Monaco-Matin

Burn-out parental : quand la viede famille épuise Psycho

L’impression d’être vidé de toute son énergie, l’incapacité à savourer le temps passé avec ses enfants, l’irritabili­té… Des signaux d’alerte à ne pas négliger, pour ne pas sombrer

- PROPOS RECUEILLIS PAR AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr

Claire, maman de trois enfants, estauboutd­urouleau. Elle n’a qu’uneenvie: resteraufo­ndde son lit et laisser son mari gérer la marmaille. Exténuée, irritable, elle n’aspire qu’à la tranquilli­té. Loin de ses bambins. Claire n’est pas une mère indigne, elle est juste en plein burn-out parental, un épuisement physique et moral. Cette notion est apparue très récemment. C’est le pendant du burn-out profession­nel, lorsqu’un salarié ne supporte plus son travail. Le problème c’est qu’un job, on peut en changer. D’enfants, non. Moïra Mikolajcza­k et Isabelle Roskam, toutes deux docteurs en psychologi­e, professeur­s à l’université de Louvain, directrice­s de recherchee­tmamans, viennentde­publier un livreconsa­créàcesuje­t. Le Burn-out parental : l’éviter et s’en sortir est un ouvrage qui décrypte les causes et conséquenc­es de ce mal qui ronge insidieuse­ment tant de pères etmères. Décryptage avecIsabel­le Roskam.

Le burn-out parental estquelque chose d’asseznouve­au... Effectivem­ent. Àl’instardubu­rnout profession­nel, apparudans les années  avec l’augmentati­on de la pression quiagénéré­dustress chez les travailleu­rs, leburn-out parental est arrivé avec les grands changement­s sociétaux. Pendant très longtemps, onnes’est pas soucié du bien-êtrede l’enfant. MaisauXXe siècle, les choses ont évolué. En , laConventi­on relative aux droitsde l’enfant érige pour la premièrefo­is l’enfant commeun être de droit. Lesparents­doivent l’aideràgran­dir, às’épanouir, ils doiventêtr­e « auservice » deson bien-être. Et l’État est chargédevé­rifier qu’ils le fassentbie­n. Àcela s’ajoutent lesmultipl­es injonction­s qu’ils reçoivent, du type allaiter, ne pas laisser un bambin devant la télévision, lui fairemange­r cinq fruits et légumes par jour… Bref, tout cela fait peserénorm­ément de pression sur les épaulesdes pères et des mères, qui doivent êtreparfai­ts. Oui, car auparavant, ce qu’il se passaitenf­amille ne concernait que sesmembres. Désormais, la parentalit­éest un sujetàpart entière. Il suffit de voir lenombre de livres, d’émissions, desites internet qui lui sont consacrés. Autant d’éléments susceptibl­es d’accentuer la pression. Le perfection­nisme. C’est d’ailleurs lamêmechos­e pour le burn-out profession­nel. Àforcedevo­uloir tout faireàlape­rfection, le parent se met une pression insupporta­ble. Il est sur tous les fronts: il veut donner la meilleuren­ourriture àson enfant, l’emmeneràpl­ein d’activités, etc. Une phase précède le burn-out, c’est leburn-in: pendant cettepério­de, lapersonne Comment peut-on identifier les signes avant-coureurs d’un burn-out? La fatigue, l’irritabili­té sont typiques. Il est possible de se rendre compte par soi-même qu’on glissedouc­ement vers le burn-out. On est épuisé, on n’arrive pas à s’endormir le soir à cause de pensées intrusives: on réfléchit à tout cequ’on a à faire le lendemain. Parfois, certains adoptent des comporteme­nts proches de l’addiction: ils vont boire, fumer. Une jeune mèreme racontait ainsi qu’elle était passée de  cigarettes­àdeuxpaque­ts est euphorique, donne tout, mais finalement, ça ne fonctionne pasàchaque fois. Cela génèredonc d’importante­s frustratio­ns, car elle n’arrivepasà­atteindres­on idéal. Puis vient l’épuisement fautede réussir à lâcher prise, àdéléguer. Oui et non, car lenombred’enfants fait partie des facteursde­risque, mais il peut être compensépa­r de grandes joies et satisfacti­ons. Ce qui est complexe dans leburn-out, c’est qu’il est très intime et dépend de la personnali­té de chacun. Il est liéàune accumulati­on de facteurs. par jour. Parce qu’elle fumait sur son balcon et que finalement, cesmoments lui permettaie­nt de « s’échapper » de chez elle. Àce stade, il est possible de s’arrêter, de réfléchir et par exemple noter sur une feuille toutes les choses dont on peut s’alléger. C’est le moment de passer le relais, dedemander de l’aide.

Le conjoint peut-il voir venir le burn-out? Oui, mais pas toujours, car les perfection­nistes vont tout fairepour réussir à remplir leurs objectifs. Parfois, ils peuvent Et que l’on travaille ou non ne change rien.

Justement, est-ce que le burn-out parentalpe­ut rejaillir sur le travail? Paradoxale­ment, pas tant quecela. Car quelqu’un en plein burn-out parental va trouver dans leboulot une échappatoi­re: il se sentirabie­n au bureau, loin de sesenfants, et le verramêmec­omme une boufféed’oxygène. Si on en parle, notammentd­ans les médias, les gensvont apprendre àreconnaît­re les signes avantcoure­urs et pourront prendre les mesures pour l’éviter. Il est important de rappeler que personnen’est parfait. Ni les parents, ni les enfants. Car parfois, des bambins sont plus difficiles même entretenir une forme d’illusion de transparen­ce: ils pensent que le conjoint a remarqué qu’ils étaient en peine, alors que ce n’est pas le cas. D’où l’importance de communique­r et de dire lorsque l’on estàbout.

Comment soigne-t-on un burn-out? Tout dépend de son intensité. Il arrive que des parents soient tellement au fond du trou qu’ils songentàdi­sparaître, àpartir au bout du monde, voire à se supprimer. Il est alors impératif de consulter un

« Cette démarche peut être difficile, car les gens ont honte de ne plus ressentir de plaisir dans leur rôle de père ou demère. Cela vient à l’encontre des attentes sociales très positives liées à la parentalit­é. Pour preuve, lorsqu’un enfant naît, on félicite les parents. Jamais on ne leur dit “Bon courage” ou “Navré que vous ayez perdu votre liberté d’avant” » que d’autres, en raison de leur personnali­téouparce qu’ils présentent des pathologie­s ou des troubles. Dans tous les cas, il faut accepter de ne pas être parfait et de se faireaider. profession­nel et de se faire aider pour ne pas tomber dans une dépression. Les conséquenc­es individuel­les sont flagrantes, mais le burn-out peut aussi retentir sur le couple, sur les enfants, avec un risque de négligence voire de maltraitan­ce, parce que lapersonne n’auraplus envie de s’occuper d’eux.

 ?? (Photos Franz Chavaroche et Alexis Haulot) ?? Pères et mères sont égaux devant le risque de burn- out. Cet épuisement physique et moral doit être pris en charge pour éviter qu’il ne devienne dépression.Finalement, aujourd’hui, la société s’introduit dans le foyer. Il existeune multitude de facteursde­risques au burn-out. Lequel est prépondéra­nt ? Isabelle RoskamLesp­arents de famille nombreuse sont-ils davantagee­xposés? Avec l’évolution de la société, risque-t-on de voir se multiplier les casdeburn-out parental?
(Photos Franz Chavaroche et Alexis Haulot) Pères et mères sont égaux devant le risque de burn- out. Cet épuisement physique et moral doit être pris en charge pour éviter qu’il ne devienne dépression.Finalement, aujourd’hui, la société s’introduit dans le foyer. Il existeune multitude de facteursde­risques au burn-out. Lequel est prépondéra­nt ? Isabelle RoskamLesp­arents de famille nombreuse sont-ils davantagee­xposés? Avec l’évolution de la société, risque-t-on de voir se multiplier les casdeburn-out parental?

Newspapers in French

Newspapers from Monaco