« Pour l’Europe, ce sera un coup de tabac à passer »
« Il n’y a rien de pire qu’un président imprévisible. » Georges Ayache avait annoncé la couleur dans nos colonnes le 29 septembre dernier. Cet écrivain, avocat et ancien diplomate vivant entre Nice et Paris publiait alors Les Présidents des Etats-Unis (éditions Perrin). Unlivre-panorama exhaustif des 44 présidents qui ont précédé Donald Trump, de George Washington à Barack Obama. A l’époque, George Ayachen’excluait pas un coup de théâtre dans les élections américaines. La réalité a dépassé la fiction. Alors ? Faut-il avoir peur de monsieur Trump? Plus de deux mois après son élection retentissante, GeorgeAyachen’a pas changéson regard sur lui. « Le pire des risques liés à cette présidence, c’est l’incertitude. La versatilité, l’impréparation, l’amateurisme. On peut dans une certaine mesure se poser cette question, mais les choses se sont un peu décantées. On sait qu’il va appliquer une partie de ce qu’il voulait faire... » Au risque d’enaffoler certains. Etd’en décevoir d’autres pour ces quelques gouttes d’eau glissées dans son vin – « il faudrait savoir ce que l’on veut ! » Dire que l’arrivée deDo- nald Trumpinquiète, enparticulier de ce côté-ci de l’Atlantique, relèverait d’un doux euphémisme. George Ayache, fort d’unevue d’ensemble sur deux siècles d’histoire américaine, relativise toutefois. « A mon avis, il nevapas beaucoup changer, hormis quelques inflexions par rapportàObama. Il va chercheràse rapprocher de la Russie, ànouer un dialogue plus musclé avec la Chine. Cela peut être source d’instabilité, mais contrôlée : les Chinois vont lui faire comprendre bien gentiment que ce sont eux qui détiennent les créances... »
« Une vieille histoire entre Américains et Européens »
Et notre bonne vieille Europedans tout cela? Rien de bien neuf sous le soleil transatlantique, temporise GeorgeAyache. « Trump ne fait que s’inscrire dansune tradition bien connue : tous les présidents américains, y compris Kennedy, ont tenté de torpiller l’Union européenne ! C’est une vieille histoire. Idem pour l’Otan. C’est une vieille rengaine des années 50 que les Américains appelent le burden-sharing, le partage du fardeau. » La différence Trump ne se jouerait donc pas tant que cela sur le fond. Mais assurément beaucoup sur la forme. « Le problème avec Trump, c’est qu’il dit les choses au moment où il enaenvie. Et ce, sur un ton très musclé, avec la résonance Twitter. Mais c’est un problème de communication, pas de positionnement politique. » GeorgeAyaches’accorde à dire que la rhétorique Trump « est primaire. Mais en ma- tière de politique internationale, Reagan était un eunuque ! Il n’avait aucune expérience et a mis un peu d’eau dans son vin. On peut espérer que Trump fera de même. Ce n’est pas un idéologue. C’est un pragmatique qui, après avoir surfé sur le populisme, s’entoure de gens de Wall Street. » Trump, le nouveau Reagan ? Aux yeux de George Ayache, « ce serait la meilleure des choses » . Aupoint de mélanger les deux dans un lapssus révélateur. L’écrivain rappelle, en effet, que Ronald, avant Donald, avait inspiré tout autant d’inquiétudes. « Ça va frictionner avec les Européens. Ce sera un coup de tabac à passer. Mais ily avait eudu grabuge aussi à l’époque de Reagan avec sa “guerre des étoiles” !»
« Equipepragmatique »
George Ayacheabeau chercher : jamais, depuis le XIXe siècle, la premièrepuissance mondiale n’avait offert son destin à un tel chien dans un jeu de quilles diplomatiques. « Seul Warren G. Harding ne comprenait rien à rien. » GeorgeAyache compte sur l’équipe Trump pour tempérer les ardeursduchef. « Malgré leur amateurisme supposé, ce sont des personnes expérimentées. Le P.-d.g. d’Exxon [Rex Tillerson, ndlr] ou le général James Mattis savent mener une négociation ! Hormis son conseiller spécial très marqué idéologiquement, le reste de l’équipe est pragmatique. » La suite de ce 45e chapitre s’annonce haletante.