Que faisait-il avec des diamants dans la ceinture?
Arrêté en état d’ébriété à Monaco, un sexagénaire napolitain était en possession de deux diamants. Outre un lourd passif judiciaire depuis les années 70, sa défense est apparue confuse
Un Napolitain est appelé à la barre du tribunal correctionnel. La Justice monégasque soupçonne ce ressortissant italien de soixante-quatre ans d’avoir importé en contrebande deux diamants, en violation avec l’ordonnance souveraine de 1963 sur la convention douanière entre la France et Monaco. C’est un homme étrange. Il ne comprend pas ce qui lui arrive et se déclare innocent ! Pourtant, à l’audience, un passé des plus troubles est évoqué quand on aborde la personnalité du prévenu. Plus singulier encore, ses déclarations sur la provenance et la destination des pierres précieuses varient au fil de l’interpellation, des gardes à vue et des propos tenus devant les juges. L’affaire a un parfum d’histoire de L’Homme à la Buick, avec Fernandel et Danielle Darrieux.
« Chez nous, on ne fait ni facture, ni reçu »
En fait, le scénario s’écrit à l’encre du hasard ! Dans la nuit du 11 février 2014, vers 3 heures, le barman du Flashman alerte la Sûreté publique. Une BMW a percuté un autre véhicule au niveau du square Saint-James. Quand les policiers arrivent, le conducteur est ivre. Il comparait, à l’époque, selon la procédure de flagrant délit. On apprend qu’il était parti de Naples le matin même à la suite d’une dispute avec son épouse. Venu avec une connaissance pour jouer au casino de Monte-Carlo, il s’apprêtait à repartir vers San Remo. Quand l’individu est conduit à la maison d’arrêt, il est fouillé. Un surveillant trouve dans une poche dissimulée au niveau de la ceinture deux diamants de 1,42 carat et 1,3 carat. Recel ? Vol ? Faux ? Une enquête est ouverte. Rien d’anormal n’est signalé. Expertisés, les deux brillants sont estimés respectivement à 240 000 euros et 137 000 euros. « Comment les avez-vous acquis ? », demande le président Jérôme Fougeras Lavergnolle. « C’était en 2002 ou 2003, auprès d’un négociant en orfèvrerie de Naples. Ce marchand me devait des dettes de jeux et je lui ai donné 80 000 ou 90 000 euros. » Le magistrat s’étonne d’une telle différence. «L’évaluation italienne est certainement plus basse, assure le prévenu. Chez nous, on ne fait ni facture, ni reçu. Je voulais constituer un patrimoine pour mes deux filles et mon garçon. Sans oublier mon autre enfant adultérin…» Le président est également surpris: «Le gemmologue qui a établi les actes d’authentification ne vous a jamais rencontré. Il ne vous connaît pas ! En revanche, il a été contacté par une jeune femme qui lui a demandé d’établir ces documents avec une attitude menaçante. Il avait peur d’avoir des ennuis… À l’époque, vous étiez en prison sur le Rocher. Vous en ressortirez le 28 mai 2014 après avoir versé une caution de 9000 euros. Au cours d’une écoute téléphonique, vous aviez eu une conversation codée avec votre fille… » Tout est pure invention pour ce Napolitain et peu d’informations éclaireront le tribunal en finalité. Il a gardé les diamants à l’issue de sa brouille conjugale, « tout simplement par peur que mon épouse s’en empare. Les mettre à l’abri dans une banque ? Impossible ! Je suis interdit bancaire et je ne peux détenir ni chéquier ni coffre-fort. Seulement un livret d’épargne… D’ailleurs, j’ai abandonné la profession de sculpteur, peu rémunératrice, au profit d’un emploi dans une agence de nettoyage ».
« L’intention de les vendre à Monaco »
Un regard sur son casier italien démontrera de multiples condamnations entre 1973 et 1999 pour ports d’arme, escroqueries, contrebande, recel, association de malfaiteurs, violation de la loi sur la TVA, etc. Quel risque encourt le prévenu? Dans ses réquisitions, le procureur Alexia Brianti déclare : « Si la région de Naples a certaines spécificités culturelles, elles ont été allègrement franchies par ce personnage. Il avait d’ailleurs l’intention de vendre les diamants à Monaco d’après ses premières déclarations… Vous prononcerez une peine d’un an de prison ferme avec mandat d’arrêt et vous confisquerez les pierres, le pantalon, la BMW X3. » En défense, Me Christophe Ballerio plaidera la relaxe car «aucun élément démontre l’intention de vendre les pierres en Principauté ». La décision a été mise en délibéré et sera rendue le mardi 14 mars prochain.