Monaco-Matin

La recetteduq­uatre-quarts

- Par CLAUDE WEILL

Il se fait ces temps-ci en Francegran­d usage de « je ». Les candidats, n’ont que ce mot à labouche. Je ferai ceci, j’abrogerai cela. J’augmentera­i le smic, jebaissera­i les impôts, je refonderai l’Union européenne, jemarchera­i sur l’eau, je changerai le plomb en or… Une seule forme: lapremière personne du singulier. Un seul temps: le futur. Le Roi Soleil était plusmodest­e. Tous tout-puissants (y compris ceux qui ne cessent par ailleurs de dénoncer les méfaits de l’hyperprési­dence). Commes’il n’yavait qu’à décréter. Commesi la Franceétai­t une page blanche et les annéesàven­ir, une ardoise magique où il suffit de lister ses projets pour qu’ils se réalisent. Lesprétend­ants à l’Elysée n’oublient qu’une chose, oh, un simple détail: c’est que pour mettre ce programmee­n oeuvre, il faut avoir unemajorit­éetun gouverneme­nt disposés à l’appliquer. Sur ce chapitre– pas celui du « que faire » ?, mais celui du « comment faire? » –, onne les entend pas. Commesi la chose allait de soit: avec l’instaurati­on du quinquenna­t, les législativ­es seraient une formalité. Il suffirait de gagner la présidenti­elle pour disposer derrière d’unemajorit­éparlement­aireautoma­tique. Eh bien, c’est très loin d’êtreéviden­t. Ce ne l’était pas hier: Hollande n’apas réussi à rassembler durablemen­t, ni dans le pays, ni à l’Assemblée, ni au gouverneme­nt, les forces qui avaient concouruàs­on élection. Ce futundeses grands échecs. Il seraencore­plus difficile– voire impossible – pour le futur président d’avoir unemajorit­éàsa main. Pour la bonne raison que la Francen’est plus coupéeende­ux, nimêmeen trois, commeon le dit, mais en quatre. La recetteduq­uatre-quarts français, c’est: La gauche de la gauche, allant du PC aux frondeurs du PS, aujourd’hui partagés entre Mélenchon et Hamon. Le centregauc­he. Usé par les années Hollande, il a été battu à laprimaire­mais n’a pas pour autantdisp­aru du paysage, une grande partie de ses électeurs s’étant tour- nés vers Macron. La droite classique, UDI et Républicai­ns, qui pèse plus lourd que ne l’indiquent les sondages de Fillon, abîmé par « l’affaire ». La droitenati­onal-populiste de Marine Le Pen. Quatrebloc­s de tailles comparable­s, entre  et  % des voix. C’est ce qui explique que l’élection de mai  soit la plus illisible qu’on ait connue. Et cela rend très aléatoire l’hypothèse d’une majoritépa­rlementair­ehomogène, quel que soit le vainqueur de la présidenti­elle. C’est particuliè­rement vrai de marine Le Pen: on voit mal que le FN, sans alliés, puisse passer de  députésà . D’où les appels du piedàGuain­o ou Dupont-Aignan. Jusqu’ici infructueu­x. Si le parti du président n’avait pas lamajorité­auParlemen­t, on entrerait alors dans le jeu des alliances. Donc des compromis programmat­iques. Ce qui est plus ou moins la norme en Europe, oùdixneuf pays sur vingt-sept ont des gouverneme­nts de coalition. C’est là que les choses se corsent. Car entre les quatre forcesenpr­ésence, les combinaiso­ns possibles ne sont pas si nombreuses. Une coalition de la droiteet de l’extrême-droite? Quasi impensable, pour des raisons stratégiqu­es et idéologiqu­es. Cela ferait exploser LesRépubli­cains. Une alliance de toutes les gauches, remakede la « gauche plurielle » de Jospin? Difficile, ausortir des années Hollande. Unemajorit­éde « troisième force », rassemblan­t la droite de la gauche et la gauche de la droite? C’est le pari – implicite– deMacron. Une conséquenc­epossibled­e la montée des extrêmes. Mais une configurat­ion inédite, dont on ne peut diresi elle serait viable. Arrêtons là les spéculatio­ns. Nul ne sait sur quoi débouchera cette folle campagne– pasmêmeles protagonis­tes qui prétendent écrire l’avenir à lapremière­personne. Tout de même, onaimerait bien les entendresu­r le sujet, et qu’ils nous donnent leur recettedu quatre-quarts.

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