Trévidic : « L’État islamique va profiter de la campagne »
Invité à une conférence hier à Nice, l’ancien juge du pôle antiterroriste, Marc Trévidic, estime que Daesh veut qu’« on surréagisse et qu’on stigmatise les musulmans pour recruter ». Entretien
Logiquement, l’État islamique devrait essayer de profiter de la campagne électorale en France et en Allemagne. Ils veulent qu’on surréagisse et qu’on stigmatise la population musulmane entière pour recruter. Commettre un attentat, c’est un moyen de recrutement.
Pendant les primaires et en ce début de campagne, on parle peu de terrorisme ? On en a beaucoup parlé après les attentats. Tout le monde a dit ce qu’il avait à dire. C’est parti en live sur plein de terrains. Il y a ceux qui se mordent les doigts d’être allés sur le terrain de la déchéance de nationalité, ceux qui parlaient d’incarcérer les fichés S… Personne n’a de solution miracle.
Vous avez une piste? Il faut repenser complètement le passage du renseignement au judiciaire. Beaucoup de preuves se perdent, çam’a toujours fait enrager… Il faut un travail de fond pour créer une synergie en France et en Europe.
On parle beaucoup des « revenants », ceux qui sont de retour du djihad Avant, il y avait des réponses variées mais depuis Kermiche [un des deux auteurs de l’attentat de Saint-Etienne- de-Rouvray qui était assigné à résidence sous bracelet électronique au moment de l’assasinat du père Hamel, ndlr], ils vont tous en détention provisoire. Le problème c’est que le tri n’est pas fait, qu’il n’y a pas d’enquête. Ils vont tous sortir en même temps et on n’aura pas séparé le bon grain de l’ivraie.
Les repentis, ça existe? Oui. Il y a eu dans les années des soutiens de Khaled Kelkal, des Français qui sont partis dans les camps d’entraînement en Afghanistan et qui n’ont plus fait parler d’eux. Richard Robert qui a été condamné pour son implication dans les attentats de Casablanca en a rejeté l’islam. Après, il y a des gens qui sont restés musulmans radicaux qui ont fait le djihad, qui estiment qu’ils ont assez de points pour aller au paradis et qui laissent la jeune génération faire le boulot. Et puis, il y a les indécrottables. Beghal [le mentor des tueurs de Charlie hebdo, ndlr], personne ne le fera changer d’avis… mentor des frères Kouachi qui se dit repenti… Dès -, les Anglais ont beaucoup fait appel à d’anciens djihadistes pour les confronter aux jeunes qui étaient tentés par le départ. Il faut essayer d’être innovant, de voir ce qui peut porter ses fruits tout en restant prudent. C’est une bonne idée. Le problème de Benyettou, c’est qu’il a fait un livre, qu’il s’est médiatisé et que, du coup, il perd son impact sur les jeunes. C’est dommage…