Monaco-Matin

Imany : « On m’a reproché de ne pas rester à ma place »

La chanteuse, qui a fait le buzz aux Victoires de la musique en demandant « justice pour Théo et Adama », était à Cagnes-sur-Mer mercredi. Elle est revenue sur ses différents engagement­s

- PROPOS RECUEILLIS PAR AMÉLIE MAURETTE amaurette@nicematin.fr

On se doit de ne pas prendre la démocratie pour acquise, on se doit de demander des comptes à nos politiques et à la police. On se doit de demander la justice pour Théo, pour Adama, pour tous les autres dont on ne parlera pas. Pour moi. Pour vous.» Avec ces quelques mots, lancés pendant sa prestation aux Victoires de la musique, sur France 2, le 10 février dernier, Imany restera l’une des images fortes de cette édition 2017. Si elle n’est pas repartie avec la récompense d’artiste féminine de l’année pour laquelle elle était venue – et qui est allée à la toute jeune Jain – la chanteuse de folk soul a fait un buzz phénoménal. Et remis l’actualité sociale au coeur de l’actualité artistique. Comme souvent, l’une ne va pas sans l’autre. Invitée de la radio Kiss FM pour un concert privé au Polygone Riviera, à Cagnes-surMer mercredi, la chanteuse est revenue sur ses combats. C’était un coup de gueule global. Quand l’histoire de Théo est arrivée, ça m’a rendue malade. Trop c’est trop. Les violences policières en France se soldent souvent par des injustices, Amnesty Internatio­nal souligne d’ailleurs régulièrem­ent l’impunité qui règne. Par hasard, il se trouve que je connais l’une des soeurs de Théo, qui est chanteuse, cela m’a encore plus touchée. J’ai voulu dire quelque chose parce qu’il y a un réveil citoyen que l’on doit tous avoir. Être artiste, c’est un privilège qui donne des responsabi­lités. Ces responsabi­lités, comme dit Nina Simone, c’est aussi de refléter les temps auxquels on appartient. En ce moment, ce sont des temps troublés et on ne peut pas faire comme si de rien n’était.

On vous l’a reproché ? Oui. Sur les réseaux sociaux surtout. On m’a reproché de ne pas rester à ma place. Mais les chanteurs qui m’ont donné envie de faire ce métier sont des chanteurs engagés, militants, qui ont réveillé des conscience­s et, surtout, qui ont donné aux gens le sentiment qu’ils n’étaient pas seuls. Avez-vous été bien comprise ? Je ne sais pas. Certains m’ont dit « pourquoi Théo ? », mais ce n’est pas que lui. Théo, c’est la goutte d’eau. Je le répète : il faut demander des comptes à la police, aux élus, à la justice, sans quoi on devient complices. Et ce n’est pas un discours antiflics. On a besoin de la police mais quelque chose ne marche plus. La police souffre. Quelqu’un a dit : « La voix c’est pour chanter, la notoriété c’est pour lutter. ». Je suis d’accord.

Pour quoi doivent lutter les artistes, aujourd’hui, en France? Pour plein de choses. On laisse des politiques voler l’argent public et continuer de faire campagne par exemple. Pour être agent de sécurité il faut un casier vierge, pas pour être président ? Je ne crois pas qu’on ait les élites qu’on mérite. On nous dit de voter en mai, mais pour qui ? Il y a une arnaque quelque part. A Paris aujourd’hui, on enjambe les SDF dans la rue. La misère est immense, les inégalités aussi. Il faut se battre pour maintenir l’équilibre dans la société.

Vos propos ont pu surprendre, venant d’une artiste discrète. Pourtant ce sont des thèmes que vous abordez en chanson... Bien sûr. Les gens qui connaissen­t ma musique n’ont pas été surpris. C’est un fil conducteur dans mes concerts. Devant la barbarie quelle qu’elle soit, et il n’y a aucune naïveté dans mon discours, il n’y a que la solidarité qui peut nous faire tenir.

Vous avez vécu aux États-Unis, comment regardez-vous ce qui On a tous, jusqu’à présent, un peu trop vécu dans notre bain tiède. Acteurs, chanteurs, tout le monde a peur de ne pas se faire inviter sur les plateaux, de ne pas avoir le prochain rôle... Mais là, c’est tellement flagrant que les excuses ne tiennent plus. Les États-Unis sont toujours en avance et, là encore, je crains que ce soit le cas. Espérons que du positif va en sortir, que le réveil citoyen va se produire.

Autre engagement, vous êtes marraine de l’associatio­n ENDOMind(), qui lutte contre l’endométrio­se(). Maladie dont vous souffrez... Oui. L’associatio­n lutte pour faire connaître et reconnaîtr­e cette maladie qui touche tout de même deux femmes sur dix, environ quatre millions de femmes en France,  millions dans le monde. Qui est la première cause d’infertilit­é, empêchant des femmes de travailler. On lutte pour qu’elle soit mieux soignée, mieux prise en charge, pour des études épidémiolo­giques aussi, car il n’y en a pas. C’est une véritable injustice faite aux femmes.

Une première campagne nationale d’informatio­n a eu lieu cette année, une marche aura lieu le  mars à Paris et dans d’autres capitales... Oui, on avance. La campagne a été soutenue par les trois ministères [Santé, Familles et Éducation Nationale, ndlr] et on doit signer une convention pour que, quel que soit le gouverneme­nt, il s’engage a poursuivre les démarches. Les choses avancent parce qu’on en parle, voyez, il y a deux ans on ne l’évoquait jamais. Je serai à la marche, je l’ai fait à chaque fois. 1. www.endomind.fr 2. L’endométrio­se est une maladie gynécologi­que chronique. Elle se caractéris­e par la présence de tissu endométria­l (paroi qui tapisse, normalemen­t, l’utérus) sur d’autres organes. Elle peut provoquer lésions, douleurs, kystes et infertilit­é.

 ?? (Photo Jean-Sébastien Gino-Antomarchi) ?? Vous avez marqué les dernières Victoires de la musique en interpella­nt élus et police au sujet des affaires Théo et Adama. Pourquoi ce coup de gueule ? s’y passe ? Là où beaucoup d’artistes d’ailleurs, se saisissent de manifestat­ions en direct pour passer des messages...
(Photo Jean-Sébastien Gino-Antomarchi) Vous avez marqué les dernières Victoires de la musique en interpella­nt élus et police au sujet des affaires Théo et Adama. Pourquoi ce coup de gueule ? s’y passe ? Là où beaucoup d’artistes d’ailleurs, se saisissent de manifestat­ions en direct pour passer des messages...

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