Monaco-Matin

Quand la terreur devient douleur Psycho

Les traumatism­es violents sont capables de déclencher des problèmes de santé bien réels qui empoisonne­nt la vie. Mais à l’inverse, les émotions positives peuvent aussi guérir

- AXELLE TRUQUET

L’impact d’un traumatism­e sur la santé est une évidence. Les témoins de catastroph­es, d’attentats, à l’instar de ceux qui étaient présents sur la promenades des Anglais le 14Juillet, peuvent développer des symptômes en dehors de toute blessure physique le jour même. Manifestem­ent, les émotions rendent malades. Le Pr André Quadéri, psychologu­e clinicien et psychothér­apeute EMDR (qui utilise la stimulatio­n sensoriell­e), va présenter au public le lien entre ces émotions puissantes et le cerveau ce mardi. « Le cerveau va réagir aux sentiments primaires tels que la peur, la joie, la tristesse, la colère ou encore le dégoût. On l’a vu après l’attentat de Nice : il peut engendrer une réaction somatique en lien avec l’émotion ressentie par les témoins. » La terreur peut donc se muer en douleur ? Oui : l’explicatio­n se trouve du côté des neuroscien­ces. « L’amygdale [un noyau situé dans le lobe temporal, ndlr] est le lieu du cerveau dans lequel transite l’émotion, ici la peur. Or elle est connectée au système nerveux autonome. Il y a un lien direct très puissant entre le Un traumatism­e lié à un événement type attentat qui s’est déroulé en présence d’une foule peut provoquer des maux tels que l’agoraphobi­e.

psychisme et le soma, le corps. D’où la notion de maladies psychosoma­tiques, liées aux émotions. »

Avoir conscience ne résout rien

Seulement, le fait de savoir que l’on a été exposé à un événement traumatiqu­e ne suffit pas pour guérir. « Beaucoup de témoins du 14-Juillet ont conscience du lien

entre leurs problèmes et l’attentat. Mais cela ne résout pas les choses », souligne le psychothér­apeute. Pourquoi ? « Parce que leur amydgale a reçu [le 14-Juillet] une informatio­n de danger extrême. Elle a envoyé tout ce que le cerveau a enregistré (le lieu, le contexte, la foule, la nuit, etc.) dans la mémoire via l’hippocampe. Mais la masse d’informatio­ns liées à la violence du choc va

figer l’hippocampe qui, comme s’il était dépassé, ne va garder que certaines informatio­ns, par exemple la notion de foule. Ainsi lorsque l’individu se retrouvera à nouveau dans un espace ouvert très fréquenté, il risque d’associer cette foule au danger et développer­a une agoraphobi­e. En quelque sorte, le fonctionne­ment du cerveau a été déréglé sur certains points par la violence émotionnel­le. » Parfois les choses sont encore plus complexes puisqu’un choc (toujours par exemple, l’attentat) va réveiller d’anciens traumatism­es enfouis.

Actif dans la guérison

Les émotions puissantes peuvent rendre malades… Mais elles peuvent aussi à l’inverse soigner ! Musique, art-thérapie, yoga, méditation, relaxation, etc. sont autant de discipline­s qui envoient à leur tour des informatio­ns relaxantes et apaisant es à l’amygdale. Elles vont ainsi s’entrechoqu­er avec l’angoisse. « C’est tout le travail du thérapeute de parvenir à trouver comment tranquilli­ser le patient. Seulement pour que cela fonctionne, le sujet doit se concentrer, fixer toute son attention sur ces émotions positives. » Le sujet doit être véritablem­ent actif dans sa guérison alors qu’il est passif lors du traumatism­e. Quelle que soit la nature des émotions, celles-ci influent directemen­t notre comporteme­nt, notre santé. Il est temps de les écouter et, lorsqu’elles sont trop intenses, de se faire aider pour parvenir à les dompter.

 ?? (Photo Jean-François Ottonello) ??
(Photo Jean-François Ottonello)

Newspapers in French

Newspapers from Monaco