Monaco-Matin

« Bientôt, mourir coûtera plus cher que naître! »

Les délais d’attente au crématoriu­m ont doublé cet hiver. Une demande sans précédent liée à la forte surmortali­té. Certaines familles vivent mal cette attente qui a un impact… et un coût

- 1. Voir notre dossier du 8 février. 2. Son prénom a été modifié. CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Mon beau-père est décédé le 5 février... Et on nous a dit qu’il n’y avait plus de place avant le 18. Treize jours à attendre, vous imaginez lasouffran­ce pour la famille? Or non seulement il y a de l’attente, mais il faut payer plus! C’est une double peine. » Sylvie Moretti n’a pas digéré. Ni l’attente. Ni son coût. A la tristesse de perdre un proche, cette habitante de Tourrette-Levens a dû ajouter l’interminab­le délai avant lacrématio­n. « C’est dur à supporter pour ma belle-mère, témoigne Sylvie. Roger avait 91ans. Il était athée, il tenait à être brûlé. On a respecté ses volontés. Mais les bénédictio­ns à la chapelle du crématoriu­m sont surbookées. C’est inadmissib­le. Quand vous voyez combien on paie les obsèques… Bientôt, ce sera plus cher de mourir que de naître! »

« Blocage général »

La vie n’a pas de prix, mais la mort a un coût. Et parfois un surcoût. A l’instar de Sylvie, des dizaines de familles en font l’amère expérience, cet hiver, sur la Côte d’Azur. Celles, du moins, qui ont décidé de faire incinérer leurs défunts. Jamais le crématoriu­m Nice Côte d’Azur n’avait été autant sollicité. Et rarement l’attente y aura été aussi longue. Douze à quatorze jours, contre six à sept les hivers précédents: les délais ont doublé en début d’année. Reflet d’une évolution des moeurs. Reflet, aussi, d’une surmortali­té record à laquelle la grippe a largement contribué, notamment chez les personnes âgées L’agence Santé publique France recense 19400 décès « en excès » depuis le début de l’épidémie. Ace jour, seule la région Paca n’est pas repassée sous le seuil épidémique. « Tout cela a généré un blocage général, observe Philippe Rivoallan, gérantdes pompes funèbres La Sérénité, à Nice. Les familles réagissent très mal. Attendre dix à quinze jours, c’est insupporta­ble pour une famille en deuil. Et en plus, ça engendre des frais supplément­aires… »

 de plus au reposoir

La preuveaure­posoirdePa­steur, à Nice. Si les trois premiers jours sont gratuits, il en coûte ensuite 48 au quotidien pour conserver le corps d’un défunt. « S’il reste quinze jours, ça fait 500€. Je trouve ça fort de café! » , s’exclameCla­ude Cette sexagénair­e de la région niçoise vient de perdre son mari et son cousin. « En tout, ça fait presque vingt jours d’attente pour notre famille. Et vingt joursàpaye­r. C’est très violent: l’attente, mais aussi la facture. Tout cela parce que les infrastruc­tures sont déficiente­s! » Philippe Rivoallan a pu en mesurer l’impact logistique autant que psychologi­que. « Cette attenteapo­sé d’énormes problèmes à une fille et une petite-fille venues des États-Unis, pour leur travail et les billets d’avion. Une famille a opté pour le crématoriu­m de Vidauban. Une autre a préféré faire l’incinérati­on en Italie, à Plaisance… à 300 km de Nice! » Au vu du contexte, Philippe Rivoallana­conseilléà­ses clientsd’écrire à laMétropol­e et au Trésor public, dans l’espoir de se faireexoné­rer de ces frais supplément­aires. « Les familles endeuil ne sont pas responsa- bles de l’attente au crématoriu­m… » Côté CHU, responsabl­e du reposoir, on rappelle que « les familles choisissan­t la crémation sont préalablem­ent informées des délais, qui peuvent être longs particuliè­rement en période hivernale. » Ces macabres « embouteill­ages » se traduisent dans les chambres funéraires privées comme au reposoir. Philippe Rivoallan rappelle, au passage, l’abnégation de ses employés. « Ils sont assez courageuxd­e faire ce métier. Surtout quand on a connu le 14-Juillet… Ils ont vécu des choses très dures, et personne ne leur a rendu hommage. »

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(Photo Cyril Dodergny) Le crématoriu­mde la plaine du Var a connu un pic d’affluenced­urant trois semaines.

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