Jean-Christophe Picard : « Onmanque de transparence »
Depuis quinze ans, l’association Anticor se bat pour que notre vie politique soit davantage moralisée. Son président national, qui est originaire de Nice, avance quelques propositions
Depuis 2002, l’association Anticor se bat contre toutes les formes de corruption en politique. Elle est aujourd’hui présidée par le Niçois Jean-Christophe Picard. Il revient sur les derniers soubresauts de notre vie démocratique et développe ses pistes pour plus de transparence. On n’est pas surpris, et c’est finalement cela qui est le plus grave. La pratique du travail parlementaire en famille est considérée comme normale par une grande partie de la classe politique, alors qu’elle choque profondément nos concitoyens (même si elle est aujourd’hui légale, rappelons-le, ndlr). Onvoit bien qu’un certain nombre d’hommes politiques sont sidérés par la réaction des citoyens et des médias et ne comprennent pas ce qu’on leur reproche. Dans la stratégie de défense, on est dans le déni et les excuses foireuses. Je suis étonné que François Fillon ne soit pas plus critiqué dans son propre camp. Il devrait rembourser et se retirer de la campagne pour assainir le débat. Il est impossiblede contrôler, puisque celui qui témoignedu travail est le députéou le sénateur. C’est pour cela que nous préconisons la suppressionpureet simple des recrutements familiaux, commecela existe déjàdepuis au Parlement européen, parce qu’en pratiqueonnepeut distinguer un emploi fictif d’un emploi réel, sans parler des emplois surpayés. Même si la situation est différente, la Cour de Cassationadéjà estimé qu’un maire qui recrutait ses enfants Jean- Christophe Picard, président national d’Anticor. commettait une prise illégale d’intérêts. On est à la limitedecela.
Autreaffaire sensible, Bygmalion. Aurez-vous lesmoyens de jouer un rôle de vigie du financement Dans l’affaireBygmalion, nous sommes partie civile. Mais là aussi, le contrôle est extrêmement difficile. La Commissionnationale de contrôle des comptes de campagne n’examine que les comptes de campagne, pas ceux des partis politiques, ce qui ouvre la porteàdes tas d’abus et explique l’affaireBygmalion. Nous proposons que les comptes soient consolidés et que le contrôle prenne tout en compte.
Quels sont les abus que vous rencontrez le plus souvent dans notre vie politique? Le problème principal à nos yeux est le cumul des mandats, qui génère une certaine opacité. On voit aussi des élus qui sont toujours à courir après un autre mandat et délaissent celui en cours. Globalement, on manque de transparence. L’utilisation de la réserve parlementaire n’est publique que depuis deux ans. On ne connaissait pas, il y a peu encore, l’étendue des privilèges accordés aux anciens Présidents. Nous voulons généraliser l’open data (donnée numérique ouverte, ndlr), pour que des informations soient publiques sans filtre. Nous portons également une dizaine de propositions, parmi lesquelles le casier judiciaire vierge pour les candidats… Il faut supprimer des privilèges anachroniques comme la Cour de Justice, l’inviolabilité des parlementaires et duprésident de la République, la réserve parlementaire qui est un outil clientéliste, le verrou de Bercy qui rend nécessaire l’aval duministre des Finances pour poursuivre un fraudeur... Et, pour enrevenir à l’affaire Fillon, nous voudrions que les collaborateurs parlementaires soient recrutés directement par l’Assemblée ou le Sénat, afin que tout cela soit contrôlé.