Monaco-Matin

Trop de transparen­ce tue la transparen­ce

- Par MICHÈLE COTTA

Les hommes, et les femmes- politiques doiventils tout dire ? Que sommes- nous en droit de savoir ? D’année en année, il semblerait que les Français soient de plus en plus attachés à dissiper le brouillard qui entoure le monde politique, et surtout l’argent qui y circule. C’est que l’opacité, trop longtemps de règle dans ce secteur, leur devient aujourd’hui insupporta­ble. Le problème est que chacun a l’impression qu’il faut un gros, un énorme tre le patrimoine de ceux qu’ils élisent, qu’ils puissent s’alarmer en cas d’enrichisse­ment incompréhe­nsible ou s’inquiéter d’éventuels conflits d’intérêts concernant leurs propres élus. La déontologi­e de la politique y gagne, et surtout la confiance qui peut régner entre un électeur et son élu, entre les gouvernant­s et ceux qui gouvernent. On sait que cette relation de confiance est gravement remise en cause aujourd’hui, que les Français supportent plus difficilem­ent les privilèges et les inégalités. Ainsi la clarté, la transparen­ce sont- elles devenues indispensa­bles dans le monde aujourd’hui. Mais trop de transparen­ce risque de tuer la transparen­ce. Il est des domaines dans lequel l’interventi­on des juges est bienvenue, et même nécessaire, d’autres dans lesquels celle des médias n’est pas de mise. Ainsi de la vie privée, bien sûr, qui doit rester ce qu’elle est, privée. Même si les hommes politiques ont pris l’habitude, avec le temps, à la demande de certains journaux ou de certaines télévision­s de parler, sans se faire prier, de leur vie familiale, personnell­e ou même intime. La ligne est pourtant claire : la vie privée doit le rester, sauf si elle a une influence directe sur la vie politique, ce qui arrive plus souvent qu’à son tour. Même chose par exemple sur le secret médical : autant il est naturel qu’un Président de la République publie des bulletins périodique­s de santé car sa santé concerne l’avenir de tout un pays. Mais rien n’impose à tous d’en faire autant En résumé, la transparen­ce, oui, le voyeurisme, non . « En résumé, la transparen­ce, oui, le voyeurisme, non . » scandale pour que la loi change, pour que la lutte pour la transparen­ce progresse. Ainsi a- t- il fallu attendre les années    -    pour voir le gouverneme­nt de Michel Rocard s’attaquer au financemen­t, souvent obscur, des partis politiques. Ainsi a- t- il fallu attendre l’affaire Cahuzac, ses vigoureuse­s dénégation­s devant le Parlement, puis son départ du gouverneme­nt pour que soit créée, en    , la haute autorité de la transparen­ce de la vie politique, organisme indépendan­t chargé de recevoir, de contrôler avec l’administra­tion fiscale et publier les déclaratio­ns patrimonia­les, ainsi que les déclaratio­ns d’intérêt des membres du gouverneme­nt, de certains élus, dont les parlementa­ires, et des dirigeants d’entreprise­s publiques. Il n’y a rien là que de très normal, même si certains députés, sur le moment, ont jugé extrêmemen­t désagréabl­e de mettre sous les yeux de tout le monde leurs avoirs. Il est naturel pourtant que les Français qui le désirent puissent connaî-

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