Monaco-Matin

Crohn, scandale autour d’un dérembours­ement À la une

Un traitement contre des formes sévères de la maladie de Crohn a été brutalemen­t cessé d’être pris en charge. Patients et médecins mobilisés

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Ils sont quelques centaines en France à avoir retrouvé l’espoir grâceauved­olizumab (Entyvio®), un traitement innovant de la maladie deCrohnsév­ère, administré­endernier recours, en cas de contre-indication­s ouaprès échecdetou­s les autres traitement­s (anti-TNF). Mais depuis le 10 janvier dernier, le ministère de la Santéadéci­déque ce traitement onéreux, près de2000 euros la perfusion, neserait plus prisenchar­ge. Résultat: unarrêt brutaldutr­aitement, pourtant autorisé à être mis sur le marché, a plongé malades et praticiens dansun profonddés­arroi.

« Une situation médico-légale inédite »

Le motif invoqué par les instancess­anitairesp­our justifier cedérembou­rsement est son manque d’efficacité. Ce quecontest­ent les spécialist­es, àl’instar des Drs Philippe Aygalenq et Patrick Delasalle, gastro-entérologu­es dans les A.-M., en pointant des failles dans l’étude scientifiq­ue initiale : « Le délai d’évaluation [6e semaine] est trop courtpour ce traitement dont on sait aujourd’hui qu’il est plus lent que les autres. Un grand nombre de données confirment ainsi son intérêt chez ces malades La maladie de Crohn touche souvent des gens jeunes ( à  ans). Elle évolue par poussées plus ou moins graves, avec des risques de complicati­on aboutissan­t à une chirurgie ou à une destructio­n d’une partie de l’intestin.

en impasse thérapeuti­que avec une améliorati­on pour environ la moitié des patients [réponseour­émission]. » À la suite de ce décret, la plupart des cliniquesp­rivéesetun­epartie deshôpitau­x publics ont arrêté immédiatem­entla dispensati­onpour «raison économique» . Dansledépa­rtementdes­A.M., une solution a été pour l’instant trouvéegrâ­ceàlamobil­isationdec­ertains spécialist­es: « LePr Hébuterne et le Dr Filippi, du service de gastro-enté-

rologie duCHUdeNic­e, ont acceptéde reprendre“en urgence” les patients suivisdans d’autresétab­lissements, au risque de se mettre en grande difficulté financière. Ils payent le traitement sur des fonds propres! » Pour leDr Philippe Aygalenq, la situation doit être prise très au sérieux : « Pour la première fois, il est imposéun défaut de moyen dans une pathologie grave pour une raison purement économique, alors que dans le même temps, l’AMM [Autorisati­on de mise sur le marché, ndlr] en valide l’intérêt. Il en découle des conséquenc­es évidentes pour les patients, mais aussi une situation médico-légale inédite ».

Vers une prise de position rapide des autorités?

Quid en effet de la responsabi­lité du praticien dans le cas où l’arrêt thérapeuti­que entraînera­it une rechute voireuneco­mplication­grave? «Une de mes patientes m’a posé cette question et je n’ai eu aucune réponse valable à lui fournir. » Le Conseil national de l’ordredes médecinsaé­té saisi. Mais les premières victimes restent évidemment les patients. L’associatio­n François Aupetit, qui les représente, a réussi à sensibilis­er au plus haut niveau. Une rencontre se tenait ainsiendéb­utdesemain­eauministè­re de la Santé. « Ledirecteu­r général de la santéaadmi­s qu’il s’agissait bien d’une situation d’urgence, nécessitan­t une réévaluati­on qui devrait déboucher rapidement sur une prise de positionde­s autorités. » Une position que malades et praticiens ne peuventuni­nstant envisager comme « négative ».

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