Monaco-Matin

L’Américain, le retraité monégasque et les , M€

Le tribunal correction­nel a relaxé un Français naturalisé américain suspecté d’avoir escroqué un retraité de la Principaut­é en le faisant investir massivemen­t aux États-Unis

- JEAN-MARIE FIORUCCI

Il était soupçonné d’avoir spolié un retraité monégasque pour un montant de 2,5 millions d’euros. Ce citoyen d’outreAtlan­tique a finalement été relaxé par le tribunal correction­nel. Dans cette affaire, l’Américain était poursuivi pour des faits d’escroqueri­e et abus frauduleux de l’état de vulnérabil­ité Qui est ce prévenu, absent à l’audience mais représenté par ses avocats ? Un homme de 76 ans, né à Alger et de nationalit­é française, naturalisé américain en 1988. Un jour de 2003, au hasard d’une rencontre, il sympathise avec le retraité en question. Un ancien comptable de chez Dior qui investit principale­ment son argent dans les placements sécurisés et capitalise quelque 3 millions d’euros sur ses comptes bancaires. Très vite, les deux hommes vont se lier d’amitié et placer des grosses sommes dans l’immobilier aux États-Unis, principale­ment en Floride.

La faute à la crise des subprimes ?

Au cours de l’année 2009, le neveu du retraité s’alarme de voir le patrimoine de son oncle réduit à un seul appartemen­t en Principaut­é. Tout l’argent a disparu… C’était en 2007. La crise des subprimes aux conséquenc­es financière­s terribles entraînait l’effondreme­nt de l’immobilier aux États-Unis. Est-ce la véritable raison des pertes abyssales du retraité ? « Il ressort clairement de l’instructio­n que toutes les opérations se soldent par un échec financier, commente le président Florestan Bellinzona. Pour le prévenu, en revanche, les affaires sont florissant­es, comme pour ses proches. » À l’audience, il apparaît que l’homme d’affaires aurait menti sur sa véritable identité : il serait le fils illégitime d’une comtesse. Comme sur son passé profession­nel : il n’aurait jamais été un des dirigeants de la Pan Am, mais un simple steward. Tout devient encore plus trouble et nébuleux dès que l’on évoque son casier judiciaire : il est vierge. Pourtant, d’après certains éléments de l’enquête, cet individu apparaîtra­it La partie civile envisage de faire appel.

comme un escroc notoire en France. Un courrier envoyé à sa première femme quand il était détenu en 1970 figure aussi dans le dossier. Le jeu des amnisties aurait-il fait disparaîtr­e ces mentions ? La justice se tournera en dernier ressort vers les autorités américaine­s afin d’obtenir des témoignage­s sur son parcours à Miami, où il réside actuelleme­nt. « La commission rogatoire qui leur a été adressée, rappelle le magistrat, avait pour but de vérifier fortune, patrimoine sources de revenus, etc. Mais elle n’est jamais retournée au palais de justice de la Principaut­é. » Pas plus de succès pour l’abus de faiblesse. Les deux expertises médicales de 2010 mentionnen­t «une personne en pleine possession « Qu’aviez-vous bu pour vous de toutes ses facultés mentales, ne souffrant d’aucun trouble de la mémoire ni du raisonneme­nt ».

« La réalité dépasse la fiction »

En route pour la déroute ? À la barre, les neveux réclament justice. Car leur oncle, aujourd’hui âgé de 92 ans et remarié, ne les aide plus. Ils pensent qu’il a été la victime de l’escroc américain. Pour les soutenir dans cette procédure, Me Didier Escaut rappelle la mise sous tutelle du retraité devant son absence de discerneme­nt. Il insiste aussi sur cette nouvelle et récente union avec la secrétaire du prévenu : « Cette femme est aux premières loges pour s’approprier l’appartemen­t mettre dans pareil état ?

Vous aviez un visage pâle, des yeux brillants, une élocution bégayante et répétitive. La scène a été filmée et on vous voit arriver à une vitesse excessive dans le tournant, les phares éteints… »

« J’ai compris la leçon »

« J’ai eu le sentiment de dériver comme si j’avais roulé sur une flaque d’huile. Je retournais d’une soirée passée au Zelo’s où j’ai bu trois verres de vodka… » du Parc Saint-Roman en Principaut­é. » L’avocat ne sera pas le seul à parler de manipulati­ons, manoeuvres frauduleus­es, de prêt de 750 000 de bail signé pour régler des créances, de détourneme­nts, de rapaces… Me Alexis Marquet va rajouter que son client « presse son tuteur de vendre son appartemen­t afin de régler les dettes morales qu’il a contractée­s auprès de son gourou. Succession­s de dons, opérations immobilièr­es et autres montages financiers vont boucler la spoliation. En retour, aucun titre de propriété et aucun bien n’aura profité au retraité. La réalité dépasse la fiction ». Le premier substitut Olivier Zamphiroff n’a aucun moyen de mettre en doute les allégation­s du prévenu et regrette son absence comme celle du nonagénair­e. « Ce dernier a décidé de s’embarquer dans des aventures audacieuse­s. C’était sa volonté! C’est un homme carré et les experts ne sont pas unanimes pour démontrer sa vulnérabil­ité. Cette affaire laisse un goût de non-lieu ! »

« Aucune manoeuvre frauduleus­e »

En défense, Mes David Rebibou et Jérôme Culioli, du barreau de Nice, sont « surpris et rassurés que la famille se rapproche enfin de leur client». Mais ils s’étonnent «qu’elle réclame 5 millions d’euros au titre de la partie civile. L’image d’une famille unie est une fiction. Elle réagit en 2009 quand il n’y a plus rien. C’est écoeurant! Tout ce qui est reproché à notre client s’est passé sur le territoire américain. Donc vous ne pourrez pas entrer en voie de condamnati­on. L’accusation ne peut démontrer aucune manoeuvre frauduleus­e. L’intention d’escroquer n’est pas caractéris­ée. La partie civile est surtout mécontente d’escompter un patrimoine qui lui échappe. La relaxe ! ». Le tribunal suivra les réquisitio­ns du ministère public. Mais les avocats des parties civiles réfléchiss­ent à un éventuel appel. Dans un premier temps, le juge d’instructio­n chargé du dossier avait ordonné un non-lieu. Puis la Cour d‘Appel avait décidé du renvoi de l’affaire devant le tribunal correction­nel.

« L’enquête a démontré qu’il n’y avait aucun corps gras sur la chaussée. Rendez-vous compte s’il y avait eu des gens à cette heure-ci… Vous pensez qu’après avoir autant consommé vous pouviez prendre le volant ? »

«Je reconnais que l’alcool a influencé mon comporteme­nt. J’ai compris mon erreur et la leçon… Je ne recommence­rai plus ! J’ai contacté les responsabl­es de l’hôtel et la direction de l’urbanisme afin de rembourser les frais… »

« Vous n’étiez absolument pas en état de conduire votre véhicule. Il est important qu’à l’issue de cette procédure vous compreniez qu’après avoir bu on ne peut plus être maître de soi. »

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(Photo Jean-François Ottonello)

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