« Le don privé est indispensable... »
Thierry Lhermitte est parrain de la Fondation pour la recherche médicale (FRM) qui souffle, cette année, ses soixante-dix bougies. A la rencontre de cet homme engagé
Parrain de la Fondation pour la recherche médicale (FRM) depuis douze ans, le comédien Thierry Lhermitte va régulièrement à la rencontre des chercheurs financés par la Fondation, dans leur laboratoire, partout en France. Un engagement passionné, dont il témoigne à l’occasion des soixante-dix ans de la Fondation.
Pourquoi avoir rejoint la FRM, il y a douze ans ?
J’ai été parrain du Téléthon pendant deux années, ça m’a vraiment passionné. Ensuite, la FRM est venue me chercher, on s’est bien entendu… et voilà, on continue.
Quel regard portez-vous sur les chercheurs ?
Ce sont des gens extraordinaires, dévoués à leur métier, à la progression de la connaissance… Et les scientifiques ont aussi ceci de singulier qu’ils sont obligés de prouver ce qu’ils disent. Ce n’est pas le cas de grand monde autour de nous !
Pourquoi un tel engouement pour la recherche médicale ? Vous sentez-vous directement concerné?
Elle nous concerne tous ! Ça m’interpelle toujours quand j’entends dire, « les handicapés, ils », « les malades, ils… » Mais on peut tous être malades ou handicapés demain ! Ce n’est pas « ils », c’est « on », nos enfants, nos parents, nous! C’est comme si les gens ne réalisaient pas qu’ils vont mourir, qu’ils peuvent devenir handicapés ou malades le lendemain même du jour où ils ont employé ce «ils». Ce n’est pourtant pas difficile de se projeter! On va tous se retrouver de l’autre côté… Et il sera alors trop tard pour donner…
Aujourd’hui, la recherche française est en souffrance …
Lorsque l’on discute avec les chercheurs, ils disent effectivement avoir besoin de plus d’argent. Mais on ne peut pas dire que la recherche française est dans un état catastrophique ; elle est brillante. Le vrai problème réside dans le peu de moyens mis dans l’exploitation de la recherche. Aux USA par exemple, quand il y a une découverte importante, immédiatement, des entreprises sont capables d’investir des sommes énormes, au risque de les perdre, pour exploiter cette découverte. Ce n’est pas le cas en France.
En tant que parrain de la FRM, vous appelez aux dons, en rappelant qu’ils sont essentiels.
Le don privé n’est pas un petit plus, il est, en effet, indispensable pour les chercheurs ; il représente un tiers de leur budget. La FRM, qui collecte une part de ces dons privés, redistribue ainsi chaque année entre quarante et cinquantemillions d’euros aux chercheurs.
Certains souhaiteraient que l’Etat s’engage davantage, voire assure la totalité du financement de la recherche publique.
Bien sûr, l’Etat pourrait faire mieux et plus ; la recherche d’argent prend un temps énorme aux chercheurs. Mais je n’approuve pas cette idée que l’Etat devrait tout financer. Le fait qu’il y ait d’autres sources de financements, émanant d’entreprises notamment, permet de développer certains projets que l’Etat ne financerait peut-être pas, et dans des délais beaucoup plus courts. Je crois que tout ça fonctionne très bien sur le trépied : Etat, entreprise, et dons privés.
En tant que parrain de la Fondation, vous fréquentez beaucoup les laboratoires de recherche. Certains travaux vous ont-ils particulièrement séduit ?
Pas vraiment. Chaque fois que je vais dans un laboratoire, je découvre des choses dont je ne soupçonnais pas l’existence et qui sont passionnantes. Le vivant est tellement complexe que le moindre petit organe ou tissu a une fonction passionnante. On peut citer le rein ; on se dit : « c’est juste un filtre », en fait ça sert aussi à contrôler la tension artérielle, de façon très compliquée. De même, on découvre que l’intestin dont on pensait qu’il servait simplement à digérer, est notre deuxième cerveau et qu’il est à la base de notre système immunitaire.
Beaucoup déplorent que la culture scientifique soit si peu développée en France. Partagez-vous ce point de vue ?
Oui. Et c’est encore un paradoxe français assez incroyable… En mathématique par exemple : la France est l’un des pays le plus titrés au monde, avec plus de dix médailles Fields [considérée comme le prix Nobel pour les mathématiques, ndlr]. Et, comble de l’ironie, le niveau de mathématiques général est calamiteux.
Cela vous irrite ?
Oui, parce que ce n’est pas sans conséquences. Un chercheur me confiait récemment : les sciences dures [physique, chimie, biologie…, ndlr], sont un ascenseur social extraordinaire. Il n’est, en effet, pas nécessaire d’être né dans un milieu cultivé pour étudier ces sciences. C’est à la portée de tous, sans distinction de milieu social. Pour les sciences humaines, c’est différent, il y a beaucoup plus besoin de culture. En valorisant le travail des chercheurs, j’essaie aussi de sensibiliser à cela, c’est triste que ça ne se sache pas ...
Qu’est-ce qui bloque en Franc le développement de cette culture scientifique ?
On est dans un pays qui discute beaucoup [rires]. Sans dire que les sciences humaines ne sont pas indispensables, peut-être faudrait-il que l’on discute moins, et que l’on fasse un peu plus !