Monaco-Matin

De L’Île au trésor à

Robert-Louis Stevenson, également auteur de Docteur Jekyll et Mister Hyde, compte sur les bienfaits du climat de la côte, mais en est chassé par le choléra

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Le pirate Billy Bones est mort à l’auberge de l’Amiral Benbow. Dans sa poche, Jim a trouvé une clé ouvrant un coffre. Dedans, il découvre la carte d’une îleoùest caché un trésor. Jim décide de partir à sa recherche et s’embarque à borddeL’Hispaniola, encompagni­e de Long John Silver, lecorsaire à la jambe de bois... Vous aurez reconnu l’histoired’un des plus célèbres romans d’aventure, adapté cent fois à l’écran ou en bandesdess­inées, L’Île au trésor. Comme beaucoup, vous avezoublié le nom de son auteur : l’ÉcossaisRo­bert-Louis Stevenson. C’est lui, aussi, qui, dans un autre genre, a écritDocte­ur Jekyll et Mister Hyde. Sa santé était fragile. Il a fréquenté notrerégio­n dans l’espoir de se guérir.

Refoulé au casino de Monte-Carlo

« Un sac d’os ! » : ainsi le décrivait-on lorsqu’il avait 13 ans. Sa mère, Maggie, fille d’un révérend, était elle aussi de santé délicate. Elle décida d’aller reprendre des forces à Menton. Un médecin anglais, HenryBenne­tt, avait en effet vanté les bienfaits de cette cité où il avait affirmé avoir guéri de la tuberculos­e et avait installé soncabi- net. La famille Stevenson partit donc pour Menton - le père, Thomas, constructe­ur de phares, la mère, le fils, la cousine Bessie et la nurse Cummy. Le voyage de Paris à Marseille s’effectua en train. De même que le trajet de Marseille aux Arcs. Là, on se renditàCan­nes en voiture à chevaux. ÀCannes, L’Hôtel du Nord. À Nice, L’Hôtel Chauvin, quai Saint-JeanBaptis­te. Robert-Louis découvre le soleil, s’amuse avec une petite Italienne, tandis que ses parents se rendent aux « five o’clock teas » organisés par les Anglais de Nice. AvecCummy, il visite Villefranc­he. La nurse écrira dans son journal : « Le paysage alentour est si beau qu’on imagine ainsi la Cité bienheureu­se qui nous attend au-delà du fleuve de la mort ! » Elle a du style, la nurse ! Et voici Menton. Onyarrive le 4 février 1863. Ons’installe à lavillaBos­ano, puis à L’Hôtel Londres. Le séjour durera jusqu’en mai. On fait des baladesàdo­s d’âne le long du rivage. Le temps est beau, le paysage radieux, la mer scintillan­te. Robert-Louis est aux anges. Ses yeuxd’enfant, habitués au ruissellem­ent de la pluie sur les fenêtres en Écosse, découvrent ici une nature qui l’enchante. « Je reviendrai », promet-il lorsque temps est venu de partir! Promesse tenue en 1873. Stevensona­maintenant 23 ans. Un médecin lui a diagnostiq­ué un début de tuberculos­e et conseillé le climat du sud. Entretemps, il a fait ses études de droit à Édimbourg et est tombé amoureux de Fanny, douze ans plus âgée que lui, mère de famille, en instancede­divorce. Cette fois, il s’installe au dernier étagedeL’Hôtel du Pavillon. Il commenceàé­crire son journal, Le midi sur ordonnance. Fanny ne peut le rejoindre, mais envoie auprès de lui leur ami Sidney Colvin, professeur à Cambridge. Tous deux prennent une chambre à 13 francs par jour à L’Hôtel Mirabeau. Colvin et Stevenson parcourent le Cap Martin, hument l’air marin, tentent, un soir, d’aller au Casino de Monte-Carlo. Mais Robert-Louis se fait refouler à l’entrée: pas assez bien habillé avec sa veste de velours usée! Lorsque, fin avril, Stevenson retrouve l’Angleterre, il publieson Midi sur ordonnance. « Nous tenons là un écrivain de première grandeur », s’enthousias­me le critique Andew Lang. Dix ans plus tard, une autre Fanny est entrée dans la vie de Stevenson, Fanny Osborne. C’est une artiste peintre américaine, dix ans plus âgée que lui, qu’il a rencontrée­àParis. Coup de foudre.

Un jardin et une vue « subcéleste­s »

Séparée de son mari, elle élève ses deux enfants, Isabel et Lloyd. Robert-Louis part sans argent la rejoindre en Californie, voyage misérablem­ent sur le pont d’unvieux paquebot, traverse l’Amérique dans un train de western harcelé de pilleurs. Arrivé exténué, il se marie quand même. Il manque de mourir. Unclimat plus serein lui est nécessaire. Retour dans le sud de la France. Cette foisci, ce sera Hyères. Les Stevenson y arrivent le 24 février 1883. Les voici au coeur de cette cité dont toute l’Europe commence à commenter les bienfaits thérapeuti­quesetdont les hôtels luxueux attirent une clientèle aristocrat­ique. RobertLoui­s et Fanny s’installent provisoire­ment dans l’un d’eux, L’Hôtel des Îles d’Or, à flanc de colline, d’où la vue s’étend jusqu’à la mer. Ilsyresten­t jusqu’au 22 mars, après quoi ils s’installent plus modestemen­t dans un chalet appelé Soli- L’écrivain découvre Hyères

, où il séjourne pour se refaire une santé et où il écrira plusieurs oeuvres. Il s’installe avec sa seconde épouse Fanny

, d’abord à L’Hôtel des Îles d’Or , puis dans une petite maison , où débarque un jour William Henley, éditeur et ami, unijambist­e , qui lui a inspiré le pirate à la jambe de bois dans L’Île au trésor.

tude, aunuméro4d­e l’actuelle rue Victor-Basch, à l’écart de la ville. Fanny a eu le coup de foudrepour cette « maison de poupée », qu’elle a aussitôt louée pour neuf mois. « Ce coin, notre jardin et notre vue sont subcéleste­s. Je réside près du Paradis », écrit Robert-Louis Stevenson. Plus tard, il rajoutera : « Heureux, je le fus une fois dans ma vie, et ce fut à Hyères ». La vie s’organise. Robert-Louis écrit le matin, tandis queFanny jardine. Promenades l’après-midi. Enfin, l’argent arrive. Un journal anglais publie en feuilleton l’histoirede­pirates que Robert-Louis a inventée pour distraire le jeune Lloyd: L’Île au trésor. Le succès est immédiat. Un livre sort. Les amis reviennent en même temps que l’argent.

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