La semaine de Roselyne Bachelot
Mardi
Madame Le Pen annule son rendez-vous avec le grand mufti Abdellatif Deriane, la plus importante autorité sunnite libanaise. La coutume veut qu’à cette occasion, les femmes se couvrent les cheveux. Il est parfaitement légitime de refuser ces pratiques et de considérer qu’une femme politique française n’a pas à se plier au port d’un accessoire considéré comme un signe religieux ostentatoire. Avec quelque malice, on peut se demander si elle eût refusé de porter une mantille si le pape lui avait accordé audience… Néanmoins, la grossièreté avec laquelle ce refus a été signifié laisse pantois. Il lui était tout à fait loisible de ne pas solliciter une audience dont les traditions sont parfaitement établies. Un piège a donc été tendu en toute connaissance de cause aux autorités sunnites pour infliger ce camouflet à la porte du mufti devant une nuée de journalistes. La manipulation à des fins de basse politique est tellement aveuglante qu’elle pourrait prêter à rire. Le rire s’efface toutefois quand on veut bien considérer que madame Le Pen prétend exercer les plus hautes fonctions de l’Etat et qu’elle a réussi l’exploit d’insulter en quarante-huit heures toutes les communautés religieuses qui coexistent au Liban. Avec les musulmans, elle a passé la deuxième couche en déclarant que Bachar al-Assad était la seule solution viable en Syrie alors qu’il est avéré qu’il a fait assassiner en Rafic Hariri, le père de l’actuel Premier ministre, sunnite également. Le chef druze Walid Joumblatt et le responsable chrétien Sami Gemayel sont absolument furieux des déclarations de la présidente du Front national. Celle-ci s’est comportée dans une région où la moindre provocation peut causer une catastrophe, avec un cynisme qui a subordonné le respect et la prudence à la défense d’intérêts électoraux subalternes. Ce n’est pas glorieux.
Mercredi
Ça y est ! François Bayrou rejoint Emmanuel Macron. Je ne sais si c’est un « bon coup » pour ce dernier mais c’est assurément un mauvais coup fomenté par le premier ! Alors que le Béarnais a pratiquement assuré les succès de sa carrière politique avec le soutien du parti néo-gaulliste, qu’il a été le ministre d’Edouard Balladur et de Jacques Chirac, le voilà qui fait alliance avec un homme dont il disait, il y a quelques jours, qu’il représentait le monde des grands intérêts et de l’argent et que cela était incompatible avec l’impartialité exigée par la fonction politique ! Diantre… Certains avancent que la traîtrise serait consubstantielle au cheminement politique de celui qui apporta son soutien à François Hollande en pour voler au secours du sémillant Emmanuel qui, lui, porta un coup de poignard dans le dos de son Président en faisant le procès d’une politique dont il était pourtant un des instigateurs. Pour ma part, j’y vois surtout la tentative pathétique d’un homme – largement démonétisé par des embardées idéologiques et des cocuages réitérés – de rester dans le jeu du cirque politico-médiatique. Sur ce plan, au moins, c’est un succès. Le ministre Roger Fauroux, qui présida une commission que lui avait confiée Bayrou, ne disait-il pas qu’il gouvernait « avec le sondoscope en bandoulière ». Et voilà, tout s’explique !
Jeudi
Il y a de quoi sombrer dans la dépression en notant le ralliement de Yannick Jadot à Benoit Hamon. On ne peut d’ailleurs comparer ce renoncement à celui de François Bayrou puisque Jadot était le candidat régulièrement investi par son parti Europe Ecologie/ Les Verts pour porter un programme et des idées dont on peut contester la faisabilité et l’opportunité mais certainement pas l’originalité et la cohérence. Cette capitulation signe, une fois de plus, la rupture entre le terrain et les élites. Les militants sont bernés pour sauver les circonscriptions et les prébendes de leurs hiérarques. L’affaire était claire : les députés écologistes, Duflot en tête, ne doivent leur siège qu’à la mansuétude socialiste et la candidature de Jadot les condamnait à la défaite aux législatives. Ils ont obtenu les quarante deniers de Judas, autrement dit l’investiture du PS dans quarante circonscriptions. Mes amis, on s’enfonce.
Affaire Fillon : « Trois magistrats mobilisés. [...] Il paraît qu’il y a une crise des effectifs dans la justice. Elle ne doit pas être si terrible que le disent certains. »
Vendredi
Décidément, la semaine politique est consternante. Le candidat de la droite et du centre, régulièrement investi par une primaire qui a regroupé plus de millions d’électeurs, voit l’enquête sur les soupçons d’emplois fictifs qui le vise, lui et son épouse, confiée à trois juges d’instruction. C’est un sacré coup dur pour François Fillon, ses plus fidèles soutiens en conviennent sous le manteau. Il est quand même étonnant que le Parquet financier ait été incapable de conclure cette affaire dans un sens ou un autre, soit l’abandon des poursuites soit la mise en examen. Dans l’état actuel du règlement de l’Assemblée nationale, l’emploi par un député d’un membre de sa famille est autorisé. Dont acte. Les émoluments versés sont à la discrétion du parlementaire, employeur de droit privé. La question pendante est de s’assurer de l’effectivité du travail effectué par le collaborateur. Trois magistrats (!) vont donc être mobilisés pour cette enquête de toute première urgence dans un pays miné par le terrorisme, les émeutes dans les banlieues et les violences de toutes sortes. Il paraît qu’il y a une crise des effectifs dans la justice. Elle ne doit pas être si terrible que le disent certains.
Samedi
Dès potron-minet, le président de la République a visité le e Salon de l’agriculture. Les gazettes racontent qu’il y a été bien accueilli. Quand on considère la crise redoutable que traversent nos paysans : plus de suicides d’agriculteurs en , chute des revenus de % – oui, % – encore en , ravages occasionnés par la crise de la grippe aviaire, l’indifférence polie que rencontre François Hollande est la pire des avanies. La veille, il assistait, avec trois mille personnes et de nombreux responsables politiques, aux obsèques de Xavier Beulin, le président de la FNSEA, mort à ans. François Hollande pourra partir en retraite en mettant dans sa valise le dernier livre écrit peu avant son décès prématuré par le syndicaliste : Notre agriculture est en danger (Ed. Tallandier). Il appendra bien des choses qui visiblement lui ont échappé. Promis, dès qu’il l’aura fini, il le prêtera à Stéphane Le Foll…