Monaco-Matin

Présidenti­elle incertaine

- Par MICHÈLE COTTA

Jamais, à moins de cent jours de l’élection présidenti­elle, le paysage politique n’a été aussi indécis, aussi flou. On a connu des élections à surprises, comme en , lorsque Jacques Chirac a coiffé d’une tête Edouard Balladur, considéré jusque dans les dernières semaines comme le favori, etmême le « déjà élu » de l’élection. Incertitud­e aussi en , lorsque jusqu’au bout, les sondages – et les Français – ont hésité entre Valéry Giscardd ’Estaing et François Mitterrand. Mais aujourd’hui, les choses sont différente­s. Passe encore que l’on ne connaisse pas, à l’heure qu’il est, le candidat du Parti socialiste. La primaire à gauche a eu lieu tard, bien tard : elle avait été prévue pour permettre à François Hollande de se lancer dans la campagne le plus tardpossib­le pour ne pas compromett­re son image internatio­nale. Mais force est de convenir qu’en son absence, la primaire de La Belle Alliance populaire s’est transformé­e, endeux temps trois mouvements, enun combat au couteau entre Manuel Valls et Benoît Hamon, dont la notoriété était jusqu’à la semaine dernière incertaine. Un duel qui a accentué, même s’il a été par instant feutré, la coupure de la gauche endeux fractions qui s’éloignent à vive allure l’une de l’autre. Et que dire du climat qui règne aujourd’hui à droite, deux mois après la désignatio­n de François Fillon ? Les accusation­s du Canard enchainé, cette semaine, ne sont certes pas prouvées, il faudra attendre les résultats de l’enquête préliminai­re déclenchée par le Parquet financier de Paris. Mais l’idée que l’épouse du candidat de la droite et du centre aurait perçu pendant près de douze ans un salaire, important, d’attachée parlementa­ire auprès de son mari, lorsque celui-ci était député ou sénateur, a donné un sérieux coup aumoral de ses troupes. Certes François Fillon a plaidé avec indignatio­n sur TF jeudi soir que, rien, dans cet emploi, n’était illégal. Il reste que ses proches sont convoqués par la justice, que luimême devra fournir les pièces justifiant la réalité du travail effectué par Penelope Fillon. En envisagean­t lui-même de renoncer à sa candidatur­e, s’il était mis en examen, François Fillon, sans mesurer pleinement l’effet que feraient ces paroles auprès de ses propres amis, a ouvert une période d’intense incertitud­e. De toute façon, cette irruption de la justice dans cette affaire, et à cemoment, restera dans les jours qui nous séparent de l’élection, comme une épée de Damoclès au- dessus du candidat de la droite. Dernière interrogat­ion, enfin, sur le prochain scrutin : jusqu’où ira le benjamin de l’aventure présidenti­elle, Emmanuel Macron? Peut-il profiter du désordre qui s’établit à gauche, des inquiétude­s qui saisissent la droite ? Bulle médiatique ou, au contraire, force en mouvement, sera-t-il capable de faire converger vers lui ceux des socialiste­s qui, en cas de victoire de Benoît Hamon, refuseraie­nt de voter pour lui, en même temps que des électeurs du centre déconcerté­s par François Fillon ? Dernière ombre enfin au tableau, celle de Marine Le Pen, qui compte bien surfer sur les malheurs des uns et des autres. Oui, jamais joute présidenti­elle n’a paru aussi incertaine.

« Cette irruption de la justice dans cette affaire [d’emploi présumé fictif] sera comme une épée de Damoclès au-dessus du candidat de la droite. »

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