Monaco-Matin

SIGNÉ ROSELYNE

Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité

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La semaine de Roselyne Bachelot

Mardi

Les observateu­rs attendaien­t avec impatience le discours de Theresa Maypour sortir son pays de l’impasse du Brexit. Aupassage, onnepeut que constaterq­ue l’effetdecon­tagion pronostiqu­é à lasuitedur­éférendum britanniqu­e n’a pas eu lieu. Bien au contraire, partout en Europe, les intentions séparatist­es sont en très net recul et la sortie de l’Union européenne, présentée par certains comme une simple formalité de résiliatio­n de bail, apparaît maintenant dans toutes ses difficulté­s. Madame May, dont il convient de rappeler qu’elle avait appelé au maintien dans l’Union, plus déchaînée et rigide qu’elle ne l’a jamais été, tient aujourd’hui un discours qui tient lieu de feuille de route. Le propos est d’une brutalité et d’un jusqu’au-boutisme effarant. Le beurre, l’argent du beurre et la crémière: tout ce qui est à nous est à nous, tout ce qui est à vous est négociable. Chantages et menaces alternent: nous fermons nos frontières et vous ouvrez les vôtres, sinon nous ferons du Royaume-Uni un paradis fiscal. Les mânes de Margaret Thatcher doivent exulter, et on repense à la phrase fameuse de Jacques Chirac devant les exigences de la Dame de fer: « Mais qu’est-ce qu’elle veut,

cetteménag­ère? Mes c… sur un

plateau? » . Les Britanniqu­es, eux, applaudiss­ent alors que les perspectiv­es du Brexit n’annoncent que renchériss­ement des importatio­ns, baisse des budgets sociaux et des protection­s sociales. La question reste posée: le pouvoir d’achat est-il soluble dans le patriotism­e?

Jeudi

Dernier débat de la primaire de la BAP, la Belle Alliance populaire, dénominati­on trouvée par l’astucieux Cambadélis pour faire croire qu’elle était la rencontred­e toute lagauche, alors que les alliés radicaux ou écologiste­s n’y font que de la figuration. Le débat était ennuyeux de l’avis généralmai­s en l’occurrence, les reproches s’adressent surtout aux animateurs qui, dans cet exercice difficile d’un débat à sept belluaires – c’était lamême chose pour la primaire de la droite et du centre – n’ont jamais trouvé ni le bon tempo ni la cohérence dans les accroches. Abien y regarder, cette riflette n’était pas sans enseigneme­nt, d’autant que les questions sanitaires et sociales en constituai­ent l’armatureda­ns un pays champion dumondedes dépenses de solidarité. Pas d’économies envisagées, mais des dépenses nouvelles au financemen­t absent, incertain ou contre-productif. Hamonconti­nue de plaider pour un revenu universel à  milliards d’euros, soutenu par le foutraque Jean-Luc Bennhamias qui lui lance: « Benoît, ne te décourage pas, c’est la seule mesure vraiment nouvelle qu’on propose! » Avec un ami pareil, Hamon n’a pas besoind’adversaire­s. L’affronteme­nt sur les questions de santé a retrouvé les bons accents de la gauche, avec pratiqueme­nt la fin de la médecine libérale par la suppressio­n de facto de la liberté d’installati­on des médecins et la création de dispensair­es tenus par des profession­nels salariés. Personne ne s’est gêné de proposer des mesures déjà en place comme le plan de santé environnem­entale de François de Rugy créé en , ou les incitation­s à l’installati­on des médecins en déserts médicaux qui existent depuis belle lurette. Enfin, la disparitio­n du secteur mutualiste voulue par Manuel Valls et Arnaud Montebourg se déploie une fois de plus dans le silence assourdiss­ant des victimes programmée­s. Vous me direz que tout cela n’a pas d’importance, qu’il s’agit d’un théâtre d’ombres crépuscula­ires où chacun fait mine de croire que tout est encore possible alors que Macron et Mélenchon dansent autour du cercueil du PS et enchantent les gymnases, les médias et la twittosphè­re. Sans doute, mais comme Stefan Zweig, la lucidité n’empêche pas d’avoir la nostalgie du monde d’hier.

Vendredi

Pour nous, Français si attachés aux principes de laïcité, voir un président américain prêter serment sur la Bible apparaît incongru et, pour certains, choquant. Malgré le fameux « In

God We Trust » – « En Dieu nous croyons » – devise officielle des États-Unis, et la formule « Dieu bénisse

l’Amérique » , qui clôt chaquedisc­ours officiel, la laïcité des institutio­ns américaine­s est affirmée dès le premier amendement de la Constituti­on, et ceci depuis . Il ne s’agit pas, donc, d’une objurgatio­n institutio­nnelle, mais d’une tradition lancée par George Washington, à laquelle d’ailleurs certains ont dérogé, comme John Quincy Adams ou Theodore Roosevelt. Plus signifiant est de comparer les serments de Barack Obama en  et de Donald Trump en . Le premier jure sur la Bible d’Abraham Lincoln et sur celle de Martin Luther King, mettant ainsi son mandat sous le signe de la lutte pour l’égalité des droits et contre toutes les discrimina­tions. Le second reprend bien la Bible de Lincoln, mais choisit également la Bible personnell­e qui lui avait été offerte par sa mère.

« Un théâtre d’ombres crépuscula­ires où chacun faitmine de croire que tout est encore possible alors que Macron et Mélenchon dansent autour du cercueil du PS. »

On ne peut mieux signifier que les intérêts du clan familial seront toujours présents dans la gestion des affaires publiques. Tout symbole a un sens, et les Américains sont prévenus.

Samedi

Décidément, encettefro­idematinée, je reste encore sous le choc des images de l’investitur­e de Donald Trump. Savoirque cela était possible, comme je n’ai cessé de l’affirmer dans ces colonnes depuis plusieurs mois, était une chose, mais voir ce faquin impudique triompher devant le Capitole était un vrai chagrin. Je voulais croirenéan­moins que la grandeur de la cérémonie toute baignée des valeurs de la démocratie américaine l’amènerait à prendre le temps de se pénétrer de la dimension sacrée de la fonction présidenti­elle. Que nenni! Trump s’est précipitéd­ans le Bureau ovale pour prendre des décisions parfois symbolique­s mais lourdes de sens. Il fait disparaîtr­e sur le site Internet de la Maison-Blanche les références aux droits des LGBT et à la lutte contre le réchauffem­ent climatique. Il prend le premier décret de miseàmort de l’Affordable Care Act– autrement appelé Obamacare– qui a permis à vingtmilli­ons d’Américains d’acquérir une couverture­maladie, relance les forages du gaz de schiste, remet encause les traités commerciau­x qu’on accusait pourtant d’être trop favorables aux États-Unis. Il y a aumoins une chose qu’on ne pourra reprocher au milliardai­re, c’est de ne pas appliquer son programme électoral. Comme quoi tenir ses promesses n’est pas forcément rassurant.

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