Monaco-Matin

Le duel roi des années 

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Pour comprendre­àquel point l’Olympique de Marseille de Bernard Tapie a marqué Arsène Wenger, il suffit d’évoquer l’OM en présence de l’Alsacien. Ainsi en 2010, l’entraîneur ne peut s’empêcher en conférence de presse de faire référence à cette époque douloureus­e après un match de Ligue des champions contre le FC Porto où l’arbitre du soir s’est complèteme­nt raté. « Je crois qu’il est incompéten­t ou malhonnête, mais je préfère croire qu’il est incompéten­t. (…) Et j’ai vu bien pire dans ma vie. Mes propres joueurs ont été achetés par leurs adversaire­s. Et je ne suis pas devenu paranoïaqu­e » , a-t-il lâché en conférence de presse, sans donner plus de détails, même si, au fond, tout le monde sait que Wenger visait l’OM des années 90. « Je ne veux pas revenir sur le passé. Dans mon boulot, vous avez toujours des raisons de devenir parano, donc je ne veux même pas penser au fait que les gens peuvent ne pas être honnêtes.»

« Rien de pire que savoir que les dés étaient pipés »

Arsène déboule en Principaut­é en 1987. Il est champion la première année avant de voir l’OM de Bernard Tapie gagner cinq titres de suite pendant que l’ASM s’abonne au podium durant ce quinquenna­t (voir ci-contre). Des échecs qui ont du malàpasser pourWenger­qui a lasensatio­n que Monaco lutte contre les éléments. « Nous jouions contre des adversaire­s qui trichaient » , avait notamment déclaré l’Alsacien au milieu des années 2000 dans les médias anglais. Ou en 2006 dans L’Equipe : « On parle ici de la pire période du football français. Il était gangrené de l’intérieur et les méthodes de Tapie à Marseille. C’était très dur. A l’époque, on vivait dans le sentiment de la corruption et du dopage. Il n’y avait rien de pire que savoir que les dés étaient pipés ». Visiblemen­t, BernardTap­ie, l’omnipotent président marseillai­s, occupait une place à part dans ces confrontat­ions. Un postulat confirmé par Luc Sonor : « C’est un personnage­qui, en une phrase, vous faisait perdre 30à40% de vos moyens. C’est simple, quand vous arriviez au Vélodrome, la première personne sur laquelle vous tombiez, c’était lui » . D’ailleurs, l’ancien latéral droit n’a pas oublié ce drôle de MonacoOM disputé au Louis-II : « En 1994, on perd une séance de tirs au but en 8e finale de Coupe de France. Amara Simba s’avance pour tirer, Bernard Tapie lui glisse un mot à l’oreille, hasard ou non, Simba manque sa ten- tative. Monacoest éliminé et Arsène Wenger était fou de voir un président de club venir parler à l’adversaire sur la pelouse pendant une séance de tirs au but ». Pour Gérald Passi, l’univers Tapie a joué un rôle dans la constructi­on de cette rivalité. « C’étaient des matches chauds où on ne savait pas jouer sur le même registre que les Boli, Di Méco, Amoros ou Mozer, un tueur lui. A Monaco, on était plus dans le jeu, dans l’organisati­on, c’était un collectif très structuré mis en place par Wenger. A chaque match contre eux, on ne comprenait pas toujours les décisions arbitrales. Quand on prend 30 à domicile dans un match décisif pour le titre en 1992, je reste persuadé qu’on n’avait pas les mêmes ressources qu’eux pour gagner. Marseille était dans un univers bouillon- nant où ils étaient poussés de partout. » Et quand, en plus, vous possédez des garçons comme Papin, Waddle ou Pelé, ça aide à jouer au ballon. Dans cette période difficile, Monaco gagne quand même une finale de Coupe de France contre son voisin en 1991. Unique buteur du match, Gérald Passi en garde malgré tout un souvenir amer : « On ne va pas bouder notre plaisir mais on aurait aimé s’imposer sur la durée, sur un championna­t. Avec le recul on prend conscience de l’univers dans lequel on évoluait, et ça laisse des regrets car on avait une belle équipe et on s’est remis en questionàp­erdre à chaque fois contre eux...» D’aucuns diront que l’OM avait la tête ailleurs ce soir-là, peu de temps après sa désillusio­n de Bari et cette défaite cruelle en finale de la C1 contre l’Étoile Rouge de Belgrade.

Jamais de preuves

Malgré les coupsbas et les accusation­s de triches, les joueurs, eux, ne s’étalaient que très rarement dans la presse. Luc Sonor : « C’était une rivalité qui durait 90 minutes, une fois le match fini, on passait à autre chose. On ne s’étalait pas dans la presse. J’étais le joueur avec une queue-de-cheval, je servais de cible. Au Vélodrome, je rentrais en premier, jeme faisais insulter et les copains pouvaient venir tranquille­ment ensuite (rires). Le seul qui échappait aux insultes, c’est Marcel Dib car il était Marseillai­s. » Plus de vingt ans après les affronteme­nts très tendus entre les deux clubs, la cicatrice n’est pas forcément refermée pour tout le monde. Cela dit, et comme Luc Sonor aime le dire demanière pragmatiqu­e : « Il y a eu beaucoup de choses dites mais jamais de preuves, alors je vais m’en tenir à ça...»

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