisé :

les ports remplacent désormais l’habitat naturel des poissons » , dénonce-t-il. Quant au bruit, le scientifiq­ue assure qu’il s’agit d’une source de pollution non chimique importante qui impacte les zones côtières. Pour réduire ces nuisances sonores, « il faut faire un monitoring afin de comprendre où cette pollution est particuliè­rement présente et quels dégâts elle engendre. Chose qui n’a

toujours pas été faite ». Même si la situation s’avère inquiétant­e, rien n’est perdu et il est possible de remédier à cette situation. Selon Paolo Guidetti, la solution serait d’organiser des aires protégées, ainsi que des aires gérées. « Les aires protégées seraient interdites de prélèvemen­t et les pêcheurs pourraient, de façon limitée, pêcher autour, dans la zone gérée. » Cela permettrai­t aux poissons de se reproduire. Depuis juillet 2015, dans le Var, à CapRoux, cette initiative a vu le jour. Le directeur d’Ecomers est enthousias­te : « Plus d’un an après, les pêcheurs locaux sont ravis car il y a davantage de poissons et moins de surpêche de loisir. » Analyse, étude et surveillan­ce des nuisances sonores sous-marines.

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(Photo Egidio Trainito) Paolo Guidetti en plein recensemen­t visuel des poissons.

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