Monaco-Matin

« Le don privé est indispensa­ble... »

Thierry Lhermitte est parrain de la Fondation pour la recherche médicale (FRM) qui souffle, cette année, ses soixante-dix bougies. A la rencontre de cet homme engagé

- PROPOS RECUEILLIS PAR NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Parrain de la Fondation pour la recherche médicale (FRM) depuis douze ans, le comédien Thierry Lhermitte va régulièrem­ent à la rencontre des chercheurs financés par la Fondation, dans leur laboratoir­e, partout en France. Un engagement passionné, dont il témoigne à l’occasion des soixante-dix ans de la Fondation.

Pourquoi avoir rejoint la FRM, il y a douze ans ?

J’ai été parrain du Téléthon pendant deux années, ça m’a vraiment passionné. Ensuite, la FRM est venue me chercher, on s’est bien entendu… et voilà, on continue.

Quel regard portez-vous sur les chercheurs ?

Ce sont des gens extraordin­aires, dévoués à leur métier, à la progressio­n de la connaissan­ce… Et les scientifiq­ues ont aussi ceci de singulier qu’ils sont obligés de prouver ce qu’ils disent. Ce n’est pas le cas de grand monde autour de nous !

Pourquoi un tel engouement pour la recherche médicale ? Vous sentez-vous directemen­t concerné?

Elle nous concerne tous ! Ça m’interpelle toujours quand j’entends dire, « les handicapés, ils », « les malades, ils… » Mais on peut tous être malades ou handicapés demain ! Ce n’est pas « ils », c’est « on », nos enfants, nos parents, nous! C’est comme si les gens ne réalisaien­t pas qu’ils vont mourir, qu’ils peuvent devenir handicapés ou malades le lendemain même du jour où ils ont employé ce «ils». Ce n’est pourtant pas difficile de se projeter! On va tous se retrouver de l’autre côté… Et il sera alors trop tard pour donner…

Aujourd’hui, la recherche française est en souffrance …

Lorsque l’on discute avec les chercheurs, ils disent effectivem­ent avoir besoin de plus d’argent. Mais on ne peut pas dire que la recherche française est dans un état catastroph­ique ; elle est brillante. Le vrai problème réside dans le peu de moyens mis dans l’exploitati­on de la recherche. Aux USA par exemple, quand il y a une découverte importante, immédiatem­ent, des entreprise­s sont capables d’investir des sommes énormes, au risque de les perdre, pour exploiter cette découverte. Ce n’est pas le cas en France.

En tant que parrain de la FRM, vous appelez aux dons, en rappelant qu’ils sont essentiels.

Le don privé n’est pas un petit plus, il est, en effet, indispensa­ble pour les chercheurs ; il représente un tiers de leur budget. La FRM, qui collecte une part de ces dons privés, redistribu­e ainsi chaque année entre quarante et cinquantem­illions d’euros aux chercheurs.

Certains souhaitera­ient que l’Etat s’engage davantage, voire assure la totalité du financemen­t de la recherche publique.

Bien sûr, l’Etat pourrait faire mieux et plus ; la recherche d’argent prend un temps énorme aux chercheurs. Mais je n’approuve pas cette idée que l’Etat devrait tout financer. Le fait qu’il y ait d’autres sources de financemen­ts, émanant d’entreprise­s notamment, permet de développer certains projets que l’Etat ne financerai­t peut-être pas, et dans des délais beaucoup plus courts. Je crois que tout ça fonctionne très bien sur le trépied : Etat, entreprise, et dons privés.

En tant que parrain de la Fondation, vous fréquentez beaucoup les laboratoir­es de recherche. Certains travaux vous ont-ils particuliè­rement séduit ?

Pas vraiment. Chaque fois que je vais dans un laboratoir­e, je découvre des choses dont je ne soupçonnai­s pas l’existence et qui sont passionnan­tes. Le vivant est tellement complexe que le moindre petit organe ou tissu a une fonction passionnan­te. On peut citer le rein ; on se dit : « c’est juste un filtre », en fait ça sert aussi à contrôler la tension artérielle, de façon très compliquée. De même, on découvre que l’intestin dont on pensait qu’il servait simplement à digérer, est notre deuxième cerveau et qu’il est à la base de notre système immunitair­e.

Beaucoup déplorent que la culture scientifiq­ue soit si peu développée en France. Partagez-vous ce point de vue ?

Oui. Et c’est encore un paradoxe français assez incroyable… En mathématiq­ue par exemple : la France est l’un des pays le plus titrés au monde, avec plus de dix médailles Fields [considérée comme le prix Nobel pour les mathématiq­ues, ndlr]. Et, comble de l’ironie, le niveau de mathématiq­ues général est calamiteux.

Cela vous irrite ?

Oui, parce que ce n’est pas sans conséquenc­es. Un chercheur me confiait récemment : les sciences dures [physique, chimie, biologie…, ndlr], sont un ascenseur social extraordin­aire. Il n’est, en effet, pas nécessaire d’être né dans un milieu cultivé pour étudier ces sciences. C’est à la portée de tous, sans distinctio­n de milieu social. Pour les sciences humaines, c’est différent, il y a beaucoup plus besoin de culture. En valorisant le travail des chercheurs, j’essaie aussi de sensibilis­er à cela, c’est triste que ça ne se sache pas ...

Qu’est-ce qui bloque en Franc le développem­ent de cette culture scientifiq­ue ?

On est dans un pays qui discute beaucoup [rires]. Sans dire que les sciences humaines ne sont pas indispensa­bles, peut-être faudrait-il que l’on discute moins, et que l’on fasse un peu plus !

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(Photo Thomas Leaud) Thierry Lhermitte est parrain de la Fondation depuis douze ans.

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