Crohn, scandale autour d’un déremboursement À la une
Un traitement contre des formes sévères de la maladie de Crohn a été brutalement cessé d’être pris en charge. Patients et médecins mobilisés
Ils sont quelques centaines en France à avoir retrouvé l’espoir grâceauvedolizumab (Entyvio®), un traitement innovant de la maladie deCrohnsévère, administréendernier recours, en cas de contre-indications ouaprès échecdetous les autres traitements (anti-TNF). Mais depuis le 10 janvier dernier, le ministère de la Santéadécidéque ce traitement onéreux, près de2000 euros la perfusion, neserait plus prisencharge. Résultat: unarrêt brutaldutraitement, pourtant autorisé à être mis sur le marché, a plongé malades et praticiens dansun profonddésarroi.
« Une situation médico-légale inédite »
Le motif invoqué par les instancessanitairespour justifier cedéremboursement est son manque d’efficacité. Ce quecontestent les spécialistes, àl’instar des Drs Philippe Aygalenq et Patrick Delasalle, gastro-entérologues dans les A.-M., en pointant des failles dans l’étude scientifique initiale : « Le délai d’évaluation [6e semaine] est trop courtpour ce traitement dont on sait aujourd’hui qu’il est plus lent que les autres. Un grand nombre de données confirment ainsi son intérêt chez ces malades La maladie de Crohn touche souvent des gens jeunes ( à ans). Elle évolue par poussées plus ou moins graves, avec des risques de complication aboutissant à une chirurgie ou à une destruction d’une partie de l’intestin.
en impasse thérapeutique avec une amélioration pour environ la moitié des patients [réponseourémission]. » À la suite de ce décret, la plupart des cliniquesprivéesetunepartie deshôpitaux publics ont arrêté immédiatementla dispensationpour «raison économique» . DansledépartementdesA.M., une solution a été pour l’instant trouvéegrâceàlamobilisationdecertains spécialistes: « LePr Hébuterne et le Dr Filippi, du service de gastro-enté-
rologie duCHUdeNice, ont acceptéde reprendre“en urgence” les patients suivisdans d’autresétablissements, au risque de se mettre en grande difficulté financière. Ils payent le traitement sur des fonds propres! » Pour leDr Philippe Aygalenq, la situation doit être prise très au sérieux : « Pour la première fois, il est imposéun défaut de moyen dans une pathologie grave pour une raison purement économique, alors que dans le même temps, l’AMM [Autorisation de mise sur le marché, ndlr] en valide l’intérêt. Il en découle des conséquences évidentes pour les patients, mais aussi une situation médico-légale inédite ».
Vers une prise de position rapide des autorités?
Quid en effet de la responsabilité du praticien dans le cas où l’arrêt thérapeutique entraînerait une rechute voireunecomplicationgrave? «Une de mes patientes m’a posé cette question et je n’ai eu aucune réponse valable à lui fournir. » Le Conseil national de l’ordredes médecinsaété saisi. Mais les premières victimes restent évidemment les patients. L’association François Aupetit, qui les représente, a réussi à sensibiliser au plus haut niveau. Une rencontre se tenait ainsiendébutdesemaineauministère de la Santé. « Ledirecteur général de la santéaadmis qu’il s’agissait bien d’une situation d’urgence, nécessitant une réévaluation qui devrait déboucher rapidement sur une prise de positiondes autorités. » Une position que malades et praticiens ne peuventuninstant envisager comme « négative ».