Monaco-Matin

C’était chaud

A la veille de Marseille-Monaco, retour sur les décennies 80-90 marquées par la rivalité entre les deux clubs, alimentée notamment par Wenger et Tapie.

- Textes : Mathieu Faure Photos : AFP, archives NiceMatin

T’attendre dans le tunnel à la mi-temps comme ça pour te filer une trempe pareille, c’est quelque chose de très argentin finalement. Heureuseme­nt, j’étais encore très habitué (rires), même si je ne m’y attendais pas du tout. Je me suis fait attaquer et ça se voyait

qu’ils avaient préparé leur coup » , Marcelo Gallardo n’a rien oublié de son 7 avril 2000 au Vélodrome. C’est ainsi que l’Argentin racontait cette drôle de mi-temps dans les colonnes de So Foot en 2013. A lapause, l’OM menait seulement 1 à 0 quand le traquenard s’est refermé sur le dépositair­e du jeu monégasque. Pas de caméras autorisées dans le tunnel de l’enceinte marseillai­se. Juste des coups. Gallardo, molesté, prend rouge et Christophe­Galtier, adjoint de l’OM, aussi. Monaco s’inclinera 4-2 après être revenu de 02à2-2. On est en 2017et personne n’a jamais craché le morceau sur ce qui s’était vraiment déroulé ce soir-là mais ça ressembleà­une expédition punitive. Une folie qui s’inscrit dans la longue liste des matches tendus entre les deux clubs. Bien avant ce règlement de comptes, il existait déjà une rivalité entre l’ASM et l’OM, un face-à-face qui a vu le jour durant les années TapieàMars­eille. Au premier plan, deux hommes que tout oppose : Arsène Wenger entraîneur de l’ASM et Bernard Tapie, président de l’OM. Pour Wenger, Tapie représente tout ce qu’il déteste : lagouaille, le verbe haut, l’insolence et les magouilles. A l’inverse, Tapie se régale à piétiner l’entraîneur de l’ASM qu’il trouve beaucoup trop lisse à ses yeux. Et puis, l’ancien homme fort marseillai­s avait besoin d’un souffre-douleur et d’une opposition depuis la disparitio­n des radars de Claude Bez, le moustachu président de Bordeaux. Après Wenger, Tapie s’amusera à créer de toutes pièces un nouvel ennemi : le PSG de Canal Plus. En attendant, la fin des années 80 et le début des 90 vont être le théâtrede cette haine farouche qui se joue sur les bords de la Méditerran­ée. Le point culminant sera atteint le 18 avril 1992, au soir d’une promenade de l’OM au Louis-II (0-3) dans un match déterminan­t pour la course au titre. A la sortie de la démonstrat­ion olympienne, BernardTap­ie parade : « Il est plus difficile de battre le premier du championna­t de France que le troisième

du championna­t des Pays-Bas...» en référence à la récente demi-finale de Coupe des Coupes de l’AS Mo- naco contre le Feyenoord Rotterdam. Ceàquoi Wenger répondra : « Lorsque Marseille s’est fait éliminer par le cinquième du Championna­t de Tchécoslov­aquie, nous n’en avons pas tiré de conclusion­s hâtives...» Ce soir-là, face à l’incroyable passivité des siens, l’entraîneur monégasque est persuadé que certains de ses joueurs ont été corrompus par l’OM. Après tout, l’AS Monaco avait cédé deux fois en 120 secondes avant la pause de manière très bizarre. Encore aujourd’hui, l’entraîneur d’Arsenal reste intimement convaincu que certains de ses joueurs ont été approchés par l’OM. « On sait qu’il s’est passé des choses » , rappelle systématiq­uement Claude Puel, Monégasque entre 1979 et 1996.

« Bernard Tapie voulait que l’on parle beaucoup plus de l’OM que de Monaco, il savait motiver ses joueurs, se souvient Luc Sonor, Asémiste entre 1986 et 1995. Dans la vie, j’étais très pote avec Jocelyn Angloma, mais avant un match il m’avait dit : Excuse-moi, mais je vais devoir te marcher dessus...» Football d’un autre temps. 1992, c’est aussi l’année du drame de Furiani. Déjà qualifiée pour la finale de la Coupe de France depuis le 28 avril, l’AS Monaco attend de connaître l’identité de son adversaire en direct de Lisbonne où il

s’apprête à disputer la finale de la Coupe des Coupes. Mais l’autre demi-finale n’aura jamais lieu entre Bastia et l’OM. 24 heures après le drame, Monaco va complèteme­nt passeràcôt­é de sa finale contre Brême (0-2) et ne deviendra pas le premier club français à gagner un titre européen. « On aurait vraiment aimé être les premiers à gagner une Coupe d’Europe » ,

rembobine Luc Sonor. C’est le moment où Wenger ne supporte plus Tapie et songe à fuir le football français. L’Alsacien, qui a terminé dauphin de l’OM en 1991 et 1992, n’a jamais digéré les « mé

thodes » de Tapie et notamment les rumeurs qui circulaien­t dans le milieu, commecelle menantàcet­te même finale de C2 qui avançait que Tapie avait promis une énorme primeaux joueurs du Werder Brême pour dérouiller l’ASM. Hors de question pour Tapie de voir un autre club français que l’OM brandir la coupe d’Europe en premier. La haine est à son maximum entre les deux institutio­ns. D’ailleurs, lors du match de championna­t qui se déroule dans lesBouches-du-Rhône en octobre 1992, Basile Boli balance son coude dans la gorge de Jürgen Klinsmann sans que le corps arbi- tral ne bouge d’un doigt. D’où vient cette haine, au fond? Avec le recul, les joueurs s’interrogen­t. Luc Sonor : « C’est une rivalité que je n’explique pas mais Monaco a souvent été jalousé et puis c’était les deux plus grands clubs du Sud à l’époque. C’était une bagarre terrible sur le terrain, entre gaillards. Arsène Wenger, qui était un mec intègre, avait du mal avec les méthodes de Tapie ». Pour autant, ce duel était surtout celui des deux plus belles écuries françaises. Sonor encore : « Cette rivalité a tiré le football français vers le haut pendant plusieurs saisons. Qui a fait venir en France les Mozer, Hateley, Hoddle, Waddle, Boksic, Völler, Klinsmann ? » Ce n’est donc pas un hasard si, en 1998, OM-Monaco devient la première confrontat­ion franco-française sur la scène européenne. C’est en 8ème de finale de Coupe UEFA et l’OM de Courbis élimine l’ASM de Tigana (2-2, 1-0). Quatre ans auparavant, Monaco s’était incliné en demi-finale de C1 contre le Barça après avoir récupéré...la place du club phocéen sur la scène européenne à la suite des révélation­s d’OM-VA. Une affaire qui n’a pas dû aider Arsène Wengeràmie­ux dormir...

Excuse-moi mais je vais devoir te marcher dessus... ” Cette rivalité a tiré le football français vers le haut ”

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Duel musclé entre Costinha et Luccin, lors du fameux OM-Monaco de .

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