Monaco-Matin

Vins éternels

Bâtie en 1874, la cave à vin de l’Hôtel de Paris permet de stocker 350000 bouteilles éclectique­s. Voyage au coeur d’une authentiqu­e machine humaine régie par la bonne humeur et le savoir-faire

- Propos recueillis par Thomas MICHEL tmichel@nicematin.fr Photos : Michael ALESI

Exclusif La Société des bains de mer nous a ouvert les portes des caves à vin de l’Hôtel de Paris. Un lieu mythique pour une expérience unique.

C’est la pénicillin­e qui guérit les hommes mais c’est le bon vin qui les rend heureux», écrivait le savant – et manifestem­ent épicurien –, Alexander Fleming. Avec 350000 bouteilles sous le coude, les employés de la SBM rattachés aux caves à vin de l’Hôtel de Paris tutoient donc l’extase depuis 1874 (lire ci-contre). Aujourd’hui affublé du titre de « plus grande cave à vin d’hôtel du monde», l’antre érigé sous Charles-III de Monaco relève du mythe. Tant de convoitise­s qui ont conduit à en limiter l’accès aux particulie­rs, si fortunés soient-ils. « Notre souhait est de préserver l’exclusivit­é de cet endroit hors norme. Sinon je me mets à l’entrée et je fais ça toute la journée [rires] », admet le chef sommelier de l’Hôtel de Paris, Patrice Frank (lire ci-dessous), en nous ouvrant les portes du sanctuaire. «Onala chance d’avoir 1500 m² consacrés au vin, à Monaco. Très peu de gens savent ce qu’il y a sous leur pied», glisse le chef caviste, Gennaro Iorio.

Quarante points de vente

Les portes refermées, les travaux titanesque­s en surface s’évanouisse­nt. Pas un bruit, ni une vibration. Il est 11 heures. Plongées dans la pénombre de 15h30 à 7 heures, les voûtes de pierres, éclairées par un halo basse tension, sont teintées d’humidité. « L’hydrométri­e est encore plus importante que la températur­e car elle joue sur l’élasticité des bouchons», précise le chef de cet incubateur naturel sans égal. Autour de lui, de petites mains s’affairent. Les livraisons du jour garnissent les casiers en bois. Les bouteilles s’amoncellen­t à l’air libre dans des allées thématisée­s : Bordeaux, Loire, Bourgogne… « Rien n’est mécanisé, tout est fait à la main, lâche fièrement Gennaro. La plupart des gens pensent aller dans un musée mais c’est un service comme un autre. Comme une lingerie ou une pâtisserie». «Une ruche », coupe Patrice Frank. «Cet endroit est magique pour deux raisons: son contenu et la communicat­ion autour de ce lieu. Depuis 10 ans, j’ai dû faire une soixantain­e de télés dans le monde entier. Tout le monde connaît la SBM ou l’Hôtel de Paris et connaît cet endroit grandiose en terme de référencem­ent », relate Patrice Frank. Au gré des caveaux, 3 000 références. « Les plus jeunes vins à la carte sont de 2007, tout le reste est en élevage. C’est de l’argent qui dort, de la capitalisa­tion dans le temps.» Un sommeil relatif parfois, puisque 320000 à 330000 bouteilles de champagne sont vendues par an. Soit 900 débouchées par jour sur les 40 points de vente du groupe ! «Des 3 macarons Michelin aux room-service, aux bars, discothèqu­es, ou restaurant­s bio», précise Gennaro. Un approvisio­nnement quotidien est assuré pour les entités SBM. Nul besoin de multiplier les allers-retours en cave selon les desiderata des clients, «tout est en condition de service ».

Incessante curiosité

« On ne descend jamais pendant le service. Ça, c’est du cinéma! C’est même antiprofes­sionnel!», peste Gennaro à l’idée qu’une bouteille – et donc sa sédimentat­ion — soit malmenée. Disponibil­ité et éclectisme. « Le luxe qu’on a aujourd’hui ce n’est pas d’avoir ce qui est le plus cher, mais surtout ce qui est le plus rare. Mais, encore une fois, pour la rareté il faut du temps. » Notamment pour dénicher de futures pépites. « On se déplace pas mal, avoue Patrice Frank, mais le souci c’est que les vins étrangers ne sont pas tous redistribu­és en Europe ou en France. Si on goûte quelque chose d’exceptionn­el en Argentine à 5 euros, mais qu’il faut rajouter 25 euros de billets d’avion, ça ne devient plus intéressan­t. » Surtout quand on a déjà de l’or sous les yeux. «Avant, c’était Bourgogne blanc, Bordeaux rouge », croque Gennaro. « Aujourd’hui, nous vendons autant de bouteilles de Champagne que de la grande Provence : Coteaux varois, Cassis, Bellet, Côtes de Provence… » « Sur l’addition moyenne d’un client, le vin représente entre 35 et 60 % », résume Patrice Franck. Une note dans l’esprit d’Alexandre Dumas: «Le vin est la partie intellectu­elle d’un repas, les viandes et les légumes n’en sont que la partie matérielle ».

La plupart des gens pensent aller dans un musée ”

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Huit employés des caves gèrent les   bouteilles et plus de   référencem­ents.
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