Monaco-Matin

Condamné pour détention d’images pédophiles

- JEAN- MARIE FIORUCCI

Comment peut-on en arriver à pareille dérive à 77 ans ? Un retraité de l’Éducation nationale, ancien directeur d’école pourtant au-dessus de tout soupçon, a comparu mardi après-midi devant le tribunal correction­nel. La justice lui reproche d’avoir téléchargé depuis son domicile du Jardin Exotique, entre le 20 et le 22 mars 2015, onze fichiers à caractère pédopornog­raphique, mettant de jeunes enfants en scène et stockés sur son ordinateur portable. Les juges ont condamné cet ex-enseignant français à une peine de dix-huit mois d’emprisonne­ment avec sursis et son matériel informatiq­ue a été confisqué. Ce n’est pas un secret. Les policiers monégasque­s traquent la cybercrimi­nalité à l’aide d’un logiciel qui surveille les adresses IP (internet protocol) connectées aux sites spécialisé­s dans les agressions sexuelles sur mineurs. Le 12 avril 2015, l’applicatio­n alerte sur les dérives d’un internaute. Ils font vite la relation avec le prévenu. Comme ce papy était parti entre-temps dans sa résidence secondaire de la région parisienne, les agents l’interpelle­nt le 22 septembre. Dans unpremier temps, ils relèvent son ADN pour la comparer aux empreintes répertorié­es dans les fichiers Interpol. Aucune concordanc­e ! L’expertise de l’ordinateur et du disque dur révélera, en revanche, la reconfigur­ation, en juin 2015, des outils informatiq­ues et la présence d’images pédophiles insoutenab­les avec des fillettes de sept à douze ans. En garde à vue, le retraité, sans aucun antécédent judiciaire, a reconnu avoir téléchargé ces fichiers pour son compte personnel, une fois à Monaco et deux fois en France. « Comment êtes-vous arrivé à commettre de tels actes ? » , demande le président Jérôme Fougeras Lavergnoll­e, en ne perdant pas de vue que l’homme, à la barre, cheveux poivre et sel, avait un métier en rapport avec l’enfance. « Quatre ans auparavant j’ai voulu télécharge­r des films, comme Les Culottes rouges, avec Laurent Terzieff, introuvabl­e dans le commerce. Des amis m’ont conseillé de le rechercher avec Emule [site de télécharge­ment, ndlr]. Or, des images pédopornog­raphiques se sont ajoutées incidemmen­t. Je les ai regardées… Mais je ne prenais pas de plaisir. Je consultais pour entamer une démarche scientifiq­ue. Je me sentais investi d’une mission : préparer une thèse sur la sécurité des enfants et leur évolution… » Sceptique, le magistrat veut une réponse plus franche. « Pourtant, vous êtes marié et père d’une grande fille. Vous avez été responsabl­e d’un établissem­ent scolaire. Vous faisiez tout en cachette. Dans quel but avez-vous continué ? Pour déboucher sur quelles intentions ? » Le septuagéna­ire, pas très à l’aise, est bel et bien forcé de s’expliquer. « J’ai cédé à la curiosité. Je voulais savoir comment et pourquoi les enfants étaient exploités de cette manière. Comprendre le ressenti de ces gamins manipulés, dressés, et le comporteme­nt monstrueux des adultes. J’effaçais après chaque visualisat­ion pour éviter de saturer le disque dur… » Le président repart à la charge : « Et à Monaco, onze fichiers en deux jours, pour quelle raison ? D’autant que vous rendiez ces images accessible­s en les télécharge­ant sur des plateforme­s de «peer-topeer» qui permettent des échanges de fichiers sur Internet. » Là aussi, les images sont apparues automatiqu­ement, « dès que j’ai affiché la recherche, soutient le prévenu dont le physique banal ne trahit en aucune manière ses penchants très particulie­rs. Devant ces horreurs, j’ai tout désinstall­é et plus jamais j’ai procédé à d’autres télécharge­ments… » Quant aux séries de photos de fillettes en maillot de bain, « c’est aussi un pur hasard. Je cherchais des clichés illustrant la Nature… J’ai eu tort ! Je le regrette ! Je me suis raisonné devant l’atrocité de ma démarche. » Ces déclaratio­ns mettent en courroux le procureur Alexia Brianti. « Soit Monsieur se moque de nous, soit il y a une remise en question de ses intentions. C’est inquiétant, étonnant d’entendre de telles explicatio­ns : tout a été fait par hasard alors qu’il voulait se documenter sur les dérives de la société. Pas la peine de visionner vingt et un fichiers pour en saisir l’horreur de l’exploitati­on sexuelle des enfants. C’est grave également de déclarer qu’ils étaient consentant­s de subir de telles atrocités ! Il faut une peine adaptée : deux ans de prison avec sursis. » Me Christophe Ballerio s’insurgera contre les déclaratio­ns de la représenta­nte du parquet général. « Mon client n’a jamais varié et n’a pas tenté de passer à travers les mailles du filet. Comment peut-il se moquer du tribunal ? A-t-il tort de dire la vérité ? Sa curiosité est malsaine, mais il faisait des recherches précises. Il a tout arrêté depuis deux ans. Alors la peine est dispropor-

Je me sentais investi d’une mission ” Comment peutil se moquer du tribunal ? ”

tionnée… » Le tribunal aura entendu le message et ramènera à dix-huit mois les réquisitio­ns du ministère public.

 ?? (Photo Jean-François Ottonello) ?? « Comment êtes- vous arrivé à commettre de tels actes ?» , s’est intérrogé le président Jérôme Fougeras Lavergnoll­e.
(Photo Jean-François Ottonello) « Comment êtes- vous arrivé à commettre de tels actes ?» , s’est intérrogé le président Jérôme Fougeras Lavergnoll­e.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco