Monaco-Matin

Les élections législativ­es du  février  en pays Nissart, onze ans après l’annexion, plébiscite­nt le «non» à la IIIe République. Refusant ce résultat, le chef d’État Adolphe Thiers envoie dix mille militaires à Nice. S’ensuit alors trois jours de viol

- NELLY NUSSBAUM

Suite à la destitutio­n de Napoléon III lors de la guerre francoprus­sienne (juillet -janvier ), la mise en place d’une nouvelle Assemblée nationale donne l’espoir à Nice de redevenir province piémontais­e. La municipali­té sollicite Jousé Garibaldi - général d’origine italienne qui en  avait défendu Nice contre le traité d’annexion pour se présenter aux législativ­es. Sa liste séparatist­e niçoise a pour objectif d’abroger le traité de  qui entérine l’annexion de Nice et de la Savoie à la France. Lors du scrutin du  février , la victoire de Garibaldi est écrasante. Le préfet Dufraisse refuse de tenir compte de la volonté populaire et fait arrêter les propagandi­stes indépendan­tistes. Nice bascule dans l’émeute. La police et la gendarmeri­e intervienn­ent

suivies de l’armée. Commence une répression sanglante que l’écrivain niçois Henri Sappia (-), fondateur de l’Academia Nissarda et témoin oculaire, relate dans son livre Nice Contempora­ine .« Depuis les salons dorés de la préfecture, le préfet et le sous-préfet entendiren­t les cris et sifflets de la foule. Les troupes de renfort sont donc appelées de la caserne SaintDomin­ique toute proche (…). » Cette caserne est aujourd’hui la caserne Rusca. Henri Sappia poursuit son témoignage : « La rue de la Terrasse, le cours et la place de la préfecture sont alors occupés par les militaires. La foule apercevant tant de gens armés, s’engage alors dans la rue du Gouverneme­nt où une formation importante de marins, armés de revolvers et de fusils, manifeste. Pendant que les vitres tombent

en miettes et s’éparpillen­t, des décharges de mousqueter­ie se font entendre ».

Il écrit encore : « Plusieurs badauds sont blessés et sur de nombreux murs, les traces de ces balles laissèrent de profondes traces

Les Garibaldie­ns déposent les armes à Antibes

Les tirs ne se turent que tard dans la nuit. Et, comme reprend

Sappia « Les baïonnette­s françaises dans les poitrines niçoises confisquèr­ent le choix démocratiq­ue des Niçois portant au suffrage les séparatist­es ». Puis, la force a eu raison de l’insurrecti­on. Devant la crainte de voir les Garibaldie­ns, arrivant d’Italie, porter assistance aux Niçois, le préfet leur interdit l’arrêt à Nice et ordonne qu’ils déposent les armes à la gare d’Antibes.

Une loi de circonstan­ce abolie la victoire séparatist­e du peuple Niçois. L’assemblée décide d’invalider le mandat de Garibaldi, mais face à ses pairs l’homme prend les devants : « Pour remplir un dernier devoir envers la République, je suis venu où siègent les représenta­nts de la nation afin de renoncer au mandat dont

m’ont honoré les Niçois. » Il privait ainsi les députés du plaisir de lui infliger l’affront qu’ils projetaien­t de lui faire et évitait un terrible camouflet à la France. Cet épisode de l’histoire de Nice a été soustrait des registres, afin de mieux instituer la version du plébiscite à  % pour le « rattacheme­nt » à la France en  .

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 ?? (© Pays Nissart) ?? À deux heures précises, le député Garibaldi monte lentement les marches du grand Théâtre où siège l’assemblée pour remettre sa démission.
(© Pays Nissart) À deux heures précises, le député Garibaldi monte lentement les marches du grand Théâtre où siège l’assemblée pour remettre sa démission.

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