La future maison d’arrêt serabâtie rive droite du Var
Le garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, a annoncé hier un deux-en-un : la maison d’arrêt de Nice, existante, sera réhabilitée, et une structure de 650 places sera créée à Saint-Laurent-du-Var
Amoins d’être un incorrigible optimiste, l’annonce du garde des Sceaux, hier, sur le lieu d’implantation de la future prison de Nice, a tout d’une cinquième saison d’un téléfilm qui en appellerait une sixième. Vingt ans que ça dure, et Jean-JacquesUrvoasadonc tranché : elle sera construite sur la rive droite du Var, à cheval sur La Gaude et Saint- Laurent- du- Var, et pourra accueillir 650 détenus. L’actuelle maison d’arrêt, à Nice, sera réhabilitée. Voilà pour les éléments factuels. Quand? Quel budget pour la future prison? Combien d’argent pour rénover l’existante, et pour combien de places?
Un cabinet aux abonnés absents
Le cabinet de Jean-Jacques Urvoas pointait hier soir aux abonnés absents pour le « service après-vente » de cette annonce faite à la Chancellerie devant une petite poignée de journalistes parisiens. «Un terrain a été proposé sur la zone de la rive droite du Var, et semble recueillir l’accord des élus », affirme la note de Jean-Jacques Urvoas transmise à la presse. Qui précise : «Techniquement, le site présente des contraintes, qu’il faudra lever avec l’accompagnement des collectivités locales. » Le garde des Sceaux indique « demander à la direction de l’administration pénitentiaire et l’agence publique pour l’immobilier de la Justice de poursuivre, en lien avec la préfecture, les démarches foncières ». Le tout en organisant les études complémentaires et les procédures d’acquisition. Les premiers concernés par la future prison, les maires de Saint-Laurent-du-Var et de La Gaude, varient entre « Je vais être très clair: je suis opposé à cette implantation, et la population gaudoise avec moi. Ce choix est un nonsens. Objectivement. D’abord parce qu’il prévoit un établissement pénitentiaire dans une zone réputée inondable. On ne peut pas y mettre des maisons, mais des détenus, oui ? De plus, le site retenu se trouve à proximité de deux écoles, l’une côté gaudois et l’autre côté laurentin. Est- ce vraiment souhaitable quand on sait les mesures prises pour protéger ces établissements dans le contexte que nous connaissons ? Je suis d’accord que les communes doivent participer à l’intérêt général, mais en ce qui concerne la nôtre, on peut dire que nous y participons déjà grandement en accueillant le futur Marché d’intérêt national. On ne peut pas accueillir tous les intérêts généraux incompréhension et colère. « Un non-sens » pour Michel Meini, le mairedeLaGaude, le plus virulent. Joseph Segura, premier magistrat de Saint- Laurent- du- Var, s’étonne : « Leministre de la Justice explique que la décision a été prise avec l’accord des élus. Je ne sais pas quels sont les élus qu’il a rencontrés. En tout cas pas moi.» La surprise était hier une constante. « Je l’ai découvert sur votre site Internet », fulmine Christian Estrosi, pré- du département... Enfin, La Gaude comme Saint-Laurent se trouvent au coeur de l’Eco-vallée, et l’implantation d’une maison d’arrêt vient bouleverser tout le système, la notion même d’Eco-vallée: on va rajouter du béton dans une zone à vocation agricole. Pour moi, cette décision est hors sol. » sident du conseil régional et de la métropole niçoise.
« Je ne suis pas dupe »
«Le maintien de la maison d’arrêt de Nice et sa rénovation, c’était ma proposition depuis des années. Je me félicite donc du revirement de M. Urvoas, qui disait à qui voulait l’entendre que mon projet n’était pas viable. Il me donne raison. Mais je ne suis pas dupe. Son communiqué, adressé à la presse, est une satisfaction intellectuelle mais ne me rassure pas. » Christian Estrosi s’interroge sur l’absence de calendrier. « Je ne voudrais pas que cela signifie que la prison de Nice va rester ce qu’elle est des années, c’est-à-dire un problème au sein du quartier. » De leur côté, les syndicats de la pénitentiaire se disent globalement satisfaits. L’Ufap Unsa Justice relève les nombreux points d’interrogation que soulève l’annonce, tout en soulignant qu’un nouvel établissement dans les Alpes-Maritimes « sera le bienvenu ». « Cette annonce ne clôture pas la bataille ; au contraire, celle- ci ne fait que commencer. Le ministre de la Justice explique que la décision a été prise avec l’accord des élus. Je ne sais pas quels sont les élus qu’il a rencontrés. En tout cas, pas moi. Le syndicat Force ouvrière, de son côté, évoque la « satisfaction d’avoir été écouté sur le maintien de la prison à Nice et sur la prise en compte de la surpopulation en créant un nouvel établissement. Nous espérons que la future structure comprendra un centre de détention ». L’association « La clé des champs », qui milite pour le départ de lamaison d’arrêt de Nice du quartier, ne voulait pas, hier, se résoudre à son maintien in situ. « Je reste persuadé qu’à terme, elle fermera. Ils maintiennent le site et en créent un deuxième. Voilà qui va doubler les coûts fixes en énergie et en masse salariale », dénonce son président, Philippe Hiller. Jean-Jacques Urvoas a par ailleurs évoqué la création d’un quartier de préparation à la sortie (QPS) : « Des recherches foncières se poursuivent à Nice », sans plus de précisions. Christian Estrosi, lui, y voit le fait « d’un ministre qui ne le sera plus dans deux mois et qui balance au dernier moment un projet sans aucune consultation des élus ». Entre les inévitables recours et la possible alternance politique à la tête de l’État, les scénaristes de ce Prison Break à la niçoise ont de beaux jours devant eux. Alors avec qui ? Je suis contre le projet de la prison, comme La Gaude, qui est dans le canton dont je suis le conseiller départemental. On nous impose une prison de places, alors que le maire de Grasse, lui, était d’accord pour une extension de l’existant. Nous allons être dans un cas unique en France, avec un tribunal de grande instance qui aura deux prisons dans son ressort. Depuis trois ans, je réclame un commissariat, un pont pour enjamber le Var... Il y a des enjeux majeurs pour la population et le développement sur cette rive droite, qui, il faut le rappeler, est la vitrine de la rive gauche, où se construit l’Eco-Vallée, qui va se retrouver face à une prison. On sent le gouvernement socialiste mal à l’aise. À deux mois de la présidentielle, il sort de son chapeau ce projet de prisons, alors qu’il n’a rien fait pendant ans. C’est une manoeuvre politique et politicienne. Dans deux mois, je prendrai rendez-vous avec le nouveau ministre de la Justice. »