« Bientôt, mourir coûtera plus cher que naître! »
Les délais d’attente au crématorium ont doublé cet hiver. Une demande sans précédent liée à la forte surmortalité. Certaines familles vivent mal cette attente qui a un impact… et un coût
Mon beau-père est décédé le 5 février... Et on nous a dit qu’il n’y avait plus de place avant le 18. Treize jours à attendre, vous imaginez lasouffrance pour la famille? Or non seulement il y a de l’attente, mais il faut payer plus! C’est une double peine. » Sylvie Moretti n’a pas digéré. Ni l’attente. Ni son coût. A la tristesse de perdre un proche, cette habitante de Tourrette-Levens a dû ajouter l’interminable délai avant lacrémation. « C’est dur à supporter pour ma belle-mère, témoigne Sylvie. Roger avait 91ans. Il était athée, il tenait à être brûlé. On a respecté ses volontés. Mais les bénédictions à la chapelle du crématorium sont surbookées. C’est inadmissible. Quand vous voyez combien on paie les obsèques… Bientôt, ce sera plus cher de mourir que de naître! »
« Blocage général »
La vie n’a pas de prix, mais la mort a un coût. Et parfois un surcoût. A l’instar de Sylvie, des dizaines de familles en font l’amère expérience, cet hiver, sur la Côte d’Azur. Celles, du moins, qui ont décidé de faire incinérer leurs défunts. Jamais le crématorium Nice Côte d’Azur n’avait été autant sollicité. Et rarement l’attente y aura été aussi longue. Douze à quatorze jours, contre six à sept les hivers précédents: les délais ont doublé en début d’année. Reflet d’une évolution des moeurs. Reflet, aussi, d’une surmortalité record à laquelle la grippe a largement contribué, notamment chez les personnes âgées L’agence Santé publique France recense 19400 décès « en excès » depuis le début de l’épidémie. Ace jour, seule la région Paca n’est pas repassée sous le seuil épidémique. « Tout cela a généré un blocage général, observe Philippe Rivoallan, gérantdes pompes funèbres La Sérénité, à Nice. Les familles réagissent très mal. Attendre dix à quinze jours, c’est insupportable pour une famille en deuil. Et en plus, ça engendre des frais supplémentaires… »
de plus au reposoir
La preuveaureposoirdePasteur, à Nice. Si les trois premiers jours sont gratuits, il en coûte ensuite 48 au quotidien pour conserver le corps d’un défunt. « S’il reste quinze jours, ça fait 500€. Je trouve ça fort de café! » , s’exclameClaude Cette sexagénaire de la région niçoise vient de perdre son mari et son cousin. « En tout, ça fait presque vingt jours d’attente pour notre famille. Et vingt joursàpayer. C’est très violent: l’attente, mais aussi la facture. Tout cela parce que les infrastructures sont déficientes! » Philippe Rivoallan a pu en mesurer l’impact logistique autant que psychologique. « Cette attenteaposé d’énormes problèmes à une fille et une petite-fille venues des États-Unis, pour leur travail et les billets d’avion. Une famille a opté pour le crématorium de Vidauban. Une autre a préféré faire l’incinération en Italie, à Plaisance… à 300 km de Nice! » Au vu du contexte, Philippe Rivoallanaconseilléàses clientsd’écrire à laMétropole et au Trésor public, dans l’espoir de se faireexonérer de ces frais supplémentaires. « Les familles endeuil ne sont pas responsa- bles de l’attente au crématorium… » Côté CHU, responsable du reposoir, on rappelle que « les familles choisissant la crémation sont préalablement informées des délais, qui peuvent être longs particulièrement en période hivernale. » Ces macabres « embouteillages » se traduisent dans les chambres funéraires privées comme au reposoir. Philippe Rivoallan rappelle, au passage, l’abnégation de ses employés. « Ils sont assez courageuxde faire ce métier. Surtout quand on a connu le 14-Juillet… Ils ont vécu des choses très dures, et personne ne leur a rendu hommage. »