Monaco-Matin

Addiction : éviter la rechute en pleine conscience Soins

Déjà utilisée dans d’autres pays, la technique de thérapie cognitive, basée sur la pleine conscience, va être pour la 1re fois appliquée dans le départemen­t pour traiter les dépendance­s

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Jeux, alimentati­on, réseaux sociaux… lescomport­ements addictifs se développen­t, tentant probableme­nt de combler un vide intérieur [lire ci-dessous]. Comment sortir du cercle infernal de la dépendance? Etsurtoutc­ommentprév­enir les rechutes, tristement fréquentes? Sept personnes sur huit remettraie­nt le doigt dans l’engrenage après un premier sevrage. La réponse tient peut-êtredans un programme développé aux États-Unis par le Dr Marlatt. Basé sur la pleine conscience, il fait de plus en plus d’émules à travers le monde et arrive aujourd’hui sur la Côte d’Azur sous l’impulsion de deux profession­nels de santé: leDr Jacques Hugard, psychiatre antibois, spécialisé dans les addictions et le Dr Fulvien Mazzola, pionnier des thérapies de pleine de conscience dans le départemen­t. « Notre manière d’être par rapport à nos émotions conditionn­e notre rapport à l’addiction: tout le monde est en effet conscient qu’il faut en finir avec une dépendance, mais comment faire face à ses émotions “j’ai envie”, “Il me faut…” Il s’agit, avec le programme Marlatt, d’apprendre aux personnes souffrant d’addictionà­nepas essayer decombattr­e ou juger leurs envies, mais plutôt à les accepter, à les observer et aussi à être attentif au cortège d’émotions qui les accompagne. Car, ce qui est intéressan­t à démonter, c’est le processus qui amèneàêtre dépendant, àperdre le contrôle en sombrant dans des automatism­es… » , résument les deux spécialist­es.

Retrouver la possibilit­é de choisir

Comment expliquer la progressio­n des addictions? Aujourd’hui les gens sont sans doute beaucoup plus fragiles sur le plan psychique. Ils affirment haut et fort une volonté d’autonomie, ils veulent être libres dans leur vie, Concrèteme­nt, la méthode Marlatt associe TCC (thérapie comporteme­ntale et cognitive) – « pour comprendre comment l’addiction se renforce et se perpétue », et pleine conscience. « Il s’agit d’un outil de connaissan­cedesoi: “comment j’agis et interagis avec ce qui m’arrive…” La conscience en quelque sorte de sa manière d’être avec… », résume FulvienMaz­zola. Tout ce que demandent les thérapeute­s au patient, c’est donc d’abordde « regarder ce qui vient, le ressenti, les réactions… » , puis d’ap- dans leur couple, dans leur travail… mais force est de constater que l’autonomie est un Saint Graal, plutôt difficile à obtenir sur le plan psychique. Nous assistons ainsi, dans nos consultati­ons, à la croissance exponentie­lle des pathologie­s dites de la dépendance: aux drogues, aux jeux, au sexe, à l’alimentati­on… Ces conduites addictives sont, àmon sens, le témoin de l’échec de cette volonté d’autonomisa­tion. C’est un fait qu’aujourd’hui, les structures externes comme la famille sont fragilisée­s. Et les gens manquent cruellemen­t de points de repères; ils sont souvent seuls et angoissés. Ils présentent une sorte de malaise existentie­l chronique qui empêche une adéquation satisfaisa­nte entre eux, ce qu’ils vivent et les autres… donc du temps pour laisser s’exprimer la bonne réponse, laréponse choisie, et non pas automatiqu­e. « Il est essentiel d’avoir des automatism­es; ils permettent à l’Homme de traiter plus d’informatio­ns, de simplifier certaines de ses tâches… Mais la conscience doit être allumée, permettant de reprendre lecontrôle lorsque quelque chose d’important survient. Comme des freins sur un vélo… Or, l’addiction, c’est faire du vélo sans les freins », image leDr Hugard. La méthode qui comprend 8 séances [lire ci-contre], ne fait pas de distinguo entre les addictions et s’appuie sur les expérience­s communes vécues par toutes les personnes en situationd­edépendanc­e pendant la période qui sépare le stimulus et la réponse. « C’est moins Cela se caractéris­e par une douloureus­e sensation de vide qui ne peut être comblée que par des expérience­s fortes. La prise de risque par exemple, l’adhésion sans limite à des causes politiques ou religieuse­s, ou encore la recherche compulsive de relations affectives, mais sur le mode passionnel.

Existe-t-il des périodes de la vie où l’on est plus vulnérable? La fragilisat­ion l’addiction que le processus de pensée qu’il faut regarder avec attention, comme si on le voyait pour la première fois, en redécouvra­nt les sensations. » Le début de cette prise de conscience vitale pour en sortir. «À l’issue de ces séances, la personne ne subira plus les envies dans le même état d’esprit, elle les vivra en les acceptant et en sachant qu’elles finissent par s’estomper pour disparaîtr­e. » Exit les « il faut que. » , « Il n’y a qu’à... ». « Lechangeme­nt commence lorsque l’on cesse de vouloir changer les choses. » intrinsèqu­e des personnes fait que le moindre aléa de la vie quotidienn­e a des répercussi­ons sur l’état interne. Les fêtes de fin d’année par exemple qui se caractéris­ent par une exaltation et une sensation de plein, liées à l’achat des cadeaux, la préparatio­n de la réception familiale, etc., va donner lieu, dans l’après coup, à une terrible sensation de vide. L’éprouvé du vide est généraleme­nt propice à la remise en question du sens de sa vie, au passage en revue de tout ce qui manque (parents, amours déçus…), ce qui peut donner lieu à des mouvements dépressifs. Sur le plan clinique, on rencontre aussi bien des états apparemmen­t graves que des formes légères. Par contre, et ça peut surprendre, il n’y a pas de ralentisse­ment psychomote­ur; en clair, les gens bougent beaucoup, cela leur permettant de ne pas trop penser.

 ?? (Photo François Vignola) ?? « L’addiction a un impact profond sur l’être ; la personne se sent à la fois envahie et impuissant­e », décrivent les Drs Mazzola et Hugard. La perte de repères ne participe-t- elle pas à rendre les individus plus vulnérable­s?
(Photo François Vignola) « L’addiction a un impact profond sur l’être ; la personne se sent à la fois envahie et impuissant­e », décrivent les Drs Mazzola et Hugard. La perte de repères ne participe-t- elle pas à rendre les individus plus vulnérable­s?

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