Pourquoi brûle-t-on une barque à la Sainte-Dévote?
Retrouvez chaque mois la chronique proposée par le Comité des traditions monégasques
On connaît l’attachement profond des Monégasques pour sainte Dévote, patronne et protectrice de la Principauté. Cette ferveur se manifeste chaque année le soir du26 janvier sur le parvis de l’église Sainte-Dévote où, après la procession des reliques et le salut du Très Saint Sacrement, a lieu l’embrasement de la barque par le souverain et les membres de sa famille. Mais pourquoi brûle-t-on une barque? Pourquoi une fois la barque consumée les nombreux fidèles ramassent les clous dans les cendres encore fumantes? Pourquoi cette ferveur et ce geste à forte valeur affective? Dévote, jeune fille chrétienne, fut martyrisée sous le règne de l’empereur Dioclétien en 304, par le consul Barbarus qui gouvernait alors la Corse. La barque qui devait transporter son corps vers l’Afrique viendra, guidée par une colombe dans la tempête, s’échouer sur la plage du vallon des Gaumates au fond du port de Monaco. Son corps fut enseveli dans la petite chapelle qui bordait un torrent. Vers l’an 1070, en raison des nombreux miracles attribués à laSainte, Le père Daniel Deltreuil, curé de la cathédrale, avec l’approbation et le soutien de Monseigneur Barsi, archevêque de Monaco, a contacté le Musée d’Anthropologie préhistorique de Monaco aux fins de faire inventorier et analyser les reliques appartenant au diocèse et en particulier le reliquaire de sainte Dévote. Pendant plusieurs mois, une équipe de scientifiques, composée des docteurs Emilie Perez et Yves Darton, et emmenée par l’archéologue Elena Rossoni- Notter, a soigneusement étudié les ossements présents au sein de la cathédrale. Et le verdict tomba : les os attribués à la sainte patronne de la Principauté sont bien des restes humains. Il s’agit plus précisément de phalanges, de vertèbres, de fragments d’humérus (bras), d’une omoplate, d’une partie du bassin et de la fibula (péroné). « Les ossements sont ceux d’une jeune femme qui présente plusieurs pathologies. Elle avait de l’arthrose et reçu plusieurs coups dans le dos. Cette femme a eu une vie difficile » , déclare Emilie Perez. Des faits scientifiques qui se rapprocheraient de la légende… Les scientifiques ne disposent pas du squelette complet de la sainte. D’autres ossements seraient dispersés dans plusieurs églises de la Principauté et en Corse. Elena Rossoni-Notter et ses collaborateurs espèrent poursuivre ces travaux inédits. « Analyser toutes les reliques conservées à Monaco sera notre deuxième étape. Nous aimerions à moyen terme travailler sur l’âge exact, la génétique, la provenance géographique des individus à l’aide des techniques dont nous disposons aujourd’hui comme la datation au carbone 14, le séquençage de l’ADN et la mesure d’éléments géochimiques variés. » Ces premiers résultats, obtenus grâce à une coopération à saluer entre religion et science, ont été présentés au public lors de la 21e édition de la Journée européenne du patrimoine à Monaco, organisée par la direction des Affaires culturelles. les reliques précieuses furent volées par des marins avec l’intention d’en négocier les bienfaits. Cesmarins pensaient s’enfuir à la voile sans encombres mais un vent contraire se leva et les empêcha de sortir du port. Ils furent capturés et les reliques récupérées et la barque des voleurs fut ensuite brûlée sur la plage en sacrifice expiatoire. Voilà l’origine de cette tradition de l’embrasement de la barque. Vers la fin du XVIe lorsque sainte Dévote va devenir la Sainte la plus vénérée et la protectrice de la famille princière et des Monégasques, s’ilyades feux de joie, on ne brûle pas encore la barque. Cette tradition tardive est initiée vers 1860, mais c’est le samedi 26 janvier 1924 que le prince Louis II consacrera solennellement la tradition en allumant de sa main le bûcher de la barque.
ExtraitduChantneuvièmede « LaLégendedeSainteDévote » de Louis Notari (1879-1961), publiée en 1927, première oeuvre en langue monégasque. Avec leconcoursdelaSociétédegestiondesdroitsd’auteurs de Monaco (SO.GE.DA), le Comité National des Traditions Monégasques, pour célébrer le 90e anniversaire de sa création, vient de rééditer cet ouvrage depuis longtemps épuisé et si cher au coeur des Monégasques.