Le grand oral de Donald Trump
« Je serai le plus grand créateur d’emplois que Dieu
ait créé. » On peut dire beaucoup de choses sur Donald Trump, mais sans doute pas qu’il est modeste, ni qu’il hésite à parler de lui en termes hyperboliques. On retiendra cela d’abordde la première conférence de presse du président des États-Unis d’Amérique. Et aussi qu’il est loin d’avoir revêtu le costume de sa haute fonction. Hier, Donald Trump n’était pas le Président qui sera officiellement investi le janvier prochain, mais encore le candidat tendu à l’extrême, index pointé sur son auditoire, menaçant à l’égardde la presse américaine, qu’il juge acquise à la cause de ses adversaires démocrates et, surtout déchaîné contre les services spéciaux de son pays, qu’il accuse d’avoir, avec des procédés « dignes de l’Allemagne
nazie » , tenté de le déstabiliser. « Un Président élu, mais pas encore officiellement intronisé, s’adressant aux Américains et au monde dans le vocabulaire violent et facilement vulgaire de sa campagne électorale. » Une intervention inédite, vraiment, depuis les débuts de la démocratie américaine: un Président élu, mais pas encore officiellement intronisé, s’adressant, au-delà des journalistes, auxAméricains et à tous les citoyens du mondedans le vocabulaire peu choisi, violent, facilement vulgaire, de sa campagne électorale. Il faut dire que l’exercice n’était pas facile pour Donald Trump. La publication, avant-hier, par le site BuzzFeed, d’un document de pages accréditant l’hypothèse de liens proches avec Vladimir Poutine, ne lui avait pas facilité la tâche. Et moins encore une supposée vidéo compromettante, où il aurait été filmé se livrant à des ébats sexuels pervers dans un hôtel de Moscou. Vidéo soigneusement classée, on s’en doute, dans les dossiers du Kremlin. Toutes accusations qu’il a démenties, on s’en doute, avec force. Comme si cela ne suffisait pas, Donald Trump a voulu couper le cou avant son entrée à laMaison-Blanche aux rumeurs sur d’éventuels conflits d’intérêts avec son énorme patrimoine immobilier. Du jamais-vu dans une conférence de presse de ce type: c’est son avocate, prenant sa place à la tribune, qui a évoqué le dossier, et démontré que l’homme qui allait prendre place dans le salon ovale avait préféré, plutôt que s’en défaire, confier la direction de toutes ses entreprises à ses deux fils. Dans ce contexte, Donald Trump aurait pu être déstabilisé: il n’en a rien été, il est resté lui-même, offensif, allant jusqu’à accabler cinq fois les services spéciaux américains, qui seront les siens dans quelques jours. Et il a trouvé, pour parler de son action future, les mots les plus enthousiastes: lutte contre la délocalisation des entreprises américaines, lourdes taxes frontalières sur les récalcitrants, mise en pièces de l’Obamacare, ce dispositif contesté, cher au Président sortant, de meilleure couverture des soins de santé. Sans oublier le mur, lemur promis entre le Mexique et les Etats-Unis, dont la construction doit commencer dès son installationàWashington. Tel qu’il est, Donald Trump, qui ne manque ni d’air ni de caractère, a été élu par les Américains. Il faudraque le monde entier le prenne tel qu’il est. Pour le meilleur ou pour le pire.