Monaco-Matin

MAISON D’ARRÊT DE GRASSE Un détenu tente d’assassiner ses gardiens

Un détenu de 22 ans a simulé son suicide à l’aide d’un mannequin confection­né avec des bouteilles en plastique pour s’attaquer aux surveillan­ts qui venaient lui porter secours

- ERIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

Il est 19h30, mardi soir, lorsque des surveillan­ts de la maison d’arrêt de Grasse procèdent à leur ronde habituelle. Ils s’approchent de la cellule que Florin occupe seul. Ce Roumain de 22 ans achève une peine de quinze mois de prison pour divers vols commis dans la région. Il est libérable dans quelques semaines à peine. Jusque-là, Florin s’est comporté comme un détenu modèle. « Il ne posait pas de problème de discipline. Il s’est toujours montré respectueu­x envers les surveillan­ts » , confie Hervé Segaud, le secrétaire local du syndicat Force ouvrière. Un portrait lisse qui contraste singulière­ment avec le machiavéli­sme dont a fait preuve, mardi soir, ce jeune détenu. Florin a tenté d’assassiner ses gardiens en leur tendant un véritable guet-apens. C’est d’ailleurs un miracle si aucun personnel de la maison d’arrêt de Grasse n’a été blessé.

Le sang était du sirop de grenadine

Lors de leur ronde, les surveillan­ts ont constaté que l’oeilleton de la cellule de Florin a été obstrué de l’intérieur. Ils interpelle­nt le détenu à travers laporte, mais se gardent bien de l’ouvrir. Comme le veut la procédure en pareille situation, faute de réponse de la part duprisonni­er, ils préviennen­t un gradé qui les rejoint avec des renforts. Ils sont désormais cinq surveillan­ts devant la cellule de Florin lorsque la porte est finalement déverrouil­lée. Elle s’ouvre sur une scène d’horreur. Un homme est assis au fond de la pièce. Il gît tête baissée dans une marre de sang. Une paire de ciseaux et une feuille de papier griffonnée reposent également sur le sol. Immédiatem­ent les gardiens pensent à un suicide. Deux d’entre eux se précipiten­t au secours du détenu. En une fraction de seconde ils traversent la cellule et sont sur le corps de Florin, ou plutôt de son double! Le jeune roumain a en réalité confection­né un mannequin à l’aide de bouteilles en plastiques et de paires de chaussette­s qu’il a glissées dans ses propres vêtements. Le sang n’est que du sirop de grenadine. Mais l’illusion est parfaite. Elle a eu l’effet escompté par Florin qui se cachederri­ère les toilettes, une lame artisanale dans une main un pieu en bois dans l’autre. Les deux gardiens qui ont volé à son secours viennent tout juste de se rendre compte de la supercheri­e lorsque le détenu bondit à son tour sur eux. Il tente d’asséner un coup de pieux au visage de l’un des surveillan­ts, puis d’égorger avec son couteau de fortune le second. Dans un mouvement de réflexe les agents de la pénitentia­ire parviennen­t à esquiver les coups portés et par chance leurs collègues ont respecté à la lettre la procédure d’interventi­on. Les renforts restés par précaution­s à l’extérieur de la cellule se jettent à leur tour dans la mêlée et parviennen­t à maîtriser leur agresseur.

Voleur récidivist­e

Aucun des surveillan­ts n’a été blessé. Ils n’en demeurent pas moins « très choqués » . Car, souligne le délégué FO Hervé Segaud, c’est d’une « véritable tentative d’assassinat » dont ils ont été victimes mardi soir. Unpassage à l’acte extrêmemen­t violent dont ce syndicalis­te a bien du mal à cerner « la motivation » . Certes, Florin est un récidivist­e. A 22 ans il a déjà fait l’objet de multiples procédures. La plupart de ses faits d’armes ont été commis dans la région. En août 2015, il avait déjà été condamné à Nice à 3 mois de prison pour recel. En avril 2016 le tribunal correction­nel de Grasse avait porté le quantum à un an et délivré à son encontre un mandat d’arrêt pour des vols avec effraction. Ce qui lui avait valu cette incarcérat­ion à Grasse sans pour autant mettre un terme à ses ennuis judiciaire­s. De nouvelles poursuites avaient été initiées en septembre dernier, pour des vols perpétrés à Menton cette fois. Mais, aucune de ces condamnati­ons ne fait état de violence. En prison, Florin n’avait pas manifesté non plus un caractère belliqueux. Il n’était pas suivi psychologi­quement. « Il n’avait pas non plus montré de signes de radicalisa­tion » , rapporte Hervé Segaud qui avoue avoir bien du mal à comprendre ce coup de folie. D’autant que le détenu, libérable le 3 mars prochain, pouvait même espérer retrouver plus tôt encore sa liberté grâce au jeu des remises de peines. « Étant Roumain, il ne risquait même pas d’être expulsé à sa sortie et avait de toute façon manifesté le souhait de rentrer dans son pays » , selon le secrétaire­de Force ouvrière.

Un message à déchiffrer

Voilà donc un crime sans mobile apparent et pourtant d’une raredéterm­ination de la part de son auteur. Les policiers du commissari­at de Grasse, à qui l’enquête a été confiée, vont tenter d’en déterminer les obscurs ressorts. Hier, en fin d’aprèsmidi, ils ont commencé à auditionne­r les surveillan­ts victimes de ce guet-apens. Dans les prochains jours ils extrairont Florin de la maison d’arrêt de Grasse. Reste à savoir s’il parlera. Àmoins que ses écrits ne le fassent à sa place. Les enquêteurs vont nécessaire­ment faire traduire les mots griffonnés en roumain sur cette feuille que le détenu avait placée au pied de son mannequin. D’autres inscriptio­ns, peutêtrepl­us anciennes, figurent également sur les murs de sa cellule. Peut-être livreront-elles les rouages psychologi­ques qui ont conduit ce détenu modèle à faire preuve d’un tel machiavéli­sme.

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(Photos Jean-François Ottonello) L’agression s’est produite mardi en début de soirée à l’heure de la ronde.

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