Monaco-Matin

Le louppeut s’habituer à l’homme et l’approcher

Selon une enquête menée auprès d’éleveurs, de chasseurs et randonneur­s dans les Alpesde-Haute-Provence, « il faut maintenant apprendre au canidé à s’adapter aux humains »

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« On n’est plus sur “le loup craint l’homme”» : le loup s’adapte et peut s’approcher parfois près des hommes, estiment dans une enquête publiée, hier, l’Institut national de la recherche agronomiqu­e (Inra) et le Centre d’études et de réalisatio­ns pastorales Alpes-Méditerran­ée (Cerpam). Le Cerpam et l’Inra ont recueilli le témoignage d’éleveurs, chasseurs, randonneur­s et acteurs du territoire en 2015-2016 sur l’éventuelle présence de loups et leur comporteme­nt, à Seyne-les-Alpes (Alpesde-Haute-Provence). Dans cette commune entourée de « montagnes boisées et dépeuplées, mais dont les parties hautes constituen­t des alpages dégagés où montent l’été essentiell­ement des troupeaux ovins », qui n’est pas classée comme une zone de présence permanente de loups (ZPP), un adolescent de 16 ans avait raconté en juin 2015 avoir été menacé par sept à neuf loups.

Neuf rencontres

Les faits s’étaient produits la nuit, lorsque ce fils d’éleveurs bovins ayant subi plusieurs attaques de canidés s’était rendu dans un pré jouxtant l’habitation familiale, alerté par les beuglement­s du troupeau. Les témoignage­sdu jeune garçon et de son frère aîné, venu l’aider, « apparaisse­nt à la fois sincères, crédibles et cohérents », estiment l’Inra et le Cerpam. « Cette rencontre est en fait

la neuvième [entre l’éleveur, ses fils et les canidés, ndlr] en un mois sur ce même pré. Selon nous, très probableme­nt, ces loups connaissen­t déjà ces humains-là, ils ont un remarquabl­e talent d’observatio­n, de flairage, de connaissan­ce des lieux » , a observé Michel Meuret, chercheur à l’Inra, lors de la restitutio­n de l’enquête, hier, à Manosque. « Ces animaux s’adaptent, évoluent en fonction de nous», a ajouté le chercheur, précisant que les comporteme­nts du canidé feraient l’objet d’une étude approfondi­e afin de mieux les anticiper. « Les attaques se rapprochen­t des villages, à cinquante mètres des habitation­s, en présence de bergers, de

patous. Deux fois, des troupeaux ont été attaqués, ils ont cassé les parcs, se sont éparpillés dans les hameaux», a témoigné Jacqueline Dupenloup, mairede Saint-Alban-les-Villard (Savoie) qui craint « un suracciden­t ». Aux « rencontres des humains avec des groupes de loups, et parfois de près » se sont ajoutés « des signes tangibles de reproducti­on sur zone » des canidés, évoluant probableme­nt en meute, notent l’Inra et le Cerpam : la raréfactio­n depuis trois ou quatre ans de chamois, chevreuils et mouflons ainsi que l’augmentati­on de la prédation sur des veaux et des vaches, « en alpage comme sur des prés en vallée », résument les deux organismes. Les chercheurs ont également recueilli la parole de chasseurs et d’éleveurs qui constatent un changement de comporteme­nts des animaux sauvages comme domestique­s, « très inquiets voire paniqués ». « Il y a eu un processus assez long et interactif de modificati­on des comporteme­nts de plusieurs catégories d’êtres interagiss­ant de part et d’autre de la lisière, loups, ongulés, bétail, humains, jusqu’à une approche menaçante d’un humain vulnérable par des loups de nuit », analysent les deux organismes.

« On a mis la logique à l’envers »

« Ces évolutions ont des conséquenc­es pour le territoire : une baisse d’attractivi­té cynégétiqu­e et récréative, si ce n’est déjà un risque en matière de sécurité civile, une atteinte à la viabilité des élevages de bovins conduits à l’herbe » , remarquent le Cerpam et l’Inra, qui appellent à « une adaptation des politiques publiques ». « Il ne s’agit pas d’une faillite des politiques publiques, mais les politiques publiques sont basées sur une idéologie qui a fait faillite. On a mis la logique à l’envers, on a cru pendant vingt ans que les humains pouvaient s’adapter aux loups qui ont tous les droits », a estimé Laurent Garde, chercheur au Cerpam. « Il faut maintenant apprendre aux loups à s’adapter aux humains » , a-t-il conclu.

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(Photo Frantz Bouton) Le loup s’adapterait et évoluerait en fonction de l’homme selon une étude de l’Inra et du Cerpam.

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