Pieds-noirs et FNdonnent de la voix contreMacron
En marge de son meeting toulonnais, près de 300 personnes ont manifesté contre les propos d’Emmanuel Macron sur la colonisation. « Je vous ai compris », leur a-t-il répondu à la tribune
Il est un peu plusde15 h, devant les grillesquimènent au Zénith de Toulon. La Marseillaise retentit. Des porte-drapeauxd’associations patriotiques, étendard bleu-blancrouge au vent, font le forcing contre les policiers. Plus tout jeunes, mais nonmoinsdéterminés. Derrièreeux, la foule pousse. Pêle-mêle, des pieds-noirs, des harkis, leurs descendants, ou encore des militants nationalistesoumembresduFront national… Ils poussent, ils veulent voir Emmanuel Macron. « Macron en prison! Macron en prison! », crie un homme. Un policier reçoit un gnon, un autre perd son calot dans la bousculade.
Souvenirs et FN
Quelques giclures de gaz lacrymo partent, touchant au passageunancien combattant. Les policiers repoussent la foule, ferment le portail. Lespieds-noirsnepourront pas aller bavarder avec l’ancienministre de l’Économie. « La police est contre les Français! », hurle David, du Parti de la France, avant de traiter les militants pro-Macron de « collabos ». « Arrêtez de dire ça, les policiers ont des ordres! », tente une vieilledame pour le calmer. « Bon, on n’est pas rentré, je ne suis pas content! lance, goguenard, Manuel Fernandez, anciencombattant quiaressorti l’uniforme pour l’occasion. On voulait voir M. Macronpour lui dire que ce qu’iladit sur l’Algérie, c’est faux ! » Non, décidément, les paroles d’EmmanuelMacron, qualifiant le 14 février dernier sur une chaîne algé- entrer »,
rienne la colonisation française en Algérie de « crime contre l’humanité » ne passent pas chez les pieds-noirs. Alors, pour le grand raout toulonnais du candidat à laprésidentielle, ils étaient près de 300, réunis à l’initiative d’Hervé Cuesta, président du collectif « Nonau 19 mars 1962 » à protester contre le leader d’En Marche! Un manifestant concède qu’il est prêt à reconnaître l’existence d’« injustices » à l’encontredes populations musulmanes du temps de la puissance coloniale française, mais le « crimecontre l’humanité », non, ça ne passepas. « Un crime contre l’humanité, c’est Hitler et les nazis, Stalineet les bolcheviques! », s’étrangle Jean Fichera, Toulonnais de 70 ans. « Mon père venait de Constantine, lâche Jean-Luc. Et lui, à20ans, il a fait le débarquement de Provence et est remonté jusqu’en Allemagne! »
Le général Piquemal présent
Les nerfs sont à vifs, les souvenirs encore frais chez certains. « Le 5 juillet 1962, à Oran, j’avais 4 ans et demi quand les Européens se sont fait massacrer après le cessez-le-feu… souffle Patricia, une fonctionnaire. J’ai vudes gens se faire égorger dans la rue et l’armée avait l’ordre de res- ter dans les casernes. J’ai fait des cauchemars jusqu’à 15 ans ! » Dans la foule, on croise des anciens de l’OAS et quelques « célébrités », comme l’ancien général Christian Piquemal. « Ce qu’a dit M. Macron, ça revient à dire que 64 millions de Français sont des criminels contre l’humanité! On va porter plainte! », lance l’ancien gradé, alorsque retentit le chant des Africains. Pas mal d’élus frontistes sont également de la partie, comme leconseiller municipal FN Amaury Navarranne. Et, mêmesi Hervé Cuesta avoue qu’une partie des tracts a été financée par le FN, Jeanne Etthari, fille de harki et présidente de Mémoire Unité Dignité des Rapatriés d’Algérie (MUDRA), jureque ce parti n’apas récupéré la manifestation. Des pieds-noirs de gauche ont aussi fait le déplacement. « J’ai même aperçu quelques communistes », lâche, les larmes aux yeux, le militant socialiste HervéBertolotti, natif d’Alger. Àlafin de sonmeeting, Macronareconnu avoir blessé de nombreux pieds-noirs. Et, paraphrasant De Gaulle, a lancé à leur adresse : « Je vous ai compris! ». Pas sûrquece soit à leur goût…